Intervention de Jean-Pierre Maggi

Séance en hémicycle du 4 juin 2015 à 9h30
Programmation militaire pour les années 2015 à 2019 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Maggi :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, en décembre 2013, nous votions une loi de programmation militaire pour la période 2014 à 2019, fixant les objectifs de la politique de défense et la programmation financière qui lui est associée.

Or le contexte a évolué depuis. D’une part, les dramatiques attentats survenus à Paris en janvier ont démontré la nécessité d’un déploiement accru des forces sur le sol national, tant pour garantir la sûreté des populations que pour participer à la lutte contre le terrorisme.

D’autre part, la multiplication des crises en Afrique et au Moyen-Orient a contraint l’armée française à déployer des moyens importants sur des théâtres nouveaux, notamment dans la bande sahélo-saharienne et en Irak, pour des opérations militaires de contre-terrorisme exigeantes.

Le temps est donc venu de vérifier, d’une part la bonne adéquation entre les objectifs fixés dans la loi de programmation militaire et les réalisations, et d’autre part, d’affiner certaines des prévisions qui y sont inscrites, notamment dans les domaines de l’activité des forces et des capacités opérationnelles. Face à ce nouveau contexte stratégique, une actualisation s’est avérée nécessaire, d’autant qu’elle était prévue pour cette année dans la loi de programmation militaire.

Dès lors, en sanctuarisant les crédits de la défense à hauteur de 31,4 milliards pour 2015 et en dégageant 3,8 milliards de crédits supplémentaires pour couvrir les quatre prochaines années, le Président de la République a fait le choix nécessaire de renforcer les capacités d’intervention de nos armées.

Ce choix, il fallait l’assumer, et le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste le salue. Il permettra de réaliser les adaptations indispensables sans remettre en cause les grands principes de la stratégie de défense et de sécurité nationale énoncés dans le Livre blanc, pas plus que les grands équilibres de la programmation militaire.

D’autant que l’actualisation de la loi de programmation militaire permet de sécuriser les ressources financières dont bénéficie le ministère, puisque la majeure partie des recettes exceptionnelles prévues dans la programmation initiale, qui devait en partie provenir de la cession de la bande de fréquences des 700 mégahertz, sera remplacée par des crédits budgétaires.

Dès l’année 2015, et pour les années suivantes, les ressources de la programmation militaire seront alors constituées des crédits budgétaires de la mission « Défense » et des seules recettes extrabudgétaires issues des cessions immobilières et de matériels militaires, soit 0,6 % des ressources financières totales.

Ainsi, avec un financement en hausse et sécurisé, l’actualisation permettra tout d’abord une adaptation en termes d’effectifs.

Les attaques de janvier à Paris ont montré que la France, comme les autres États européens, était directement exposée à une menace terroriste en pleine expansion. Face à ce constat alarmant, le Président de la République a décidé que le rythme de réduction des effectifs du ministère de la défense devait être révisé.

La diminution des effectifs de la mission « Défense », initialement prévue à hauteur de 33 675 postes, est réduite de 18 750 pour s’établir sur la période 2014-2019 à 14 925 équivalents temps plein. La protection terrestre sera alors renforcée, avec la capacité de déployer 7 000 hommes durant une année sur le territoire national, et la possibilité de monter jusqu’à 10 000 pendant un mois. Cela implique de porter le format de la force opérationnelle terrestre à 77 000 hommes, au lieu des 66 000 initialement prévus.

C’est là encore une décision salutaire, tant le haut niveau d’engagement des forces armées, aussi bien sur le territoire national qu’au titre d’opérations extérieures, doit être renforcé. À ce titre, 2,8 milliards d’euros y seront consacrés.

Pour répondre à ces besoins croissants en matière de protection du territoire national, la contribution de la réserve opérationnelle militaire sera également accrue. Pour atteindre cet objectif, le budget consacré connaîtra une augmentation de 75 millions d’euros sur la période 2016-2019.

Ainsi, en cas de menace sur la sécurité nationale, il sera possible d’augmenter le nombre de jours d’activité des réservistes salariés et de réduire le préavis d’information de leurs employeurs. De même, un élargissement des recrutements vers les entreprises sera favorisé pour mettre fin à l’érosion des effectifs, avec une augmentation de 28 000 à 40 000 du nombre des réservistes. C’est un dispositif nécessaire, tant la réserve opérationnelle est une capacité à part entière de nos forces, qu’il convient donc de développer.

