Intervention de Philippe Meunier

Séance en hémicycle du 4 juin 2015 à 15h00
Programmation militaire pour les années 2015 à 2019 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Meunier :

Comment alors qualifier les propos tenus par Mme la présidente de la commission : « s’agissant de la programmation des moyens, les effectifs des forces vont remonter » ? François Hollande a déjà trompé les Français au sujet de l’inversion de la courbe du chômage, qui devait intervenir dès la fin 2012. Ne suivez pas cette voie qui n’honore pas la politique.

L’engagement massif de nos troupes génère une usure accélérée des matériels non remplacés en temps et en heure.

L’armée de terre voit son parc matériel très éprouvé par les engagements en opérations extérieures. Son capital en matériel est entamé et l’entretien programmé prévu ne réglera pas la question de son ancienneté, à l’image de notre vénérable VAB – véhicule de l’avant blindé –, qui attend d’être remplacé par son successeur du programme Scorpion, programme dont vous avez décalé l’engagement, faute de budget, comme vous nous l’avez indiqué ici même lors de nos débats au sujet du budget de la défense pour 2015.

L’armée de l’air engage un nombre d’avions de combat supérieur à son contrat opérationnel. La surutilisation de ses Mirage 2000 D oblige par exemple l’état-major à les remplacer par des Mirage 2000 C sans Pod qualifié qui exige la présence sur zone d’un désignateur laser. L’exportation du Rafale aura également des conséquences sur les capacités opérationnelles de nos forces aériennes stratégiques, qui seront dans l’obligation de prolonger les Mirage 2000. Le retard pris pour le remplacement des Alpha jet entraîne le décalage du projet Cognac 2016. Cela aura aussi des conséquences sur le coût en fonctionnement de la formation des pilotes et aura donc un impact sur le budget.

La marine verra, quant à elle, la livraison de ses FREMM se décaler à la suite de la vente de la frégate FREMM Normandie à l’Égypte. Il faudra attendre 2019 pour récupérer les capacités opérationnelles perdues. La refonte à mi-vie du porte-avions Charles-de-Gaulle, opération majeure, débutera en 2017 et non en 2016, ce qui permettra de reporter la charge financière d’un an. Les forces sous-marines perdent quant à elle une année puisque le premier sous-marin Barracuda ne sera livré qu’en 2018 et non plus en 2017 comme c’était initialement prévu par la LPM 2014-2019.

L’augmentation des budgets est reportée sur la prochaine majorité. Il suffit de comparer les budgets des années 2014-2015 de votre LPM pour constater à quel point vous laissez à vos successeurs le soin de faire face à vos effets d’annonce. En 2015, le budget resté inchangé. En 2016, dernier budget de votre majorité, une augmentation de 500 millions d’euros est prévue. En 2017, arrivée d’une nouvelle majorité, le budget que vous aurez voté augmente par enchantement de 700 millions par rapport à la LPM initiale. En 2018, il y a 1 milliard de plus et, en 2019, cerise sur le gâteau, si j’ose m’exprimer ainsi, 1,51 milliard d’euros de plus. Plus, la ficelle aurait été vraiment trop grosse.

Par rapport à la LPM initiale, les 3,8 milliards supplémentaires que vous annoncez sont donc à l’image de vos anciennes recettes exceptionnelles : un chèque en blanc.

Vous auriez dû avoir l’honnêteté de commencer par faire l’inverse, à savoir augmenter de 1,51 milliard le budget dès cette année, car c’est maintenant que nos armées et notre industrie ont besoin de ces sommes. Malheureusement, vous préférez dresser un énième rideau de fumée, pensant certainement une nouvelle fois que cela suffira à tenir jusqu’en 2017, à l’image de ce milliard d’euros virtuel issu de la réaffectation des gains de pouvoir d’achat induits par l’évolution favorable des indices.

Après des mois de tergiversations au sujet de la vente des fréquences, de la création de sociétés de projets totalement ubuesques et de report de charges, l’exécutif, poussé par ses propres impasses budgétaires, inscrit donc en urgence à l’ordre du jour de nos travaux ce projet de loi d’actualisation de la LPM votée il y a à peine deux ans. Permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, qu’en dépit des qualificatifs que vous avez utilisés en commission à l’encontre de l’opposition pour essayer de dissimuler vos erreurs, pour ne pas dire les fautes de votre gouvernement, votre LPM initiale est un échec et l’actualisation que vous nous proposez n’est qu’un leurre. À la fin de 2017, nos armées seront dans le même état que celui dans lequel Lionel Jospin les avait laissées en 2002, affaiblies, mais toujours prêtes à relever le défi au service de la France.

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