Intervention de Jean-Jacques Candelier

Séance en hémicycle du 4 juin 2015 à 15h00
Programmation militaire pour les années 2015 à 2019 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Candelier :

Cette actualisation s’impose surtout à cause du déséquilibre financier de la loi de programmation militaire – LPM – que nous avions dénoncé. Il s’agit d’augmenter les crédits attribués au ministère de la défense et de limiter la baisse des effectifs des armées afin de faire face à l’opération Sentinelle décidée suite aux attentats de janvier et de participer aux nombreuses opérations extérieures – OPEX.

C’est toute la stratégie financière du ministère, ainsi que les missions et l’organisation de nos armées, qu’il faudrait revoir. Après dix ans de baisse continue du budget de la défense, 3,8 milliards d’euros de plus seront attribués à celle-ci au cours des quatre prochaines années, dont 2,5 milliards d’euros au cours de la prochaine mandature.

Le dispositif Sentinelle, disons-le, constitue avant tout d’une opération de communication, qui, pour rassurer la population, nous coûte 1 million d’euros par jour. Or on le sait, les dispositifs de dernière ligne sont particulièrement peu opérants pour empêcher une action terroriste judicieusement planifiée.

L’argent ainsi dépensé serait mieux utilisé dans le renseignement militaire et le suivi des réseaux terroristes. D’ailleurs, ce sont souvent des militaires qui reviennent d’OPEX qui sont chargés d’assurer les missions de surveillance, ce qui a des conséquences désastreuses pour leurs familles.

En ce qui concerne les opérations extérieures, la tentaculaire opération Barkhane, lancée en plein été 2014 sans débat ni vote au Parlement, couvre cinq pays africains et mobilise environ 3 000 militaires. Elle s’inscrit dans le cadre d’une stratégie de forces prépositionnées, la France se faisant le gendarme de l’Afrique et assurant la sous-traitance de ce continent pour les Américains.

Il faudrait évaluer les résultats de cette opération au lieu de continuer. Nous n’arrivons pas à sortir de ces pays, et l’image de la France commence sérieusement à s’y dégrader. En matière d’effectifs, s’il était prévu 33 675 suppressions de postes, 18 750 seront finalement épargnés. En clair, on continue de supprimer des postes alors que nos armées sont placées sous une tension infernale.

M. le ministre de la défense a annoncé son plan de restructuration : fermeture de l’hôpital du Val-de-Grâce et d’une base navale, dissolution d’un régiment et désarmement de cinq bâtiments de la marine. J’ai aussi interrogé le Gouvernement sur la situation des personnels de la maternité de l’hôpital d’instruction des armées Bégin, qui cessera ses activités à compter du 30 juin : ces fermetures et dissolutions ne sont pas remises en cause.

La vente de notre patrimoine militaire est toujours d’actualité pour combler, à courte vue, les trous financiers. Au sein de la Direction générale de l’armement – DGA –, il existe actuellement près de 10 000 agents, dont 8 000 civils. D’ici à 2019, les départs à la retraite devraient être de l’ordre de 1 800, et environ 1 000 agents, dans le meilleur des cas, devraient être embauchés. La DGA va donc continuer à perdre des effectifs, surtout des ouvriers.

Les futures embauches concerneront surtout des ingénieurs, ce qui changera profondément le travail au sein de la DGA. Comment croire que cette direction restera toujours l’autorité technique unique en France pour l’armement ? La rallonge pour les crédits d’équipement sur toute la période, d’un montant de 1,7 milliard d’euros, représente une goutte d’eau. Selon certains, il faudrait 10 milliards !

Commandes insuffisantes, investissements en recherche et développement faibles, véhicules hors d’usage, déficit en renseignement militaire, cyberdéfense médiocre, incapacité de projection stratégique du fait de l’absence d’avions et de navires aptes à assurer le soutien logistique : il y a un fossé énorme entre les moyens des forces armées et les missions qui leur sont demandées par la puissance publique.

De son côté, la dissuasion nucléaire engloutit, pour la période 2015-2019, 19,7 milliards d’euros, contre 41,8 milliards pour l’armement conventionnel. En matière de nucléaire, il y aurait des économies à faire. Le respect du principe de stricte suffisance est contradictoire avec les programmes de modernisation et de développement de nos bombes nucléaires.

La poursuite de la modernisation des composantes de la dissuasion nucléaire, qui prépare leur renouvellement, ne respecte pas les engagements que nous avons souscrits en signant le traité de non-prolifération. On le voit, l’austérité n’est pas pour tous.

Elle ne s’applique pas à Bouygues qui va, grâce au partenariat public-privé signé pour Balard, toucher au total, sur vingt ans, trois fois le prix de la construction. L’austérité ne s’applique pas plus à l’OTAN, dont le rapport annexé ne cesse de chanter les louanges, au détriment de l’ONU. Il est vrai qu’en Libye, son bilan est formidable !

Il n’y a aucune remise en cause de l’intégration française au commandement intégré de l’OTAN, ni de notre soumission aux ambitions géopolitiques des États-Unis. L’Alliance atlantique est une alliance guerrière qui se croit investie de la sécurité du monde en lieu et place de l’ONU.

Elle alimente une guerre entre ce qu’elle qualifie d’« Ouest » et d’Occident : il faut sortir de ce traité. Nous dénonçons la mise sous commandement américain de notre porte-avions Charles-de-Gaulle lors de l’opération Chammal en Irak.

Plus inquiétant encore, François Hollande a, le 19 février dernier à Istres, repris le concept belliciste de dissuasion élargie, qui alimente la menace gravissime d’une confrontation nucléaire avec la Russie à propos de l’Ukraine. Comment se fait-il que l’Union européenne dépense plus d’argent pour aider le gouvernement mafieux et illégal d’Ukraine, qui n’est pas membre de l’Union européenne, que la Grèce, qui en est membre ?

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