Intervention de Jean-Jacques Candelier

Séance en hémicycle du 4 juin 2015 à 15h00
Programmation militaire pour les années 2015 à 2019 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Candelier :

Monsieur le président, monsieur le ministre de la défense, madame la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, mes chers collègues, permettez-moi, à nouveau, de déplorer ce qui s’apparente quelque peu à un coup de force. L’examen de cette actualisation de la loi de programmation militaire intervient en effet deux semaines après le passage du texte en conseil des ministres. Nous n’avons pas eu le temps d’assimiler le contenu des différentes auditions et de faire un travail d’amendement approfondi.

Le projet de loi est dense et fourni. Il prévoit, par exemple, l’introduction d’une expérimentation du service militaire volontaire – SMV – qui pose de nombreuses questions. Un tel sujet mériterait un débat à lui seul.

Recours aux ordonnances, procédure accélérée, délais réduits au minimum… Le but est-il d’influer le moins possible sur les projets du Gouvernement ?

Je considère que le Parlement ne doit pas être la chambre d’enregistrement de l’exécutif. Pour bien légiférer, la séparation des pouvoirs entre le législatif et l’exécutif s’impose. Prenons, par exemple, la question de la réserve opérationnelle. Des contradictions existent entre une augmentation de la disponibilité des réservistes et la volonté du Gouvernement employeur de ne pas réduire le temps de travail des fonctionnaires. Si le but est d’arriver à créer une force de réserve, qui manque à la France, des réformes strictement normatives s’imposent.

Bien sûr, les amendements de Mme la rapporteure sur ce sujet laissent entière la question de la mise à contribution de tous les employeurs de France à la réserve. Nous pensons que la loi doit être la même pour tous, surtout avec les nouveaux cadeaux que vient de recevoir le patronat. Nous ne voulons pas d’une réserve composée de fonctionnaires et de membres des services publics.

Mais on le voit – l’examen du projet de loi en commission l’a encore démontré – on ne peut pas compter sur la mobilisation patriotique des employeurs, qu’ils soient privés ou publics, en faveur de l’effort de réserve. L’histoire a tranché : l’esprit du 11 janvier ne pèse pas lourd par rapport à la défense de certains intérêts particuliers. Il semble que quinze jours par an, bien organisés et planifiés à l’avance, constituent, hors temps de crise, un seuil incompressible.

L’État employeur est aussi en conflit d’intérêts sur la question de la syndicalisation. Le projet de loi prétend appliquer les arrêts rendus en la matière par la Cour européenne des droits de l’homme en octobre dernier : or on s’aperçoit qu’il les contourne.

Je fais la mise en garde suivante : si nous n’amendons pas le texte pour le mettre en conformité avec la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, on peut s’attendre à l’ouverture d’autres contentieux qui, tôt ou tard, donneront corps au droit pour les militaires de se syndiquer. Je rappelle en effet que, dans deux arrêts du 2 octobre 2014 de la Cour européenne des droits de l’homme, les juges ont estimé que la liberté des militaires pouvait faire l’objet de restrictions légitimes, mais pas au point d’interdire, de manière pure et simple, de constituer un syndicat ou d’y adhérer.

Or cette interdiction subsiste dans le projet de loi. S’appuyant de manière orientée sur les règles de la discipline militaire, le texte propose une réforme a minima, avec des associations professionnelles strictement encadrées. En fait, les gouvernements successifs n’ont jamais voulu de syndicats dans les armées, se retranchant derrière une incompatibilité supposée entre la discipline militaire et le fait de défendre les conditions de vie et de travail.

Cette supposée incompatibilité n’existe ni en Allemagne, ni en Belgique, ni aux Pays-Bas, et encore moins en Suède où les militaires sont libres d’adhérer à un syndicat. Les associations professionnelles sont introduites à contrecoeur par le pouvoir. Aucune audition de syndicats représentatifs de la fonction publique n’a notamment été organisée.

On nous explique qu’à l’étranger, ce n’est pas pareil, parce que les armées en question sont faiblement sollicitées. La syndicalisation dans l’armée allemande date de Bismarck, suite à la guerre de 1870. Il me semble que ce pays a connu depuis quelques guerres bien tendues depuis.

Cet argument ne tient pas debout, et il est hors sujet. Les militaires sont des professionnels qui connaissent les aspects opérationnels et savent que, comme d’autres professions, ils n’ont pas le droit de grève. Ils savent aussi ce que neutralité et discipline veulent dire.

D’un point de vue financier, le Gouvernement est contraint de revoir la programmation militaire 2014-2019, inspirée du Livre blanc de la défense nationale. Cette programmation était intenable financièrement, vu les missions confiées aux armées et l’absence des ressources exceptionnelles prévues.

On nous propose d’ajouter des crédits au budget pour continuer comme avant et pour combler certaines lacunes et erreurs d’appréciations. Le Gouvernement continue de mener, avec des oeillères, une politique au coup par coup. Il n’y a, en effet, rien de nouveau depuis fin 2013 en matière de situation géopolitique internationale et de menace terroriste.

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