Intervention de Doris Pack

Réunion du 3 juin 2015 à 9h45
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Doris Pack, co-secrétaire générale du Haut Conseil culturel franco-allemand, traduction :

Ancienne députée européenne et ancienne députée au Bundestag, je suis aujourd'hui officiellement à la retraite – mais cette retraite n'est pas un long fleuve tranquille, puisque je suis devenue secrétaire générale du Haut Conseil culturel franco-allemand, pour la partie allemande. M.Thomas Ostermeier, co-président du Haut Conseil, vous prie d'excuser son absence. Vous savez qu'il est directeur artistique de la Schaubühne de Berlin – je viens de voir sa mise en scène de Richard III et je vous la recommande chaleureusement.

Notre sujet d'aujourd'hui doit être replacé dans un contexte européen : nous ne devons pas agir ici en Allemands pour l'Allemagne, ou en Français pour la France ; nous travaillons en Européens.

Plusieurs rapports sont en cours de préparation ou juste achevés au Parlement européen, et ils méritent notre attention. Je précise que le droit d'auteur ne relève pas, dans ce parlement, de la Commission de la culture et de l'éducation, mais celle-ci peut se saisir pour avis.

La commission des affaires juridiques travaille sur un rapport consacré notamment à la mise en oeuvre de la directive 200129CE du Parlement européen. La rapporteure en est Julia Reda, qui est allemande et issue, vous le savez sans doute, du Parti Pirate. Son opinion, vous l'imaginez bien, ne correspond donc pas nécessairement à celle de la majorité de la commission – elle rassemble même contre elle une grande majorité de cette commission. Les droits d'auteur ne sont pas là entre de bonnes mains ; en revanche, elle veille de très près à la question de l'accès de tous à la culture. Ce rapport est en préparation, et nos collègues européens devront veiller à ce que le rapport final ne reflète pas les seules vues de Mme Reda.

Nous, c'est-à-dire tous les acteurs impliqués dans le domaine culturel, voulons une rémunération appropriée. Nous souhaitons aussi une amélioration de la portabilité. Les sociétés de gestion des droits d'auteur doivent certes continuer à jouer un rôle important mais la diversité culturelle doit être absolument sauvegardée. Il faut donc parler des droits des auteurs, mais aussi de tous ceux qui contribuent à la diversité culturelle, jusqu'à ce qu'une oeuvre parvienne au consommateur final. Il est très difficile de concilier tous ces intérêts et de les satisfaire tous.

Le nouveau commissaire, M.Günther Oettinger, cherche une nouvelle approche, mais son projet de stratégie numérique, vous le savez, ne rencontre pas uniquement de la sympathie ! Nous devons rattraper notre retard numérique, chacun en est conscient ; mais les droits de la culture doivent aussi être protégés. Les éditeurs cherchent par exemple à défendre les intérêts du livre.

À l'occasion du festival de Cannes, où se sont rencontrés le Premier ministre français, la ministre française de la culture et M.Oettinger, on a pu voir que l'Agenda numérique de la Commission rencontre d'importantes oppositions, notamment autour de la question du principe territorial. M.Oettinger a bien compris les résistances qui s'expriment, en particulier dans le secteur du cinéma. Je crois qu'il faudra prévoir une exception, qui devra être formulée de façon à ce qu'elle soit acceptable. C'est un sujet qui était déjà sensible avant le nouveau programme européen « Europe créative ». Il nous a fallu lutter pour qu'un programme en faveur des médias soit maintenu… Quant au traité transatlantique, nous en avons déjà beaucoup discuté également, et nous avons été rejoints par de nombreux metteurs en scène. Le Parlement européen a voté, à une forte majorité, une résolution excluant les services de contenus culturels et audiovisuels, y compris en ligne, des négociations du traité transatlantique. M.De Gucht, l'ancien commissaire, avait reçu un mandat précis de négociation. Le risque demeure que les Américains remettent cette question sur la table ; il faut veiller à ce que le cap soit maintenu.

Un autre rapport est en cours de préparation au Parlement : celui de M.Pavel Svoboda, député tchèque, qui sera consacré à la propriété intellectuelle. Le rapport de Bogdan Brunon Wenta, député européen polonais, consacré au cinéma européen à l'ère du numérique, vient quant à lui d'être adopté. J'en profite pour souligner que les Polonais sont, sur les questions de diversité culturelle, nos alliés au Parlement européen : ils sont toujours à nos côtés pour faire avancer ces dossiers. Toutefois, je regrette profondément que nous ne disposions aujourd'hui, à la commission de la culture du Parlement européen, d'aucun interlocuteur français sur ces questions. Les Français sont pourtant souvent à la pointe de ces débats. Il faut que les parlementaires nationaux soient conscients de cet état de fait.

D'un point de vue économique, la culture et l'audiovisuel pèsent lourd, c'est vrai, et il ne faut pas manquer de le souligner – c'est ce qui fait son importance aux yeux de nombre de parlementaires européens. Mais, ce qui est essentiel, c'est bien le contenu.

Pour le rappeler, nous disposons aujourd'hui d'une équipe forte et dynamique au Parlement européen, surtout composée de femmes, d'ailleurs. Nous nous serrons les coudes entre nous, mais il est important que les parlementaires nationaux fassent pression sur leurs collègues européens pour leur faire prendre conscience de l'importance de ces questions et les inciter à s'emparer de ces dossiers. C'est un appel que je vous lance ce matin !

Le Haut Conseil culturel franco-allemand dispose d'un réseau d'interlocuteurs : éditeurs, sociétés de gestion des droits d'auteur, professionnels du cinéma… Arte joue aussi un rôle très important, notamment, ces jours-ci, dans un projet pilote sur le sous-titrage de films en espagnol et en polonais.

Nous avons donc des complices nombreux dans le milieu de la culture ; mais nous avons besoin des parlementaires nationaux aussi, et c'est pourquoi je suis très heureuse que cette audition se tienne ce matin.

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