Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le tabac est un fléau sanitaire et un risque pour nos comptes sociaux. Sur le plan économique, la Cour des comptes, dans son rapport de décembre 2012, fait état d’un coût pour la collectivité de 47 milliards d’euros, soit 772 euros par Français et par an, à comparer aux 14 milliards d’euros perçus grâce aux taxes. Nous ne pouvons cependant pas regarder le tabac qu’à travers ce prisme économique : il nous faut le regarder d’abord, comme vient de le rappeler M. Mariani, en considérant son impact sanitaire. Le tabac cause en effet 200 morts par jour en France – terrible chiffre.
Le tabac est en augmentation parmi les plus vulnérables – mineurs, femmes, chômeurs. Un Français sur trois fume. Pour l’assurance maladie, l’impact est de 18 milliards d’euros.
Après le vote positif de soutien à la loi de modernisation de notre système de santé, le 14 avril dernier, la France a incontestablement marqué des points en matière de prévention et de lutte contre le tabac.
Le groupe écologiste a, de concert avec les membres du groupe d’études contre l’ingérence de l’industrie du tabac, présidé par Jean-Louis Roumégas, soutenu des mesures emblématiques en matière de prévention et de lutte contre le tabac.
Les mesures adoptées en première lecture ont vocation à réduire le risque de tabagisme des plus jeunes, particulièrement sensibles de manière tant active que passive.
Ainsi, la France mettra en oeuvre le paquet neutre dès mai 2017, ainsi que l’interdiction de fumer en voiture en présence d’enfants de moins de 12 ans, la limitation des opérations de marketing croisé par l’industrie du tabac ainsi que l’interdiction prochaine de fumer en proximité d’enceintes scolaires ou sportives et des parcs de jeux – autant de lieux que fréquentent nos enfants.
La France s’honore également d’appliquer la convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac, entrée en vigueur le 27 février 2005 et ratifiée par 172 pays, qui prévoit la présence de mises en garde sanitaires sur le conditionnement des produits du tabac, l’interdiction de la publicité et de sa promotion, ainsi que des activités de parrainage et, bien évidemment et surtout, la lutte contre la contrebande.
La proposition de résolution européenne en matière de prévention et de lutte contre le tabac présentée ce jour prend acte de ces évolutions législatives françaises en la matière. Il s’agit d’un préalable nécessaire avant la recherche d’une harmonisation et d’une bonne coordination européenne.
La politique de santé publique n’est pas la seule à intégrer des mesures destinées à freiner le tabagisme : notre politique fiscale doit y travailler de concert, ainsi que le prescrit désormais la loi de santé publique, sur proposition d’un amendement écologiste.
Il est en effet prouvé que des taxes élevées sur les cigarettes et les autres produits du tabac comptent parmi les instruments les plus efficaces pour en réduire la consommation, en particulier chez les jeunes. C’est pourquoi la mise en oeuvre d’une législation communautaire relative à la taxation du tabac est de plus en plus perçue comme un instrument, non seulement fiscal, mais aussi de santé publique.
La Commission européenne a proposé de relever le niveau minimal des taxes sur le tabac. Cette proposition est en cours de discussion. Il convient de l’encourager dans cette voie – ce que propose précisément la résolution soumise à notre examen –, car il existe en Europe de très grandes divergences dans les prix du tabac. Les fabricants de cigarettes ne se lassent pas d’utiliser cette faille, liée à la différence de prix entre les États, pour faire pression sur les parlementaires et les pouvoirs publics en démontrant qu’une action nationale ne conduit finalement qu’à une augmentation des ventes transfrontalières, licites ou non, et donc à une contraction des recettes fiscales nationales.
Non ! Il est temps d’y mettre bon ordre. Je rappelle à cet égard que l’article 5.3 de la convention-cadre pour la lutte antitabac, promue par l’OMS et ratifiée par la France en 2004, est notre légitimité à agir. J’en citerai les termes suivants : « En définissant et en appliquant leurs politiques de santé publique en matière de lutte antitabac, les parties veillent à ce que ces politiques ne soient pas influencées par les intérêts commerciaux et autres de l’industrie du tabac. »
Il s’agit donc de lever toute ambiguïté entre les pouvoirs publics et l’industrie du tabac. Des avancées ont été réalisées par des dispositions nouvelles permettant de garantir l’indépendance de la traçabilité du tabac. Au-delà, les écologistes soutiennent le principe du pollueur-payeur et veillent à ce qu’il soit appliqué, évidemment et en premier lieu, à l’industrie du tabac.
C’est ainsi que nous soutenons l’amendement de Mme Delaunay visant à instaurer une action de groupe, initiative soutenue par tout le groupe d’étude sur l’ingérence de l’industrie du tabac, votée en commission des affaires européennes et en commission des affaires sociales, et qui fait écho, dans l’actualité récente, à la condamnation de Japan Tobacco au Québec, où la mobilisation de plus d’un million de victimes du tabac a permis une indemnisation à hauteur de 2,5 milliards d’euros.
Le prix du tabac est un facteur décisif pour changer durablement les comportements. Cependant, le commerce illicite et les distorsions de prix sont des freins à la baisse de consommation. Il est ainsi primordial d’établir des règles communes : lutte contre la vente à distance, contrôle transfrontalier accru, amélioration de la coopération douanière européenne, répression de tous les achats illicites en dehors du réseau des buralistes.
Aussi soutenons-nous la présente proposition de résolution européenne appelant à une coordination des politiques européennes en matière de prévention et de lutte contre le tabac, en souhaitant qu’elle puisse être massivement, unanimement, votée. Cette étape constituerait un signal fort, surtout si le vote est unanime, face à la puissance des lobbies des industries du tabac, ainsi qu’un gage d’éthique et de consolidation de nos politiques de santé, qui ne sauraient s’accommoder plus longtemps des rentes établies sur nos comptes sociaux et sur la santé de nos concitoyens.