De plus, nous nous posons tous la question de savoir si l’utilisation de 7 000 militaires en faction devant des sites dont le caractère sensible est lié au culte qui y est pratiqué est totalement en adéquation avec leur coeur de métier.
Malgré la prise de conscience tardive de votre majorité, la perte sur la LPM sera quand même de 14 925 équivalents temps plein, et avec 261 161 éléments, notre armée comptera moins de professionnels en 2019 qu’en 1996, année où a été décidée la professionnalisation !
Si vous envisagez de consacrer 2,8 milliards de plus sur le titre 2 pour financer les postes non supprimés, nous ne savons pas – mais peut-être n’avez-vous pas eu le temps de nous l’expliquer – comment seront financés sur l’exercice 2015 les 7 500 postes sauvés cette année. Nous ne savons pas non plus comment sera financé le surcoût de 300 millions d’euros de l’opération Sentinelle, dont la Cour des comptes nous apprend qu’il n’a été prévu qu’à hauteur de 11 millions d’euros et alors qu’elle ne pourra pas, contrairement aux OPEX, bénéficier de la solidarité interministérielle.
Et bien sûr reviendra l’éternelle litanie du surcoût des OPEX, qui devrait atteindre cette année sensiblement le même niveau qu’en 2014, c’est-à-dire 1,115 milliard d’euros, soit 665 millions non financés en loi de finances initiale.
La discussion interministérielle risque une fois de plus d’être tendue, et nous craignons un nouveau prélèvement sur le programme 146, les crédits d’équipements étant comme toujours susceptibles de servir de variable d’ajustement.
Nous apprécions, monsieur le ministre, la budgétisation d’une grande partie des 6 milliards de recettes exceptionnelles prévues par la LPM, mais nous demanderons que soit maintenu dans la LPM le mécanisme de compensation, au cas où tout ou partie des 930 millions restants ne serait pas au rendez-vous.
Si nous saluons le bonus de 3,8 milliards que vous ajoutez dans le berceau, nous notons que 2,8 seront consacrés à la solde des personnels non « déflatés ». Seul un petit milliard sera donc consacré à l’achat et à l’entretien de matériel.
François Fillon évaluait en 2013, à cette tribune, à 16,5 milliards la réduction budgétaire qui allait frapper l’investissement durant cette LPM. Vous n’aviez d’ailleurs pas contesté cette évaluation, vous contentant d’évoquer dans votre réponse une moyenne de 17 milliards de dépenses d’investissement chaque année d’exécution de la LPM.
Aujourd’hui, tous les spécialistes s’accordent à dire que compte tenu de l’intensité de nos engagements et des milieux hostiles dans lesquels nos troupes évoluent, on peut considérer qu’il manque 3 milliards d’euros par an pour faire le compte, soit 18 sur la durée d’exécution de la LPM !
Vous confirmez d’ailleurs tout cela en vous livrant à un décalage systématique de tous les programmes, en réduisant le format de nos équipements partout où vous avez l’occasion de le faire et en n’engageant pas tous les travaux d’infrastructures et d’accueil pourtant si nécessaires à nos armées et à leurs personnels militaires et civils.
Ainsi, notre marine parviendra péniblement au milieu de la prochaine décennie à une flotte de quinze frégates de premier rang, en y incluant quatre frégates de taille intermédiaire. On est loin de l’évaluation des états-majors, qui il y a dix ans considéraient que, compte tenu de l’étendue de nos espaces maritimes, il était dangereux de descendre en dessous de vingt-trois.
Le report d’un an du programme de Frégate européenne multimission, ou programme FREMM, oblige au maintien en activité de trois frégates de type F70, ce qui complique encore plus la manoeuvre « ressources humaines » de la marine, puisque chacune nécessite l’emploi de 250 marins lorsqu’une FREMM n’en a besoin que de 100.
Le report à 2018 de la livraison du premier Barracuda va dans le même sens, comme la réduction de quatre à deux du nombre d’Atlantique 2 dont la rénovation est programmée au titre de la LPM, et bien sûr le recul de cinq mois du début de l’indisponibilité périodique pour entretien et réparation, ou IPER, de ce qui restera encore pour longtemps notre seul et unique porte-avion, ce qui permet un glissement budgétaire de 2016 à 2017 !
Certains de mes collègues vous interpelleront sur le format de notre armée de l’air, car le contexte, dont nous pouvons tous nous féliciter, d’accélération du marché de l’export augmente notre crainte qu’elle ne se retrouve le dindon de la farce. En effet, la vente « sur étagère » n’est pas réalisée sur les étagères des industriels, mais sur celles de nos forces armées, comme cela a été le cas pour la FREMM et les Rafale vendus à l’Egypte.
Si l’on ne peut que partager votre joie de l’embellie inespérée d’1 milliard du coût des facteurs, il ne faut toutefois pas sous-estimer l’aléa que cette recette représente car, monsieur le ministre, on ne gagne pas au Loto à chaque fois que l’on remplit une grille !
Les 500 millions supplémentaires consacrés à l’entretien programmé des matériels, l’EPM, qui complètent les 4,3 % d’augmentation initialement prévus, constituent eux aussi un bel effet d’annonce. Là encore, tous s’accordent à dire qu’ils ne suffiront pas à inverser la chute du taux de disponibilité des matériels, en particulier de notre armée de terre.
En effet, ses véhicules ne résistent pas aux conditions extrêmement hostiles dans lesquels ils sont utilisés au Mali et en RCA, et qui nécessiteraient une augmentation de 50 % du budget d’EPM, comme le chef d’état-major de l’armée de terre nous l’avait précisé au moment de la discussion de la LFI.
Seul un arrêt immédiat de toute action de guerre dans ces contrées pourrait inverser la tendance. Cela est bien sûr plus qu’improbable aujourd’hui !
Enfin, quand aurons-nous, comme la LPM le demande dans son article 6, une réflexion sur le report de charges afin, comme il est précisé, « de le réduire dans l’objectif de le solder » ? Il est d’ailleurs très difficile d’obtenir à son sujet une évaluation précise, mais les 3,8 milliards couramment évoqués menacent la direction générale de l’armement de cessation de paiement.
Le temps n’est plus à l’approximation et au bricolage.
Nos armées sont en guerre, et nos soldats, nos aviateurs et nos marins, à qui nous devons respect et attention, méritent une loi à la hauteur des circonstances, mais aussi de l’engagement et des compétences des femmes et des hommes qui servent notre pays.