Autre objectif de l’actualisation : une adaptation en termes d’équipements.

D’abord, au profit de la régénération des matériels. L’activité des forces était déjà une priorité de la loi de programmation militaire, marquée par un effort financier important dans ce domaine, puisque les crédits consacrés à l’entretien programmé des matériels progressaient en moyenne de 4,3 % par an en valeur sur la période.

Avec l’actualisation, l’effet financier sera encore amplifié au profit des matériels les plus sollicités en opérations, avec une dotation supplémentaire de 500 millions d’euros sur la période 2016-2019.

En effet, le niveau actuel des engagements, leur nature et les moyens disponibles pour s’y préparer nécessitent de maintenir, dans la durée, un potentiel technique des matériels des forces armées suffisant.

L’actualisation permettra, ensuite, une amélioration dans le domaine des équipements critiques. Elle se fera, en premier lieu, au profit de la composante hélicoptères, avec des achats supplémentaires ; mais également au profit de la capacité de projection aérienne tactique, notamment avec l’avancement de la livraison de plusieurs avions ravitailleurs. Enfin, dans le domaine du renseignement, avec un renforcement de nos capacités d’observation spatiale par l’acquisition notamment d’un troisième satellite.

Le projet de loi contient, par ailleurs, deux dispositifs importants.

Tout d’abord, il institue un droit d’association professionnelle des militaires. Ces derniers auront désormais le droit de créer et d’adhérer à des organismes ayant pour objet la préservation de leurs intérêts professionnels. De même que sera garanti à ces organismes, par l’attribution de certains droits et moyens, l’exercice effectif de la mission qu’ils se sont assignée, notamment par la reconnaissance d’un droit au dialogue social avec la hiérarchie militaire.

C’est une évolution importante et nécessaire, d’une part pour que notre législation soit mise en conformité avec la Convention européenne des droits de l’homme, mais surtout pour réussir pleinement le processus de professionnalisation des armées. Ce dernier, engagé en 1997, a pour ambition de rapprocher de manière générale, la nation de son armée et le civil du militaire.

Par conséquent, tout en prenant en considération les impératifs liés au statut même de militaire, il doit être offert à l’ensemble de celles et ceux qui composent nos armées un certain nombre de droits et libertés dont bénéficient les compatriotes civils qu’ils ont pour mission de protéger.

Autre dispositif important : l’expérimentation d’un service militaire volontaire.

Malheureusement, certains jeunes rencontrent aujourd’hui de graves problèmes d’insertion dans le monde professionnel. Dans le texte que nous discutons aujourd’hui, il est proposé de créer, à titre expérimental, un service militaire volontaire tourné vers des jeunes ayant entre 17 et 25 ans, et ce pour une durée variable de six mois à un an.

Ce dispositif est remarquable, puisqu’il ambitionne d’accompagner des jeunes décrocheurs sur le chemin de la socialisation et de l’emploi en leur offrant une formation globale. Militaire d’abord, pour une durée d’un mois, cette formation élémentaire, au sein de l’armée de terre, leur apprendra ainsi le goût de l’effort et du dépassement. Elle pourra être aussi l’occasion pour eux de porter assistance aux populations dans le cadre des missions de sécurité civile. Ensuite, une formation citoyenne, se faisant par une remise à niveau scolaire, un apprentissage des valeurs de la République et des règles de vie en collectivité, ainsi qu’une formation au permis de conduire et de secourisme. Enfin, une formation professionnelle pourra également être proposée et, le cas échéant, les volontaires stagiaires pourront effectuer des périodes de mise en situation professionnelle en entreprise.

Ce service militaire volontaire présente donc plusieurs avantages qui devront pousser à le généraliser au-delà des deux années prévues pour son expérimentation, car il constitue une solution originale et innovante pour l’insertion des jeunes. II contribue pour les armées au renforcement de la cohésion nationale, et aussi à l’esprit de défense, par une diffusion de la culture militaire. Enfin, il apporte, pour les entreprises, une ressource jeune ayant acquis les bases de la vie en collectivité et de l’insertion professionnelle.

Ce projet de loi actualisant la programmation militaire 2014-2019 donne à la France les moyens de mettre en oeuvre un modèle d’armée ambitieux, apte à répondre à l’évolution des enjeux internationaux et au besoin de sécurisation du territoire national.

Par conséquent, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste lui apportera tout son soutien.

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