Intervention de Thierry Mariani

Séance en hémicycle du 8 juin 2015 à 17h00
Prévention et lutte contre le tabac — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Mariani :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le tabac n’est pas un produit comme les autres : sa consommation constitue aujourd’hui, et de loin, la première cause de mortalité évitable en France, avec environ 73 000 décès chaque année, soit 200 morts par jour. Il est actuellement responsable de plus d’un décès sur cinq chez les hommes.

La baisse du tabagisme, en particulier chez les jeunes, est un enjeu majeur de santé publique : il y a un consensus large sur ce sujet quels que soient les bancs où nous siégeons.

C’est d’ailleurs une majorité de droite qui a redonné de la vigueur aux politiques de lutte contre le tabagisme avec, notamment, le plan Cancer en 2003 et le décret interdisant de fumer dans les lieux publics.

En outre, la politique de hausses régulières du prix du paquet de cigarettes, qui est un des moyens les plus efficaces pour dissuader nos concitoyens de fumer en faisant du tabac un produit « pas comme les autres », a été lancée par le Président Jacques Chirac et jamais interrompue depuis.

Pour autant, la France compte toujours 13 millions d’adultes qui fument régulièrement, et si la consommation en volume des cigarettes baisse, la proportion de fumeurs a augmenté depuis la fin des années 2000 au sein de certaines catégories de population : les femmes, les jeunes, les précaires.

Les raisons en sont diverses et complexes. Il est donc indispensable de s’y arrêter si nous voulons être efficaces dans nos préconisations.

En cela, le rapport de nos collègues Jean-Louis Touraine et Denis Jacquat, relatif à l’application des politiques publiques de lutte contre le tabagisme – travail effectué dans le cadre du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, qui avait été lancé par l’ancien président de notre Assemblée, Bernard Accoyer et maintenu par le président Bartolone – est particulièrement intéressant. Il montre bien que nous arrivons à un tournant.

Alors que notre pays pratique des prix très sensiblement supérieurs à ceux des pays limitrophes, un marché parallèle très important s’est installé pour environ 20 % des ventes et il rend de moins en moins opérantes les mesures que nous pouvons mettre en oeuvre sur notre territoire pour lutter contre le tabagisme.

Il est donc indispensable d’amplifier la lutte contre les achats hors du réseau des buralistes, qu’ils soient uniquement transfrontaliers ou à plus forte raison, illicites.

Il faut développer les coopérations internationales pour réprimer plus efficacement le trafic de tabac et renforcer les moyens de lutte contre les achats sur Internet.

Il faut également promouvoir, et c’est ce qui nous est proposé ici, une meilleure harmonisation de la fiscalité et des prix, en particulier au niveau européen et viser à l’introduction de dispositions communautaires spécifiques permettant un strict encadrement quantitatif des importations privées de tabac.

Nous souhaitons également que soit ratifié le protocole de l’OMS sur l’élimination du commerce illicite du tabac, signé en janvier 2013 par la France et toujours pas transposé à ce jour dans le droit français. Un projet de loi a été déposé sur le bureau de notre Assemblée : madame la secrétaire d’État, quand sera-t-il inscrit à l’ordre du jour par le Gouvernement ?

Nous aurions presque pu rédiger la proposition de résolution que vous nous proposez, monsieur Cordery, si vous n’aviez décidé d’y introduire un sujet moins consensuel : le paquet neutre.

En effet, votre texte fait, pour le moins, apparaître un problème de méthode : alors que, dans la première recommandation, il est demandé, très justement, une étude d’impact sur l’introduction du paquet neutre, dont la mise en oeuvre est prévue à ce jour dans le projet de loi de modernisation de notre système de santé, toujours en navette, la recommandation suivante appelle le Gouvernement à en faire dès à présent la promotion auprès de nos voisins, qui n’ont pas adopté cette mesure. Ne serait-il pas plus judicieux d’attendre d’être sûrs de son utilité, lorsque l’étude d’impact aura été publiée, avant d’aller en faire la promotion chez nos voisins ?

L’Australie, seul pays à avoir adopté cette disposition depuis assez longtemps pour avoir un peu de recul, n’a, comme chacun sait, pas de frontières terrestres – – et ce qui n’est pas notre cas.

Ce pays relevant de ma circonscription, j’ai la chance de pouvoir m’y rendre trois fois par an – et c’est loin, madame la secrétaire d’État, surtout avec le décalage horaire – et je ne suis pas persuadé, pour avoir évoqué ce sujet avec mes interlocuteurs australiens, que le paquet neutre ait été si dissuasif que cela.

Ce qui est vraiment dissuasif, c’est le prix : 15 euros le paquet, soit quasiment le double du prix français. D’autre part, la contrebande est techniquement impossible, car la géographie donne à l’Australie des frontières mieux protégées que celles de la France. En outre, la répression en cas de contrebande est très dure.

Voilà, selon moi, les trois recettes qui ont fait diminuer la consommation et je ne suis pas certain que le paquet neutre soit un outil aussi efficace. Par ailleurs, il n’existe pas en Australie de buralistes ayant le monopole de la vente du tabac. On peut acheter presque partout du tabac – dans la moindre des stations-service, lesquelles sont ouvertes quasiment en permanence.

Je sais que, sur ce sujet, l’opinion semble aujourd’hui unanime mais, pour en avoir discuté avec des parlementaires australiens, il me semble que les seuls arguments catégoriques aient été le prix et, je le répète, l’isolement géographique. De fait, M. Pauvros évoquait tout à l’heure la contrebande dans sa région et, pour ma part, à Marseille, lorsqu’il m’est arrivé de me rendre au Conseil régional en jeans et sans cravate, on m’a proposé plusieurs fois des cigarettes de contrebande, car elles existent, hélas, partout.

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