Sauf que, monsieur le ministre, nous ne sommes plus dans l’ajustement. En effet, la remise en cause de la déflation des effectifs, qui constituait le socle de votre LPM, induit des conséquences profondes en matière budgétaire comme en matière d’organisation de nos forces. Nous ne sommes plus dans la même LPM mais dans une version « Canossa ». Voilà qui fera date. J’aurai l’occasion d’y revenir. Mais auparavant, je voudrais m’autoriser deux observations.
La première se rapporte aux conséquences directes de l’épisode terroriste de janvier dernier, dont je comprends que certains ne jugent guère opportun de les évoquer. Mais dans ce débat qui concerne notre sécurité nationale, il serait incompréhensible que l’Assemblée ne se demande pas pourquoi la seule équipée terroriste du clan Coulibaly sur notre sol national a provoqué l’ébranlement, jusque dans ses fondements, de la loi de programmation militaire. Voilà qui fera date !
J’ai déjà rappelé au début de mon propos les dispositions de la LPM, reprenant celles du Livre Blanc, relatives à ce qu’il est convenu d’appeler la « protection du territoire national et des Français » et qui visent à « assurer aux Français une protection efficace contre l’ensemble des risques et des menaces, en particulier le terrorisme ». Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi l’on s’interroge maintenant sur l’opportunité de faire intervenir notre armée sur le sol national, au motif que nous sommes les seuls à le faire en Europe : c’est prévu dans le Libre blanc et dans la loi de programmation militaire ! Certaines interrogations sont assez surprenantes.
La loi de programmation militaire s’est donc littéralement désintégrée au terme de seulement dix-huit mois d’existence, sous le coup d’un seul épisode de terrorisme sur notre sol national. Un seul épisode ! Voilà qui interpelle ! Voilà qui fera date !
On ne saurait mieux démontrer que votre LPM faisait, comme nous l’avons dénoncé à l’époque, une part un peu trop belle à l’illusion. Alors aujourd’hui la question se pose de savoir où s’arrêtent les limites de l’illusion et quelle est la crédibilité de notre système de forces.
Certes nos soldats, sur les théâtres d’opération où ils sont engagés, nous apportent une preuve éclatante de leurs capacités opérationnelles. Avec eux, il n’y a pas de doute. Mais c’est la globalité du système qui pose question. Qui ignore la paupérisation de nos forces armées, les tensions insolubles sur les équipements, les restrictions qui vont jusqu’à peser sur la formation et l’entraînement ?
Monsieur le ministre, les conditions dans lesquelles votre LPM a, en quelque sorte, implosé sous nos yeux portent en germe la redoutable question du doute sur l’efficience globale de l’outil dont vous avez la responsabilité. Pour qu’il n’y ait pas d’interprétation erronée de mon propos, je réaffirme bien qu’il ne s’agit pas de la qualité ni du professionnalisme de nos soldats, reconnus de tous, mais bien de la pertinence des moyens mis à leur disposition, notamment dans le cadre de votre LPM. C’est votre responsabilité de lever le doute que vous avez introduit.
Ma deuxième observation porte sur le niveau exceptionnellement élevé de nos engagements armés hors de nos frontières et sur les conséquences qui en découlent. À cet égard, je voudrais mentionner l’excellent rapport d’information Engagement et diplomatie : quelle doctrine pour nos interventions militaires ? que viennent de rendre nos collègues députés Guy-Michel Chauveau et Hervé Gaymard.