Intervention de Eva Sas

Séance en hémicycle du 8 juin 2015 à 17h00
Juste appréciation des efforts en matière de défense et d'investissements publics dans le calcul des déficits publics — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEva Sas :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, je fais tout d’abord observer, comme mon collègue Arnaud Richard, que la proposition de résolution ne porte pas seulement sur la défense : elle a, fort heureusement, une portée plus structurelle. Par ailleurs, lors du débat mené en 2012 sur la loi organique mettant en oeuvre le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, nous regrettions déjà que la mesure du solde structurel retenue par Bruxelles ne préserve pas les investissements d’avenir dont les États assument la charge.

Ces investissements, en particulier dans la transition écologique, ne sont pas une charge pour l’économie ni une dette inerte pesant sur nos enfants. Ils sont au contraire les gages de la prospérité future car ils préparent l’économie et l’industrie aux mutations qu’elles devront affronter demain. L’économie devra être à la fois sobre en énergie et riche en emplois, inscrite dans le long terme et créatrice de bien-être pour le temps présent. Nous avions donc défendu des amendements au projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, transposant le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance en droit français. Ces amendements visaient à exclure du calcul du solde structurel les investissements découlant des objectifs stratégiques européens.

Ainsi, afin de répondre à la crise écologique, des objectifs ambitieux avaient été définis en 2009 dans le paquet énergie climat 2020, que résumait la règle des trois fois vingt : une baisse des émissions de 20 %, une proportion d’énergies renouvelables de 20 % et des économies d’énergie de 20 % au niveau européen, ces objectifs étant déclinés de façon différenciée dans chaque État membre. Nous avons rappelé à plusieurs reprises que le plan restera lettre morte faute d’investissements. En France, les faits nous ont hélas donné raison. Faute d’investissements, les énergies renouvelables ne représentaient que 14 % de la consommation finale d’énergie en 2013. Si l’on peut se réjouir de la hausse du nombre de raccordements des installations éoliennes et photovoltaïques constatée au premier trimestre, due pour l’essentiel aux simplifications réglementaires opérées, cela ne semble pas suffisant pour atteindre l’objectif d’une proportion d’énergies renouvelables de 23 % en France d’ici à 2020 – objectif que nous nous sommes pourtant nous-même fixé dans le cadre du paquet énergie-climat 2020.

Depuis, un nouvel accord a été signé. Adopté le 24 octobre 2014, il définit un nouveau cadre d’action en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030 et complète les trois objectifs de l’Union européenne en allant encore plus loin. Les États européens se sont en effet donné l’objectif contraignant de réduire d’au moins 40 % avant 2030 les émissions de gaz à effet de serre par rapport à leur niveau de 1990. Ils se sont également donné pour ambition de porter à 27 % du mix énergétique la part des énergies renouvelables et de réaliser 27 % d’économies d’énergie. Afin d’atteindre ces objectifs avant 2020 et avant 2030 et plus généralement d’assurer la mutation de notre modèle économique, une amplification des investissements est plus que jamais nécessaire. Trois ans après le TSCG, un tournant s’amorce en Europe consistant à reconnaître l’importance des investissements publics et privés en vue de tracer un chemin de sortie de crise. Tel est l’objet du plan Juncker et de l’ouverture amorcée par la communication de la Commission européenne du 13 janvier dernier, laquelle introduit un peu de flexibilité dans l’interprétation des objectifs du TSCG – une flexibilité pertinente à l’échelle macroéconomique.

Les conséquences négatives des compressions budgétaires sur l’emploi et l’activité et particulièrement sur l’investissement sont ainsi en partie reconnues. En effet, on constate malheureusement que l’investissement a chuté d’un quart en Europe depuis la crise financière de 2008 et que le taux de chômage a atteint 11 % dans la zone euro. Notre objectif commun, par le biais de cette résolution, est de traiter ces deux enjeux majeurs. La consolidation de la reprise actuelle – très fragile et assise essentiellement sur des éléments extérieurs favorables tels que la chute du prix du baril et la parité euro-dollar – doit nécessairement s’appuyer sur une relance de l’investissement. Or, si le plan Juncker constitue effectivement un tournant dans la politique européenne, force est de constater qu’il n’est pas à la hauteur des enjeux. Il consiste seulement en un mécanisme de garantie de 8 milliards d’euros sur trois ans et une grande partie des fonds sera prélevée sur d’autres programmes d’investissement européens. C’est pourquoi il importe que les États amplifient le mouvement d’investissement initié au niveau européen.

