Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, des signaux encourageants que vous avez envoyés, même si, en tant que rapporteure, je reste un peu sur ma faim, craignant que l’Europe de la défense, invoquée également par plusieurs intervenants, ne soit un mantra et n’équivaille en réalité à une fuite en avant. Comment, en effet, penser une Europe de la défense sans avoir une diplomatie commune ? Car la défense n’est jamais que l’arme des relations extérieures. C’est un vaste sujet et je ne suis pas sûre que l’Europe de la défense soit autre chose, à ce jour, qu’une sorte de fuite en avant.
Reste la question de la mutualisation, qui est importante. Si le Conseil européen permet d’avancer dans cette direction non seulement en matière d’équipements mais aussi dans ce qui touche au fonctionnement de nos expéditions et interventions militaires, ce sera une bonne chose.
Vous n’avez pas répondu, monsieur le secrétaire d’État, au sujet des investissements, que vous avez laissés hors champ. J’aimerais savoir s’il existe une position gouvernementale. Le sujet est plus large que ce qui sera discuté par le prochain Conseil européen : il s’agit de la déductibilité sous certaines conditions – des conditions moins drastiques que celles que pose la Commission – des investissements.
M. Arnaud Richard, au nom du groupe UDI, a très bien parlé des effets délétères des politiques économiques européennes de type « austéritaire ». Il reproche au texte une approche erronée : où placer le curseur, se demande-t-il, pour déterminer si nous retirons certains types de dépenses et pas d’autres ? Pourtant, nous avons été plusieurs à montrer que certains cas sont évidents. Au moment de la négociation et de la ratification du TSCG, les effets pervers des OPEX n’étaient à l’évidence pas envisagés. Je crains donc que la perspective d’une mutualisation pour demain – ce que j’ai appelé aussi la fuite en avant – ne résolve pas aujourd’hui la question d’engagements budgétaires qui, depuis trois ans déjà, dépassent le milliard d’euros de dépenses sans que soit justifiée par ailleurs l’absence très large, reconnue par M. le secrétaire d’État malgré quelques points encourageants, des États membres dans la prise en charge du surcoût résultant de ces opérations.
Je vous remercie, madame Sas, d’avoir souligné à quel point il est injuste que certains investissements ne soient pas comptabilisés aujourd’hui hors déficit. Comme vous l’avez très bien dit, un investissement d’avenir pour notre économie n’est pas une dette inerte que nous léguons à nos enfants, bien au contraire ! Comment peut-on à la fois ne pas vouloir transmettre la dette à la génération future et laisser cette génération dans un état tel que, faute d’investissement, elle n’aura pas d’emplois pour participer à la richesse nationale et, partant, à l’effort fiscal dont le pays a besoin pour redresser ses comptes et à la réduction de la dette ? Il y a là une contradiction sur laquelle je vous remercie d’avoir attiré mon attention.
Permettez-moi de préciser par parenthèse que la garantie apportée par le plan Juncker s’élève à 21 milliards d’euros. Le montant de 8 milliards que vous évoquez correspond à la contribution de la France.
Au sujet de cette proposition de résolution, vous avez parlé d’« avancées majeures » dans le principe et dans le périmètre. Je vous remercie pour votre soutien.
Au nom du groupe RRDP, madame Hobert, vous avez parlé d’une idée qui a « cheminé ». Cette notion de chemin me plaît. J’avais moi-même adopté la métaphore de la voie pour souligner que nous sommes dans une démarche empirique – « inductive », auraient dit les pères de l’Europe – consistant à améliorer et à assouplir brique par brique des règles européennes qui ne sont actuellement pas satisfaisantes et que personne ne peut trouver telles. Lorsque vous parlez d’un effort budgétaire de 1,5 % du PIB, il s’agit, nous en sommes bien d’accord, de l’effort de défense dans son entier et non du seul coût des opérations extérieures.
J’approuve largement les analyses formulées par M. Nicolas Sansu au nom du groupe GDR. En tant que députée du Mouvement républicain et citoyen, j’ai voté comme lui contre la ratification du TSCG. Je pense encore aujourd’hui que ces règles sont inopportunes, mais, à la différence de M. Sansu, j’essaie d’être constructive et d’examiner, compte tenu du cadre qui nous est imposé, comment on pourrait assouplir ce cadre. Je ne crois pas aux politiques proclamatoires. L’empirisme a parfois du bon, même quand il est, comme ici, très modeste : pour ma part, j’aurais préféré que nous allions vers une renégociation du TSCG ou, au moins, du protocole no 12 annexé au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, celui qui définit le déficit. Il était possible, je pense, de concevoir une définition plus intelligente !
Mais cette critique s’adresse aussi à ceux qui ont négocié le TSCG. La France était la seule puissance nucléaire partie prenante au traité, puisque le Royaume-Uni avait refusé d’y entrer – ce qui explique, du reste, que nous ayons un traité intergouvernemental. Elle aurait pu considérer alors qu’elle était dans une position singulière par rapport à d’autres pays !
M. Joaquim Pueyo, rapporteur au nom de la commission des affaires européennes, a donné son accord à la proposition de résolution après un certain nombre d’allers et retours du texte entre nous, et je l’en remercie. Dans son intervention, il souligne à juste titre le contexte nouveau des OPEX mais aussi – phénomène qui m’avait échappé – la baisse des budgets de défense des États membres, qui donne une actualité encore plus forte à la demande que nous formulons ici. Cette baisse ne peut en effet apporter une solution à la multiplication des dangers qui menacent l’Europe. Par contraste, elle met encore plus en valeur notre effort national.
Vous souhaitez également, monsieur Pueyo, que l’on revienne sur la « neutralité » du plan Juncker, en vertu de laquelle ce que nous apportons ne peut être déductible car nous ne sommes pas dans les clous, notamment au regard de la règle des 3 %. Vous demandez que les règles d’investissement soient moins restrictives. Sur ce point comme sur d’autres, nous nous rejoignons largement.
Vous avez cité, cher monsieur Mariani, mon ami Guy Abeille. Il y a longtemps que je n’avais pas lu son récit de la genèse des 3 %, un récit intéressant et original tant il est rare que l’on dise la vérité dans ce domaine. Vous voyez bien que l’administration peut être parfois utile : là où les politiques ne peuvent pas dire les choses, il arrive que les membres de l’administration le fassent !
Cette résolution serait, selon vous, un mauvais signal : parce qu’elle est en trop mauvaise posture, la France ne doit pas donner le sentiment de vouloir s’affranchir de règles par rapport auxquelles elle serait un mauvais élève. Permettez-moi tout de même de vous faire amicalement remarquer, mon cher collègue, que ce sont les décisions prises par la majorité précédente qui sont largement à l’origine de la mauvaise position de la France, tout particulièrement s’agissant de problèmes que nous traitons ici. L’expédition en Libye, sous l’impulsion de MM. Sarkozy et Cameron, a dépassé le mandat donné par l’ONU et a abouti à l’éclatement de l’État libyen.