Intervention de Marie-Françoise Bechtel

Séance en hémicycle du 8 juin 2015 à 17h00
Juste appréciation des efforts en matière de défense et d'investissements publics dans le calcul des déficits publics — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Françoise Bechtel, rapporteure de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire :

Le premier objet – modeste – de la résolution est d’appeler à ce que j’appellerais un effort de bon sens. Qui pourrait en effet contester les constatations aussi évidentes que celle de notre engagement, de son coût et du bénéfice qu’en tire notre continent tout entier pour sa protection ? Qui pourrait le contester au regard de la menace terroriste vis-à-vis de laquelle le bouclier que nous offrons, notamment en Afrique saharienne, reste une nécessité incontournable, même s’il est probable qu’il ne s’avérera pas suffisant ?

Le bon sens doit-il cependant s’arrêter là ? Faut-il le laisser aux seuls économistes, qui sont aujourd’hui largement d’accord pour constater la spirale négative que créent le manque d’investissement et son cortège d’effets désormais bien connus – croissance trop faible, absence d’emplois en nombre suffisant et donc de rentrées fiscales – et eux-mêmes générateurs de ce déficit budgétaire que nous nous sommes par ailleurs donné pour impératif de restreindre ?

Écoutons par exemple ce que dit Olivier Blanchard, chef économiste du FMI, de la zone euro : « il est nécessaire de continuer à soutenir la demande pour compenser les effets de la faiblesse prolongée de la demande sur l’investissement et la croissance du capital, ainsi que sur le chômage » – l’économiste place ce phénomène en dernière position alors que, pour ma part, je le placerais volontiers en premier. De la même façon, le FMI indique que l’investissement fixe privé a décru à un tel point ces dernières années qu’il est à l’origine, pour l’essentiel, de la baisse de croissance dans la zone, et il ajoute que les politiques budgétaires et monétaires actuelles « ont peu de chances de ramener l’investissement à sa tendance d’avant-crise ». Ce n’est là, mes chers collègues, qu’une référence parmi d’autres, mais nous savons tous bien qu’il existe un accord des principaux économistes sur ce point.

Un écho de ces constatations concordantes a d’ailleurs été perçu par les autorités européennes, puisque le plan Juncker, présenté en ce premier semestre 2015 et qui doit être voté d’ici à la fin du mois de juin, aborde cette question cruciale de la nécessité des investissements dans l’Union européenne. Toutefois, nous savons bien qu’il ne faut pas se payer de mots et que les 21 milliards d’euros dont sera doté le Fonds européen pour les investissements stratégiques ne sont pas à la hauteur des besoins de l’ensemble des pays membres, même en tenant compte d’un effet de levier fort généreusement estimé – sans aucune garantie véritable et encore moins de preuve – à 315 milliards d’euros.

Dans sa communication du 13 janvier dernier, à laquelle nous reviendrons largement lors de l’examen de l’article unique de la proposition de résolution, la Commission européenne a proposé que soient prises en compte « trois dimensions politiques spécifiques » dans l’application des règles budgétaires afin d’intégrer les investissements prévus par le plan Juncker. Toutefois, les conditions fixées dans cette recommandation sont trop strictes et, de plus, elles ont pour effet d’en exclure la France. En effet, les États membres ne pourront s’écarter temporairement de leurs objectifs à moyen terme ou de leur trajectoire d’ajustement qu’en cas de croissance très faible de leur PIB et dès lors que l’écart lié aux dépenses d’investissements ne conduit pas à dépasser le seuil de déficit public de 3 % – d’où le fait que la France en soit écartée.

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