Intervention de Danielle Auroi

Réunion du 27 mai 2015 à 8h45
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, présidente :

Je vous remercie, monsieur l'ambassadeur, d'avoir répondu favorablement à notre invitation afin d'aborder un sujet d'une actualité, hélas ! brûlante. L'environnement sécuritaire international connaît en effet des bouleversements considérables, avec des menaces inédites, particulièrement aiguës, à nos frontières. À l'est, nous assistons à l'apparition d'un type moderne de guerre hybride, avec une dimension dématérialisée. Nous orientons-nous vers un conflit gelé ? Si oui, de quelle manière l'Europe peut-elle continuer à gérer cette crise ? Au sud, en particulier au Moyen-Orient, nous sommes confrontés à la montée en puissance du terrorisme djihadiste à visée mondiale, ainsi que l'illustre notamment la prise de Palmyre, qui s'accompagne de massacres et expose aux destructions l'un des joyaux du patrimoine culturel mondial.

L'Union européenne semble avoir le plus grand mal à assumer la fonction stratégique et à jouer le rôle opérationnel auxquels elle pourrait et devrait prétendre dans ce contexte tourmenté, sa propre sécurité étant mise en péril. La difficulté est que cette compétence ne relève pas véritablement d'elle et que les conceptions des États membres en la matière apparaissent encore trop divergentes pour qu'une véritable défense européenne, pourtant évoquée par le traité sur l'Union européenne, puisse voir le jour. Une grande confusion semble régner en ce qui concerne tant le concept que les volontés. En outre, les institutions de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) sont complexes, peu lisibles et très mal connues. Pourriez-vous nous éclairer à ce sujet ?

Lors de la réunion du Conseil européen de décembre 2013 – la première consacrée en tant que telle à la défense –, les chefs d'État et de gouvernement avaient pris position en faveur de l'efficacité de la gestion des crises, du maintien des capacités militaires et de la préservation de l'industrie de défense. Un an et demi après, les progrès paraissent très réduits : l'Europe ne dispose toujours pas d'une politique de défense visible. Les conditions politiques vous semblent-elles réunies pour que le sommet du mois prochain débouche sur des avancées concrètes ?

Certes, le président de la Commission européenne, M. Jean-Claude Juncker, a dynamisé le débat public en évoquant, en mars dernier, la constitution d'une armée européenne. Quant à la haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Mme Federica Mogherini, elle manifeste un volontarisme louable s'agissant de la PSDC, comme sur tous les dossiers dont elle a la charge.

Mais les obstacles structurels à l'épanouissement de la PSDC restent majeurs, à commencer par les divergences d'appréciation entre États membres à propos du rôle de l'OTAN. Notre premier partenaire en matière de défense, le Royaume-Uni, est aussi l'un des plus opposés à une intégration européenne plus poussée dans ce domaine, comme dans d'autres d'ailleurs.

Sur le plan opérationnel, l'outil des groupements tactiques de l'Union européenne (GTUE) a-t-il vocation à être utilisé un jour ou bien restera-t-il un leurre mettant cruellement en évidence l'impuissance européenne sur la scène internationale ?

En mars dernier, le conseil des ministres a révisé le mécanisme Athena, par le truchement duquel sont financés les coûts communs des opérations militaires menées au titre de la PSDC. Pouvez-vous nous expliciter les grandes lignes des modifications qui ont été apportées ?

Les contraintes budgétaires pesant sur les budgets des États membres ne sont guère favorables à l'augmentation des crédits de défense. Pourtant, face au regain de tension en Europe orientale, en Afrique et au Moyen-Orient, plusieurs d'entre eux revoient à la hausse leurs dépenses militaires, en particulier la Pologne et la Lituanie, qui s'inquiètent de la situation à l'est. Avec 400 millions d'euros dépensés en 2014 et 8 000 soldats déployés à l'étranger, la France reste toutefois l'un des principaux contributeurs, si ce n'est le premier d'entre eux, à l'effort collectif de l'Europe en faveur de la paix. Pour compenser le coût de l'investissement – sans même parler du prix du sang –, le ministre de la défense réclame que les dépenses consacrées aux opérations extérieures soient défalquées lors du calcul du déficit public. La France n'y gagnerait pas grand-chose – 0,05 point de PIB de déficit en moins – mais ce serait une reconnaissance de son action. Cette idée fait-elle son chemin parmi nos partenaires ? Notre commission débattra d'ailleurs de cette question la semaine prochaine à l'occasion de l'examen d'une proposition de résolution européenne présentée par Joachim Pueyo au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Pouvez-vous nous faire un point rapide à propos des opérations européennes en cours sur les théâtres extérieurs, notamment sur les missions de conseil et de formation conduites au Mali et en République centrafricaine ? Je souhaiterais également que vous nous apportiez des précisions sur les objectifs, les modalités et les échéances de la future opération navale en Méditerranée, EUNAVFOR Med. Pour ma part, je la juge à la fois insuffisante et inadaptée pour résoudre ce drame avant tout humanitaire qui se joue quotidiennement à quelques encablures des côtes européennes.

Enfin, le ministre de la défense vient de signer avec ses homologues allemand et italien une lettre d'intention en vue de lancer les études techniques préalables à l'élaboration d'un drone européen de reconnaissance de moyenne altitude et de longe endurance (MALE), qui serait mis en service à l'horizon 2025. Cette décision met un terme à des années de valse-hésitation concernant cette niche capacitaire essentielle. Quelles seront les retombées de ce projet pour le tissu industriel français, d'une part, et pour la capacité de gestion des crises par l'Union européenne, d'autre part ?

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