Intervention de Olivier Frémont

Réunion du 3 juin 2015 à 9h30
Commission des affaires économiques

Olivier Frémont, président-directeur général de Christofle :

La maison que je représente est ancienne – 200 ans –, mais elle est petite, puisque son chiffre d'affaires est inférieur à 100 millions d'euros. D'ailleurs, je vous invite à ne pas juger du luxe seulement à travers les grands groupes aux moyens considérables. Certaines PME du secteur ont du mal à joindre les deux bouts et à garantir les métiers.

Le secteur n'existe que par l'international. J'effectue 75 % de mon chiffre d'affaires à l'export, sans lequel Christofle n'existerait plus depuis longtemps, mais il est beaucoup difficile de maintenir des boutiques sur la côte ouest des États-Unis ou à Tokyo avec un chiffre d'affaires de 100 millions que d'un milliard. Au quotidien, malgré une image glamour, nous avons les mains dans le cambouis.

Traditionnellement, la France excelle dans le secteur des arts de la table, qui concerne les verres, la porcelaine et l'argenterie, mais celui-ci n'a plus le vent en poupe. Comme nous, Baccarat, Christofle, Puiforcat ou Ercuis cherchent à diversifier leurs produits, et s'intéressent aux bijoux ou à la décoration. Quand elles ne sont pas adossées à de grands groupes, les marques doivent se diversifier, ce qui exige de l'investissement, de la réflexion et des équipes opérationnelles.

En France, le secteur emploie 15 000 personnes, pour une production de 2 milliards d'euros. Christofle emploie 450 personnes dans le monde. Sur les 250 que nous faisons travailler en France, 200 se trouvent sur notre site de production en Normandie. Ce qui plaît à la clientèle étrangère, qui possède des palais à Riyad et de belles villas aux États-Unis, est que nous maintenions nos métiers comme on les pratiquait il y a 200 ans, ce qui coûte très cher.

Certains investisseurs et actionnaires nous soutiennent. C'est le cas d'un groupe de Dubaï, que possède une famille franco syrienne, et d'une banque genevoise. Actuellement, nous investissons à perte. Dans notre secteur, le retour sur investissement, quand on ouvre une boutique, se fait sur cinq à huit ans. On agit par amour de la marque, en pariant qu'on créera peut-être de la valeur dans dix ans. Autant dire que nous sommes aux antipodes de la logique des fonds d'investissement, qui attendent un retour sur investissement de trois ans.

L'international est indispensable. Si je ne disposais pas des facilités que vous nous donnez pour réaliser notre chiffre d'affaires à l'étranger, nous serions morts. Et, si une réglementation devait nous freiner, notre situation serait très compliquée.

Le contexte nous impose d'élargir le spectre des arts de la table. Si la maroquinerie ou le bijou sont très porteurs, les couverts attirent moins les jeunes consommateurs. Je réalise encore 40 % de mon chiffre en couverts, mais ce pourcentage se réduit. J'essaie de vendre de plus en plus de candélabres, de meubles ou de cadres à photos.

Depuis deux ou trois ans, Bruxelles impose des tests sur les couverts en argent. On nous demande qu'il n'y ait pas de migration de métal quand des couverts restent deux heures dans du liquide à 70 degrés. Aucun produit des marques d'argenterie française ni même européenne ne passe ce test déconnecté de toute réalité, car aucun couvert en argent ne reste pendant deux heures dans un liquide à cette température. Concrètement, 200 emplois sont en jeu à Yainville, bourg proche de Rouen.

Si la réglementation est maintenue, devrai-je délocaliser la production au Brésil ou ne plus vendre en France, et recentrer l'activité sur le Moyen-Orient ? Sur ce sujet, j'ai réellement besoin de votre aide.

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