La joaillerie, la bijouterie et de l'orfèvrerie sont des secteurs attractifs, puisqu'ils forment chaque année 1 200 personnes sur le territoire, dont 25 % en alternance. Il est important d'attirer les jeunes vers les formations pour que nous puissions recruter du personnel qualifié.
La première étape était de reconstruire avec l'éducation nationale un socle diplômant. C'est un travail que j'ai mené il y a dix ans pour le secteur de la joaillerie. Nous avons restructuré tous les diplômes en élevant le niveau de compétence. Les élèves qui ne pouvaient envisager qu'un CAP peuvent désormais prétendre à un brevet des métiers d'art de niveau bac pro, c'est-à-dire de niveau IV. C'est le premier travail auquel les filières doivent s'atteler.
Avec les partenaires sociaux, dans le cadre d'un plan national de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), la branche bijouterie s'est intéressée aux métiers sensibles : joailliers, polisseurs, sertisseurs et prototypistes. Nous avons rédigé des référentiels de formation, qui pourront servir en entreprise.
La formation interne est un enjeu essentiel. Même après avoir suivi une bonne formation initiale, les jeunes doivent être formés en continu aux différentes innovations produit, aux nouvelles technologies, comme le laser, aux évolutions de la création et aux enjeux de volume et de qualité. La formation interne ne peut se faire que sur le poste de travail, d'autant que nous utilisons des pierres ou des métaux précieux, qui valent très cher. On n'imagine pas qu'un sertisseur sertisse mille pierres de deux ou trois carats dans un centre de formation ou une école.
Les entreprises ont structuré la formation interne en se dotant de feuilles de présence et de référentiels de formation. Il faut savoir où en est le salarié et quel niveau il doit atteindre. On évalue ainsi le coût caché que l'entreprise finance dans sa marge, par exemple quand elle détache un chef d'atelier pour s'occuper d'un collaborateur. Beaucoup d'entreprises du secteur s'insèrent dans cette démarche pour établir un plan de formation et chercher un cofinancement après d'un organisme paritaire collecteur agréé (OPCA). Nous parvenons à élaborer, pour des PME de trente à cinquante personnes, des plans de formation de plus de 100 000 euros, qui leur permettent de défiscaliser un coût caché qui entre dans le prix de revient.
Notre filière ne sera attractive pour les jeunes ou les moins jeunes que si les salaires que nous proposons le sont aussi. C'est pourquoi nous sommes attachés à la qualité du dialogue social. En matière de salaire, il existe dans la joaillerie des seuils d'entrée par niveau de qualification.
Vous m'avez aussi interrogée sur le développement durable et la responsabilité sociétale des entreprises. C'est une tendance que la joaillerie avait anticipée. Il y a cinq ou six ans, le conseil pour les pratiques responsables en bijouterie (Responsible Jewellery Council, RJC) a établi, à l'initiative du groupe Richemont, une chaîne de traçabilité mondiale, qui permet de suivre le parcours du bijou depuis le moment où le métal est extrait de la mine jusqu'à celui le produit arrive dans la vitrine du détaillant.
Pour obtenir ce label, qu'ont reçu beaucoup d'entreprises françaises, il faut se soumettre à un audit en répondant à 200 questions sur les relations avec les salariés ou les fournisseurs, ainsi que sur les questions environnementales. Nous avons traduit en français ce questionnaire anglo-saxon pour inciter le plus grand nombre d'entreprises à entrer dans le dispositif. Beaucoup de PME et d'ateliers travaillent sous le label RJC, que privilégient les grandes marques. Cette démarche internationale de qualité concerne aussi la traçabilité des diamants, conformément au processus de Kimberley, et de l'or. Il s'agit en somme d'une norme ISO, qui structure la filière.
Le made in est un vrai problème, qui devrait contribuer à réduire indirectement le niveau des normes. Il y a quatre ans, quand la France a appliqué une directive supprimant le cadmium dans les bains de galvanoplastie, les fabricants, qui ne savaient pas comment remplacer ce produit, ont consacré des sommes importantes à la recherche. Aujourd'hui, les bijoux plaqués or fabriqués en France ne contiennent plus de cadmium, contrairement aux produits asiatiques.
Le marché intérieur est constitué de 85 % de produits importés. Or aucun contrôle n'est réalisé aux frontières. La DGCCFR aurait d'ailleurs du mal à vérifier la teneur des produits en cadmium. Face à ce désavantage compétitif, le made in peut constituer une ligne de partage.
Le rapport entre donneurs d'ordres et sous-traitants est primordial pour l'organisation du secteur de la bijouterie et de la joaillerie. Leur relation est d'abord basée sur la confiance. Les créateurs indépendants, pour la plupart français, qui ont créé leur marque au XXe siècle, ont travaillé dès l'origine avec des ateliers français. Leur collaboration remonte à cinquante ou soixante ans.
En 2009, les commandes des sous-traitants ont chuté de 80 %, ce qui a entraîné une crise de confiance. Les ateliers se demandaient comment ils allaient survivre. Pourtant, s'ils avaient licencié quinze salariés sur cinquante, ils se seraient privés de la possibilité de faire face à un éventuel retour de la croissance. Ils ont pris le parti de travailler avec les donneurs d'ordres.
Une charte a été rédigée dans laquelle ceux-ci ont demandé aux sous-traitants de travailler sur leur modèle économique. Il était impossible à une entreprise de vingt salariés, dont le dirigeant s'occupe du commercial et des relations humaines, d'atteindre le niveau de performance et de qualité requis. La filière a reconsidéré la taille critique des entreprises, ce qui a profondément modifié son paysage.
Le plan filière a permis d'éviter les licenciements, de conserver les compétences de haut savoir-faire et de faire face au retour de la croissance. Le dialogue indispensable entre donneurs d'ordres et sous-traitants est facilité par le fait que leurs représentants siègent depuis des années au conseil d'administration de l'UFBJOP.
Si nos entreprises sont compétitives et extrêmement performantes en termes de haute joaillerie, elles ne doivent pas se cantonner à ce secteur. Dès lors que nos sous-traitants et cotraitants ont dégagé les mêmes capacités en volume que les Italiens, il serait dangereux, même si nous souffrons d'un désavantage compétitif, de maintenir la production de la haute joaillerie à Paris et de produire le reste en Espagne ou en Italie.
La formation interne est un levier d'efficacité ou d'amélioration de la marge.
Enfin, j'insiste sur la nécessité de régler le problème du financement des stocks d'or, sur lequel les ateliers paient l'IS, ce qui obère leurs capacités d'investissement.