Non, beaucoup moins. S'agissant de l'Autriche et de l'Irlande, leur opposition tient aussi à leur neutralité et à leur statut particulier dans le cadre de la PSDC.
La question de la prise en compte des efforts consentis en matière de défense dans le calcul du déficit public au sens des critères de Maastricht a été mentionnée à Bruxelles par un petit nombre d'États membres, notamment l'Italie. Elle ne fait néanmoins pas l'objet d'un débat à vingt-huit. À titre personnel, j'ajoute qu'il s'agit d'un sujet délicat, qui soulève un certain nombre d'interrogations. En particulier, quelles dépenses s'agirait-il de prendre en compte ? Vous avez évoqué le coût des opérations extérieures, mais on peut aussi songer aux dépenses d'investissement et de recherche dans le domaine de la défense. Il y a donc un travail à faire sur le champ d'une éventuelle proposition.
J'en viens à l'implication de l'Union européenne dans son voisinage sud. L'Union européenne n'est pas, en tant que telle, membre de la coalition contre Daesh, mais plusieurs États membres y participent. Nous avons obtenu que le conseil des ministres exprime son soutien politique aux efforts de la coalition dans des conclusions récentes, ce qui n'était pas totalement acquis au départ.
En ce qui concerne les pays voisins, l'Union européenne contribue à la prise en charge des personnes déplacées, notamment au Liban, en Jordanie et en Tunisie, et apporte une coopération technique en matière de la lutte contre le terrorisme, sous l'égide de la Commission et du coordinnateur pour la lutte contre le terrorisme, M. Gilles de Kerchove.
Le conseil des ministres a adopté, l'année dernière, une stratégie de lutte contre Daesh, qui énumère une panoplie d'instruments : dialogue politique, démarches diplomatiques, coopération technique, assistance, etc. Cette action relève à la fois de la PESC et de la politique en matière de justice et d'affaires intérieures (JAI). Les questions relevant de la lutte contre le terrorisme ou contre le phénomène des combattants étrangers, notamment celle des circuits et des flux migratoires qui alimentant Daesh, sont traitées par d'autres instances que le COPS, compétentes en matière de JAI. Néanmoins, Mme Mogherini a souhaité qu'il y ait un accompagnement par la politique étrangère, afin que l'action de l'Union soit aussi cohérente que possible.
S'agissant de la République centrafricaine, la France avait plaidé en faveur d'une opération militaire permettant d'assurer la transition jusqu'au déploiement de la Mission intégrée multidimensionnelle de stabilisation des Nations unies en République centrafricaine (MINUSCA), au printemps 2015. Il s'est agi de l'opération EUFOR RCA, qui a été lancée pour six mois, puis prolongée pour trois mois supplémentaires.
Ensuite, le ministre de la défense s'est beaucoup investi pour obtenir qu'EUFOR RCA soit suivie par une mission de conseil en matière de réforme du secteur de la sécurité, en particulier des forces armées centrafricaines (FACA). Cela a conduit au lancement d'EUMAM RCA, dont la capacité opérationnelle initiale a été déclarée en avril dernier. Cette opération est en phase de montée en charge et a commencé son travail sur place. À ce stade, elle comprend une soixantaine de personnes installées à Bangui, qui fournissent des conseils de nature stratégique aux autorités de transition, notamment au ministère de la défense et à l'état-major des armées centrafricaines, afin de réformer les FACA et de constituer une armée républicaine.
Il s'agit là d'une première étape. Dans un monde idéal, nous pourrions envisager qu'EUMAM RCA soit suivie par une mission de formation de type EUTM, à l'image de celle qui est en cours au Mali. Tel est le souhait non seulement de la France, mais aussi des autorités centrafricaines : la Présidente de transition a plaidé dans ce sens auprès des institutions européennes hier à Bruxelles, notamment devant le COPS. Il faudra revenir sur cette perspective dans les prochains mois, en l'envisageant dans le contexte plus large du processus de transition politique, notamment des élections qui doivent se tenir avant la fin de l'année.
Je conçois bien volontiers que les travaux conduits au sein des organes bruxellois échappent en grande partie à nos concitoyens ! Néanmoins, cette situation est assez paradoxale, car les enquêtes d'opinion montrent régulièrement que les citoyens européens sont attachés à l'idée d'une défense européenne. En tout cas, nous oeuvrons pour que des progrès soient réalisés en matière de PSDC et nous menons une discussion difficile à vingt-sept ou à vingt-huit à ce sujet. Pour tout dire, c'est un long combat, car il n'y aura pas de « grand soir » en matière de PSDC – on lit parfois cette erreur d'appréciation dans les travaux académiques.
Pour cette raison notamment, nos autorités politiques ont jugé qu'il fallait sortir des débats de doctrine et que les réunions du Conseil européen de décembre 2013 et de juin 2015 devaient permettre des avancées concrètes. Pendant longtemps, de telles avancées ont été dans une grande mesure empêchées par les discussions théologiques, y compris à Bruxelles, à propos de ce que devait être une politique de défense européenne, de ce qu'il était possible et souhaitable de faire en la matière. Depuis lors, le choix a été fait de s'engager dans une voie pragmatique ; c'est une méthode des petits pas, assez peu visible, mais qui donne des résultats pratiques. Aussi contrasté son bilan soit-il, la PSDC est une réalité : 7 000 personnes sont actuellement déployées sur le terrain, et les opérations – EUFOR RCA, EUTM Mali, Atalante, etc. – apportent une contribution tangible. Ainsi, depuis plusieurs mois, nous n'avons constaté aucune attaque de pirates contre les bâtiments de marine marchande qui naviguent dans la zone couverte par l'opération Atalante.
Concernant les états-majors, nous avons eu, il y a quelques années, des discussions difficiles à propos de la création d'une structure de planification pérenne à Bruxelles – elles ont d'ailleurs pris le tour d'un débat de doctrine, notamment avec nos partenaires britanniques. Il est clairement apparu que nous ne pourrions pas avancer sur cette question. Il fallait donc chercher, là aussi, une voie aussi pragmatique que possible. En définitive, six états-majors ont été certifiés dans les États membres. Je ne partage d'ailleurs pas l'appréciation que vous portez sur eux, monsieur Fromion. Pour l'opération EUFOR RCA, nous avions décidé d'activer l'état-major situé à Larissa, en Grèce. Il a été armé par des éléments venus de Grèce, de France et d'autres États membres, et a bien fonctionné.