Intervention de Sergio Coronado

Séance en hémicycle du 3 juin 2015 à 21h30
Débat sur les négociations internationales sur le climat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSergio Coronado :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, je tiens en premier lieu à remercier mes collègues Bernard Deflesselles, Jérôme Lambert et Arnaud Leroy – lequel, ayant d’autres obligations, a malheureusement dû nous quitter – pour la qualité de leur travail, qui nous a permis de prendre connaissance de l’état des négociations internationales relatives au changement climatique. Ces négociations, cela a déjà été souligné, sont difficiles à décrypter, mais leur travail souligne à quel point la situation que nous avons à affronter est grave.

Le rapport qu’ils ont rendu public il y a quelques semaines note à juste titre que la dix-neuvième conférence des parties, la COP 19, qui s’était tenue à Varsovie, fut une conférence d’étape – étape qui, je le rappelle, s’est soldée par un échec, l’omniprésence des lobbies et des intérêts privés ayant poussé les ONG, les syndicats et les mouvements sociaux et citoyens à quitter la conférence.

Six mois après la conférence de Lima, où les États parties n’ont pas réussi à s’entendre sur l’idée d’une justice climatique et d’une répartition équitable de l’effort à fournir dans la lutte contre le réchauffement global, et six mois avant la conférence du Bourget, se déroule en ce moment même à Bonn une étape-clé des négociations climatiques. Les 195 États signataires de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques tentent d’avancer sur la voie d’un préaccord mondial pour contenir la hausse de la température moyenne à 2° C par rapport à celle de l’ère préindustrielle. Alors que seulement trente-huit États ont soumis leur contribution chiffrée, il apparaît difficile de penser qu’ils réussiront en une dizaine de jours à s’accorder sur les points de tension qui subsistent encore, là où les conférences sur le climat de Bali en 2007 et de Copenhague en 2009 ont échoué. Ma collègue Danielle Auroi l’a rappelé : l’Union européenne a proposé des objectifs ambitieux, mais qui ne trouvent que peu d’écho, notamment chez les acteurs majeurs que sont l’Australie ou le Brésil.

Les grandes institutions internationales, au premier rang desquelles l’Organisation des Nations unies, la Banque mondiale, l’Organisation de coopération et de développement économiques et le Fonds monétaire international, dont la présidente a déclaré que les subventions aux énergies fossiles étaient un gâchis pour la planète, s’accordent, elles aussi, à reconnaître l’urgence de la situation.

Laurence Tubiana, l’ambassadrice chargée des négociations pour la France, et Laurent Fabius, qui présidera les travaux de la conférence de Paris, sont manifestement peu optimistes. La première reconnaît que les contributions ont pris du retard et qu’il n’y aura pas de miracle à Bonn, tandis que le ministre des affaires étrangères avoue à demi-mot qu’il est fort probable que la somme des contributions dépasse en réalité les 2° C.

Le texte, dont la longueur – une centaine de pages – semble en cause, ne permet pas d’avancer efficacement. Ban Ki-moon lui-même a admis qu’un texte d’accord international ne devait pas dépasser une vingtaine de pages ! Il serait donc nécessaire que les gouvernements adressent des instructions claires à leurs négociateurs afin d’élaguer le texte sur lequel se baseront les négociations de la conférence de Paris.

Mme Tubiana a récemment déclaré à Barcelone, dans le cadre de la « Carbon Expo », que si l’on n’arrivait pas réduire la longueur du texte avant la fin de l’été – ce qu’elle ne souhaite bien évidemment pas –, la France serait prête à élaborer un document de travail qui s’imposerait comme base de négociation à Paris. Elle a certes nuancé son propos entre-temps, mais sa déclaration était claire. Dans le même esprit, Ségolène Royal a récemment mis en cause le fonctionnement des négociations onusiennes en raison de leur lenteur inadaptée à l’urgence de la situation ; selon elle, le mode opératoire de ces négociations serait même un frein. Il ne semble pas que la ministre de l’environnement se soit exprimée sur un coup de tête, aucune déclaration n’étant venue infirmer son propos. Ce dernier a troublé, certes, mais il n’est pas totalement isolé : Helen Clark, administratrice du Programme des Nations unies pour le développement et ancienne chef de gouvernement de la Nouvelle-Zélande, estime ainsi que le ministre des affaires étrangères devrait déclarer publiquement à Bonn qu’il est impératif de trouver un préaccord sur lequel se baser.

La situation est grave, mais elle est aussi quelque peu confuse. Il serait nécessaire qu’à six mois de la conférence de Paris, le Gouvernement explicite très clairement, et d’une seule voix, sa stratégie ; j’espère, madame la secrétaire d’État, que vous allez nous aider à comprendre celle-ci en nous disant ce que le Gouvernement compte faire en cas d’absence de préaccord. Comme l’a rappelé Arnaud Leroy, plusieurs hypothèses circulent : il y a la proposition du Brésil de classer les pays suivant des cercles, il y a la procédure classique des conférences des parties, et puis il y a la proposition, quelque peu brutale mais néanmoins intéressante, de Ségolène Royal de produire un texte national qui servirait de base à la négociation.

Mes chers collègues, comme le Premier ministre le soulignait en février en évoquant la COP 21, la France doit montrer l’exemple. Il faut commencer par montrer la voie en disant quel chemin nous souhaitons emprunter pour que la conférence de Paris soit un succès. Il y va de l’avenir de l’avenir de la planète et de la lutte contre le réchauffement climatique.

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