Intervention de Nicolas Dhuicq

Séance en hémicycle du 4 juin 2015 à 15h00
Programmation militaire pour les années 2015 à 2019 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Dhuicq :

Quelle est notre situation aujourd’hui ? Du fait de l’éclatement de nos voies de communication et de l’interventionnisme à tout crin de l’actuel président de la République, nous sommes dans une position logistique catastrophique. Je rappelle accessoirement que, pendant l’opération au Mali, nous étions si bien préparés que les semelles des chaussures de nos soldats fondaient au soleil et que l’arrière a dû en faire part. J’ajoute que, contrairement à certaines dénégations, nous avons été victimes de vols d’armes en République centrafricaine.

Monsieur le ministre, votre gouvernement sous-estime systématiquement la menace que représente le wahhabisme lorsqu’il a abandonné une position quiétiste – que seul d’ailleurs le Président de la Fédération de Russie a nommé, puisque le wahhabisme est un poison mortel qui touche l’Islam sunnite. Je rappelle que ce dernier est aussi sur notre territoire national, en concurrence directe avec les Frères musulmans, qui ont évidemment une voix politique plus fine grâce à de redoutables bretteurs intellectuels que nous connaissons les uns et les autres.

Il n’y a donc pas de politique étrangère française si ce n’est, à l’Est, un alignement sur celle des États-Unis d’Amérique et, en Afrique comme au Moyen-Orient, des missions incohérentes avec l’état de nos armées.

Il faut aussi une volonté politique pour mettre l’économie au service de la défense. À cet égard, je ne vois pas la logique, monsieur le ministre, d’appartenir à un gouvernement qui ne veut pas entendre nos appels à la disparition de l’aide médicale d’État, dont les sommes seraient plus judicieusement utilisés si elles étaient destinées à aider au développement des pays dont les migrants de la misère veulent franchir les frontières de l’Union européenne, dans un scénario qui s’apparente de plus en plus à celui du Camp des Saints, publié en 1973 – ceux qui ont l’intelligence de lire et de relire l’excellent auteur qu’est Jean Raspail le savent.

Il faut aussi une volonté politique pour supprimer ces contrats aidés qui coûtent beaucoup plus d’argent à notre économie qu’ils ne lui en rapportent car quelle est la logique de faire disparaître, par exemple à Chaumont, le régiment d’artillerie tout en offrant à la jeunesse pour seul avenir que ces funestes emplois, sous-emplois en réalité qui l’enferment dans une perspective bien sombre, sans espoir et sans espérance.

Enfin, il faut une vision stratégique, monsieur le ministre. Or votre projet de loi de programmation militaire est un repli de la France sur elle-même, un renfermement sur la métropole. Certes, le chef d’état-major de l’armée de terre a réussi à limiter à 3 000 les pertes à la fin du processus en 2019. Mais il restera encore 15 000 postes à supprimer ailleurs et je redoute, quelles que soient les dénégations des uns ou des autres, que ce ne soit dans l’armée de l’air et dans la marine. Pourtant, nous assistons à une maritimisation croissante du monde. Ainsi, le Japon se dote d’une flotte magnifique avec de véritables destroyers, ceux de la classe Kongo par exemple, alors que nous, nous allons construire des frégates encore moins nombreuses, faute de volonté de se doter d’une véritable flotte : quinze au lieu des vingt-deux prévues. Monsieur le ministre, vous prévoyez – la représentation nationale doit en être informée – un trou capacitaire pour la flotte en ce qui concerne sa défense antiaérienne à l’horizon 2020, au moment même où l’ensemble des nations se dote de missiles de croisière de plus en plus performants tirés à partir des côtes, et au moment même où la flotte américaine se dote de la nouvelle classe Zumwalt, destinée à apporter un appui feu aux troupes au sol. En effet, vous n’êtes pas sans savoir que la majorité des humains va se concentrer dans des cités à proximité des côtes ou directement sur le littoral. Or rien n’est prévu dans le Livre blanc pour faire de la France une puissance maritime digne de son rang dans le monde.

De même, rien n’est fait pour asseoir notre présence dans le Pacifique Sud. je m’interroge sur la réelle volonté du Gouvernement de maintenir la Nouvelle-Calédonie au sein de la République alors que nous y avons des mines de nickel et des modules polymétalliques à exploiter, sans parler des richesses pétrolières, plus à l’Est, du canal du Mozambique. Il n’y avait déjà aucune vision, dans le fameux Livre blanc, sur la question géostratégique de l’accès aux matières premières – il y avait juste une petite phrase sur les terres rares.

Pas de flotte, un repli sur soi, avec pour seule vision de créer non pas plus de gendarmes, ce qui serait nécessaire, mais des terriens destinés à être simplement des policiers.

Monsieur le ministre, je pense que votre gouvernement n’a pas suffisamment réfléchi au coût psychologique, qui sera majeur pour la nation et ses armées, de ce manque de vision géostratégique.

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