Intervention de Marion Maréchal-Le Pen

Séance en hémicycle du 4 juin 2015 à 15h00
Programmation militaire pour les années 2015 à 2019 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarion Maréchal-Le Pen :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis quarante ans, c’est sans broncher, fidèle à ses principes, que notre grande muette a dû subir une réduction ininterrompue de notre effort de défense. La déclaration du chef d’état-major des armées, au cours de son audition en commission, dresse un résumé implacable de la situation : « La défense a déjà beaucoup contribué à la réduction des dépenses publiques : nous aurons perdu 80 000 postes entre 2008 et 2018, et 40 milliards d’une LPM à l’autre. » Faire toujours plus, mais avec encore moins, telle est devenue la devise du ministère de la défense.

Depuis des années, nos soldats, nos marins et nos aviateurs se battent avec un courage, un professionnalisme et une disponibilité sans faille partout où les intérêts de la nation se jouent – soit une présence sur quatre continents et sur tous les océans. Malheureusement, il a fallu les événements de janvier dernier pour que vous preniez conscience de notre vulnérabilité et de l’insuffisance de nos moyens militaires, tant en effectif qu’en équipement. La mise en oeuvre de l’opération Sentinelle n’a pas été aisée et vous a mis en face des réalités : notre pays peine à mobiliser un nombre suffisant de militaires en cas d’urgence. Aujourd’hui, vous nous présentez à la hâte une loi d’actualisation de notre programmation militaire qui n’est qu’un pansement sur une hémorragie.

Vous annulez la suppression de 18 500 postes. C’est un premier pas, mais pourquoi ne pas aller au bout du constat en gelant totalement les suppressions prévues, y compris le reliquat de 6 918 postes d’ici à 2019 ? C’est une nécessité alors que les poudrières se multiplient aux quatre coins du monde, que l’état islamique nous a désignés comme l’ennemi à abattre et que la menace terroriste est au plus haut niveau sur le territoire. Le Président de la République a pérennisé l’opération Sentinelle à laquelle sont affectés 7 000 hommes en permanence, ce nombre pouvant passer à 10 000 sans préavis. Or, pour placer un soldat en métropole, il en faut en réalité trois : un soldat se formant et s’entraînant pour le remplacer et un troisième qui, rentrant de mission, se reconditionne par le repos ou l’acquisition de capacités supplémentaires. Vous augmentez les effectifs de la réserve en les faisant passer de 28 000 à 40 000. C’est une bonne chose pour soutenir la capacité en ressources humaines des armées, mais à condition que le budget de la défense le permette.

Or, force est de constater que la réévaluation de 3,8 milliards sur la période 2015-2019 ne répond pas aux enjeux auxquels on fait face. Elle ne fait que mettre un frein à l’inexorable diminution des dépenses militaires, ces dernières étant passées de 4 % à moins de 1,5 % du PIB depuis les années 80. Pour cette année, le budget demeure inchangé, alors que les armées maintiennent finalement 7 500 postes pour un coût de 375 millions, auxquels on ajoute 350 millions pour l’opération Sentinelle, sans compter une partie du règlement du surcoût des OPEX, soit environ 650 millions non budgétés. Ce n’est pas moins de 1,2 milliard d’euros supplémentaires dont ont besoin les armées dès cette année. Les 600 millions en 2016 et les 700 millions en 2017 ne seront pas suffisants pour couvrir le financement des effectifs conservés. Rien qu’en rémunération et en charges sociales, il manquera 171 millions d’euros pour les deux prochaines années. La relativité des efforts consentis par le Gouvernement est d’autant plus flagrante lorsque l’on observe le calendrier : 1,3 milliard avant 2017 ; pour les 2,5 milliards restants, le Gouvernement refile la patate chaude à la future majorité de 2017.

Par conséquent, notre programmation militaire pour les prochaines années ne pourra pas assurer le maintien des effectifs, la préparation opérationnelle de nos soldats, la conduite des programmes d’armement et le maintien en condition opérationnelle de nos matériels. Une bonne partie de ces équipements arrive en fin de vie. C’est le cas des véhicules de l’avant blindé de l’armée de terre, vieux de quarante ans, qu’il est urgent de remplacer par le véhicule blindé multi-rôles. Pour la marine, alors que le besoin de protéger notre patrimoine maritime de 11 millions de kilomètres carrés des convoitises étrangères devient crucial, le remplacement de nos avisos et de nos patrouilleurs de présence et de souveraineté par le programme BATSIMAR n’est toujours pas engagé dans cette LPM, au risque d’une rupture capacitaire. Sur quinze avions de la patrouille maritime Atlantique, deux seront rénovés lors de cette programmation, quand le parc comprend vingt et un appareils.

L’armée de l’air est également confrontée à l’obsolescence de son matériel : nos Transall, avec un demi-siècle de service, devraient être remplacés. Le programme de l’A400M, inadapté, illustre bien les limites de la coopération européenne : un trop grand nombre de pays avec trop de spécificités ne permet pas une performance optimale sur le terrain et nous contraint à des achats urgents de matériel américain, malgré les faibles rallonges budgétaires. Par ailleurs, 20 % des équipements terrestres de retour du Sahel sont irrécupérables selon le chef d’état-major des armées.

Aux contraintes budgétaires et matérielles, vous ajoutez des dispositions normatives qui nous laissent sceptiques. La création des associations professionnelles nationales de militaires pourrait altérer le bon fonctionnement et l’efficacité des armées. Le risque d’un regroupement par catégories, classées à leur corps défendant de droite ou de gauche, remettrait en cause la nécessaire neutralité politique des armées. C’est pourquoi il convient au préalable de les expérimenter et d’en analyser les conséquences.

Vous l’aurez compris, cette loi d’actualisation est insuffisante. Il est regrettable de préférer verser des milliards d’euros à une Union européenne incapable d’assurer notre sécurité plutôt que d’en réaffecter une partie à notre outil de défense souverain, condition indispensable de notre indépendance aujourd’hui rognée par notre participation à l’OTAN et par l’ancrage de notre politique de défense sur les intérêts américains.

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