Intervention de Jean Cassegrain

Réunion du 3 juin 2015 à 9h30
Commission des affaires économiques

Jean Cassegrain, directeur général de Longchamp :

Je vous confirme, monsieur Herth, qu'un des problèmes de l'industrie de la maroquinerie est l'accès à la peau de veau, qui est notre matière première. Dès lors que les gens mangent moins de viande, alors que la demande de cuir augmente, le marché se tend. La teigne qui frappe les élevages français ne rend pas la viande impropre à la consommation mais abîme les peaux. Si l'on vaccinait le cheptel, nous accéderions à une matière première de meilleure qualité.

Longchamp fabrique à parts égales ses produits en France et hors de France. La fabrication à l'étranger nous rend plus compétitifs et nous permet de produire davantage. En France, nos sites industriels emploient 800 à 900 personnes, qui travaillent essentiellement dans le grand Ouest. Remplacer les trente à quarante personnes qui partent chaque année à la retraite est déjà difficile. Les bassins de main-d'oeuvre où nous sommes situés, essentiellement ruraux, ne sont pas attractifs, non plus que notre industrie. Celle-ci est trop petite et trop spécifique pour que nous puissions recruter du personnel qualifié. Nous formons donc entièrement nos employés dans des ateliers écoles où nous pérennisons les savoir-faire. Ceux-ci seraient perdus si nous cessions la fabrication en France.

Notre rêve serait de développer l'emploi industriel dans notre pays. Cela suppose de recruter du personnel, de le former et de lui faire aimer le métier, ce qui exige des efforts considérables. Sans l'apport du made in China, nous n'aurions pas pu maintenir notre niveau de développement.

Vous nous avez interrogés sur la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), à laquelle nous nous sommes intéressés en partie à l'instigation du consommateur. Les entreprises et les marques craignent plus le bad buzz sur les réseaux sociaux que les amendes de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), ce qui prouve qu'il n'est pas utile de tout réglementer. Pour répondre aux consommateurs qui, de plus en plus, nous demandent des comptes, nous devons savoir où et comment sont faits nos produits. Nous avons introduit des dispositions dans nos conditions générales d'achat. Nous n'utilisons plus que du papier certifié FSC (Forest Stewardship Council), venant de forêts gérées de manière écologique. Nous veillons à ce que les peaux que nous achetons en Amérique latine ne proviennent pas de bêtes élevées sur des zones d'élevage issues de la déforestation. Je vous invite à consulter le site du groupe Kering, leader sur le sujet, où figure leur compte de résultat environnemental.

Les pouvoirs publics sont déterminés à combattre la contrefaçon, mais nous manquons d'outils juridiques pour attaquer les sites frauduleux qui se développent sur internet. En France, pour intenter un procès à quelqu'un, il faut l'en aviser officiellement. Si celui-ci est en Chine, il faut faire traduire l'assignation en chinois et la faire délivrer par un huissier en Chine, ce qui n'est pas possible si l'adresse est fausse, ce qui est généralement le cas. Ces dispositions nous interdisent d'intenter la moindre action en France. C'est pourquoi nous attaquons les faussaires aux États-Unis, où il suffit, pour enclencher la procédure, d'adresser un message électronique au site.

En outre, la loi américaine permet d'impliquer dans une seule action 300 à 400 sites, ce qui limite à trois ou quatre le nombre de procès que nous intentons chaque année. La législation française, qui impose de faire un procès par dossier, pourrait être révisée.

Pour effectuer une vente en ligne, il faut trois acteurs : un moteur de recherche, un opérateur de paiement et une société de transport. Google coopère en supprimant le référencement payant, c'est-à-dire les annonces publicitaires pour les produits de contrefaçon, mais refuse de supprimer le référencement naturel des sites de contrefaçon, pour lequel les règles diffèrent, d'un pays à l'autre. La collaboration des acteurs peut être améliorée.

Il faut aussi travailler sur les moyens de paiement. En effet, sans carte de crédit, on ne peut pas acheter en ligne. Au Canada, marques ou consommateurs peuvent signaler à la police tous les sites de contrefaçons, ce qui permet, après vérification, de priver les contrevenants du moyen d'encaisser les transactions.

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