Intervention de Ali Laïdi

Réunion du 2 juin 2015 à 17h00
Commission des affaires économiques

Ali Laïdi, politologue associé à l'Institut de relations internationales et stratégiques, IRIS :

La création de la délégation interministérielle à l'intelligence économique montre que la gauche s'est emparée de la question, mais elle a tardé à le faire. C'est que ceux qui parlent de guerre économique sont pris en étau entre deux extrêmes : ceux qui, à gauche, considèrent que le discours sur l'intelligence économique sert à obliger les peuples à abandonner leurs acquis sociaux au nom de la compétition économique et, à droite, les ultra-libéraux pour lesquels rien ne justifie l'intervention des États puisque seuls comptent les marchés, efficients par nature. Les deux se méprennent, faute de comprendre que la guerre économique et donc l'intelligence économique visent à défendre un modèle social particulier. Voilà ce qui explique le blocage.

Aux États-Unis, le Cohen Act, loi contre l'espionnage économique qui verrouille toutes les informations relatives aux entreprises, adoptée en 1996, assure la protection du secret des affaires ; cela n'empêche pas les journalistes d'investiguer. En France, les journalistes ont poussé à ce que des dispositions similaires soient retirées du projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. Or, le fait que le législateur français institue le secret des affaires n'empêchera pas les journalistes de mener leurs investigations, comme ils ont continué de le faire aux États-Unis, pour mettre au jour ce que l'on a envie de cacher. Il faut sensibiliser les journalistes à la question, car la plupart de mes confrères envisagent l'intelligence économique comme une affaire de barbouzes, mésestimant entièrement les enjeux stratégiques sous-jacents. Un travail pédagogique s'impose.

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