Au nom du groupe Socialiste, républicain et citoyen, je voudrais dire que les produits et services culturels sont voués par nature à osciller entre la sphère artistique et la sphère marchande, entre la production symbolique et la production matérielle. Cette ambiguïté propre aux activités culturelles, mais aussi le poids économique de la nébuleuse culturelle dans l'économie française et européenne, en font le sujet de débats parfois très polémiques tant au niveau national qu'international.
Adoptée en 2005 et entrée en vigueur en 2007, la convention de l'UNESCO sur la diversité des expressions culturelles a reçu dès sa création l'adhésion de 115 États dont la France, le Royaume-Uni, la Chine, l'Inde, le Canada, l'Australie, le Brésil mais aussi l'Union européenne. Cette convention admet explicitement la spécificité des biens et services culturels et la légitimité de l'intervention publique dans le secteur culturel en intégrant les principes d'une finalité plus large : celle de la protection et de la promotion de la diversité des expressions culturelles.
Pour tous ceux qui se sont battus pour que soit reconnue et protégée l'exception culturelle française, il est clair que cette convention crée de fait, au niveau international, autant d'exceptions culturelles nationales qu'elle a de signataires et nous ne pouvons, nous Français, que nous en réjouir et nous en féliciter.
Cette convention a en outre le mérite de rappeler que la diversité culturelle doit être intégrée en tant qu'élément stratégique dans les politiques nationales et internationales de développement, ainsi que dans la coopération internationale pour le développement durable.
Il faut rappeler également que les principes de la nature spécifique des biens et services culturels et du droit souverain des États d'adopter des politiques culturelles sont explicitement encadrés par d'autres principes directeurs, notamment les notions d'accès équitable et de respect de toutes les cultures.
Il faut rappeler aussi que dans le cadre des négociations menées autour de la mise en oeuvre d'un accord commercial entre les États-Unis et l'Union européenne, cette convention réaffirme sa complémentarité et sa non-subordination vis-à-vis des autres ententes internationales, tout en consacrant l'importance de la société civile comme un acteur majeur de la diversité culturelle. Permettez-moi de le rappeler une nouvelle fois : la culture prise dans toutes les dimensions de sa diversité ne saurait en aucun cas se réduire à un produit marchand comme les autres.
C'est bien là la force dynamique de cette convention, qui établit les droits et les devoirs des États en matière de diversité culturelle, respectivement envisagés à deux niveaux. À l'échelle nationale, la convention garantit aux États leur capacité à maintenir et développer des politiques en faveur de la diversité culturelle, en préservant leur liberté de choix en termes de mesures appropriées, mais aussi en réaffirmant le rôle des institutions de service public et les industries culturelles indépendantes.
Sur le plan international ensuite, la convention réaffirme l'importance de la coopération culturelle internationale, la promotion de la diversité culturelle dans d'autres enceintes multilatérales et en matière de développement.
Cette convention prend sans nul doute place parmi les instruments fondateurs du droit international à la culture en confirmant le droit souverain des États de conserver, d'adopter et de mettre en oeuvre les politiques et les mesures qu'ils jugent appropriés pour la mise en oeuvre et la défense de la diversité culturelle sur leurs territoires.
Cette convention doit nous servir de base au niveau européen puisqu'elle consacre l'égale dignité de toutes les cultures et reconnaît que les biens culturels sont porteurs de valeur et de sens, et sont donc au coeur de l'identité des peuples.
S'il fallait encore s'en convaincre, la hargne et la violence que les terroristes de Daesh mettent à rayer de l'histoire de l'humanité une partie de son patrimoine culturel et architectural suffiraient à nous mobiliser collectivement pour cette cause fondamentale.
Sans doute sommes-nous encore loin du compte sur de nombreux territoires intraeuropéens. De nos diversités devraient émerger des valeurs communes, européennes, dans lesquelles nous pourrions toutes et tous nous reconnaître et nous construire.
Alors oui, cette convention est fondamentale, y compris dans le processus d'intégration européen, mais sans doute est-il temps de la repenser, de lui donner un dynamisme nouveau à l'heure du numérique et de la menace terroriste contre la culture et le patrimoine. Sans doute est-il grand temps de poser les bases d'une culture européenne commune qui saurait prendre en compte les spécificités des uns et des autres pour l'inscrire dans une dimension plus solidaire.
Il s'agit d'une nécessité tout à la fois politique et économique qui doit conduire, dix ans après sa signature, à ce que cette convention, au-delà de son symbolisme, nous engage concrètement ensemble dans la mise en oeuvre de nos politiques publiques et de nos orientations stratégiques.