La proposition de résolution y concourt car elle propose d’exclure certains investissements du calcul du déficit public national et donc de la limite de 3 %. Elle participe d’un mouvement européen favorable aux investissements et s’inscrit dans la droite ligne de la communication de la Commission européenne du 13 janvier 2015 visant à utiliser au mieux la flexibilité offerte par les actuelles règles du pacte de stabilité et de croissance. Elle ne vise donc pas à remettre en cause le pacte mais à préciser et approfondir les possibilités d’assouplissement offertes par la communication de la Commission européenne. Elle prend ainsi en compte le caractère spécifique et pluriannuel des dépenses d’investissement qui ne peuvent être assimilées aux dépenses de fonctionnement. Faut-il rappeler que la distinction entre dépenses de fonctionnement et dépenses d’investissement est de règle en comptabilité d’entreprise ? Nous soutenons donc non seulement le principe de la résolution mais également son périmètre issu des travaux de deux commissions, en particulier celle des affaires européennes.

Le travail en commission a en effet précisé les objectifs et les critères d’exclusion de certaines dépenses du plafond de 3 % de déficit. Si certaines dépenses doivent être exclues de l’encadrement budgétaire national, c’est qu’il est logique qu’elles soient assumées collectivement car elles sont d’intérêt européen. Les commissions les ont donc redéfinies selon deux axes constituant à nos yeux deux avancées majeures.

D’une part, l’exclusion du calcul du déficit des dépenses de défense est limitée aux seules opérations extérieures bénéficiant à l’ensemble des États européens. En effet, en l’absence d’une politique européenne de défense que nous appelons de nos voeux, les interventions françaises découlant des décisions de l’ONU bénéficient à l’ensemble des États européens. Il est donc logique que notre pays n’en assume pas seul la charge. Bien sûr, mettre en place une politique européenne de défense serait encore plus efficace mais à défaut une telle mesure va dans le bon sens. En vertu de cette logique, les dépenses relatives à la dissuasion nucléaire ne peuvent être exclues du calcul du déficit car elles relèvent d’un choix national et n’ont donc pas vocation à relever des dépenses assumées par tous les États européens.

D’autre part, le travail en commission a précisé le sort des investissements non militaires. Les dépenses nationales consacrées à des projets cofinancés par l’Union européenne, en particulier par le Fonds européen pour les investissements stratégiques, support du plan Juncker, seraient concernées, quelle que soit la situation de l’économie et des finances publiques de l’État membre qui les engage. Nous soutenons une telle proposition qui renforce la construction européenne et s’inscrit selon nous dans la logique de partage des investissements d’intérêt communautaire à l’échelon européen.

Bien entendu, tous les investissements n’ont pas vocation à être exclus de la limite de 3 %. Il faut donc définir des critères. L’existence d’un cofinancement par l’Union européenne constitue un premier point d’appui incontournable car elle démontre de fait l’intérêt supranational des investissements visés. Il nous semble néanmoins un peu restrictif. Nous défendrons donc des amendements visant à exclure plus largement les investissements contribuant aux objectifs fixés par l’Union européenne tels que la diminution des émissions de gaz à effet de serre ou l’amélioration du taux d’emploi.

En tout état de cause, les écologistes saluent la proposition de résolution et les améliorations apportées au texte lors des travaux en commission. En effet, il ne s’agit pas uniquement ici de desserrer la contrainte que constitue le seuil de 3 % du déficit afin de libérer l’investissement au niveau européen mais bien de réintroduire un raisonnement macroéconomique dans les règles budgétaires et de faire en sorte que la régulation budgétaire ne constitue pas un obstacle à la poursuite et à l’approfondissement des objectifs européens. Les écologistes soutiendront donc la proposition de résolution et espèrent qu’elle contribuera à une réorientation progressive de la politique budgétaire européenne.

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