Intervention de Yves Fromion

Séance en hémicycle du 4 juin 2015 à 9h30
Programmation militaire pour les années 2015 à 2019 — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Fromion :

S’agit-il de donner des gages à Bercy ? Mais la sueur et le sang de nos soldats, le suremploi auquel ils sont soumis, les atteintes à leur moral qui se multiplient ne sont-ils pas des gages suffisants pour les argentiers de la République ? Tous les chefs d’état-major font état de leurs grandes difficultés en matière de personnel. Vous ne les écoutez pas, vous ne les entendez pas ?

C’est pourtant l’entière responsabilité du Président de la République d’avoir pris les décisions d’engagement de nos moyens militaires qui conduisent aujourd’hui à un suremploi de nos forces armées, au-delà des contrats opérationnels, comme nous l’ont dit, je le répète, les chefs d’état-major. À vous d’en tirer les conséquences. Vous ne le faites pas, n’attendez pas que nous vous donnions quitus de votre gestion de la ressource humaine de nos armées !

Passons maintenant à l’aspect budgétaire de votre projet de loi. Il nous est annoncé une rallonge budgétaire de 3,8 milliards d’euros sur la période 2016-2019. C’est une bonne nouvelle. Enfin, plus précisément, ce devrait être une bonne nouvelle. Qu’en est-il ?

Sur les 3,8 milliards, 2,8 sont consacrés au « contrat protection », c’est-à-dire pour l’essentiel au financement de la non-déflation des effectifs de votre ministère, déjà évoquée. Vous nous avez dit que 1,3 milliard sera mis à votre disposition pour 2016-2017. Ces sommes serviront-elles uniquement à couvrir le coût lié à la non-déflation des personnels ? On s’interroge alors sur la ventilation du milliard et demi résiduel du contrat de protection en 2018 et 2019.

Il reste par ailleurs 1 milliard, sur les 3,8 milliards, réparti à raison de 500 millions dédiés à l’entretien programmé des matériels et 500 millions affectés à l’acquisition de matériels nouveaux. Mais on nous laisse entendre que ce milliard d’euros ne se concrétiserait qu’en 2018 et 2019 soit, une fois encore, après 2017 ! Les promesses n’engagent que ceux qui y croient, et vogue la galère !

Quel crédit faut-il porter dans de telles conditions au projet d’acquisition de sept hélicoptères Tigre et six hélicoptères NH90 ainsi que d’une panoplie d’autres équipements dont vous faites état, monsieur le ministre, sans autre précision sur les dates de commande et de livraison de ces matériels dont le besoin est criant ?

Et notre circonspection ne peut qu’être encouragée, hélas, par l’apparition dans votre édifice budgétaire d’un objet non formellement identifié, ayant la forme d’un milliard d’euros, constitué par des économies sur les coûts des facteurs, c’est-à-dire les indices économiques des produits, matières premières, services dont nos armées font un usage quotidien. On ne sait d’ailleurs rien de précis sur le sujet, ni sur la façon dont seront faits les calculs, ni par qui, ni comment se feront les répartitions entre programmes…

Or ce milliard virtuel est lui aussi censé servir à l’acquisition des matériels évoquée il y a un instant. Et je veux faire observer qu’aucune clause de sauvegarde, aucune, n’est prévue au cas où le milliard virtuel se transformerait, tout ou partie, en mirage, hypothèse hélas fort crédible. Les ressources exceptionnelles sont mortes, ou presque, vive les gains « coût des facteurs »… On va de Charybde en Scylla !

Une observation encore. Pourquoi, si des gains sur les coûts des facteurs présentaient un caractère plausible, ne pas avoir utilisé ce moyen pour réduire les reports de charges de plus de 3 milliards qui pèsent sur les trésoreries des entreprises fournisseurs de la défense et sur votre propre budget, monsieur le ministre ?

Sincèrement, monsieur le ministre, est-on jamais allé aussi loin en matière budgétaire dans l’improvisation, dans la fiction ? Qu’adviendra-t-il si les coûts des facteurs n’évoluent pas dans le sens attendu ? Pire encore, qu’adviendra-t-il si on découvre que ces gains miraculeux n’existent pas ?

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