Intervention de Michel Winock

Réunion du 29 mai 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Michel Winock, président :

Pour cette treizième réunion de notre groupe de travail, qui doit clore nos débats sur le Parlement du non-cumul, nous avons convié M.Bernard Manin, politologue, directeur d'études à l'École des Hautes Études en Sciences sociales, professeur à la New York University.

Vos travaux, monsieur Manin, portent principalement sur le libéralisme et la démocratie représentative. Vous avez publié, en 1995, un ouvrage qui a fait date, Principes du gouvernement représentatif, dans lequel vous soutenez de façon rigoureuse et argumentée que le gouvernement représentatif est un gouvernement mixte, qui combine des éléments démocratiques et des éléments qui ne le sont pas.

Ainsi, ayant rappelé que la démocratie antique reposait sur le principe du tirage au sort quand nos gouvernements reposent sur celui de l'élection, vous exposez que, si la représentation présente des caractères démocratiques dès lors que les électeurs peuvent demander des comptes à leurs représentants en fin de mandat, elle présente également des éléments non démocratiques en ce sens que l'élection est aussi une manière de désigner des élites, qui ne sont pas entièrement tenues de réaliser les souhaits de leurs mandants et conservent un certain degré d'indépendance. Selon vous, la démocratie représentative n'est pas pour autant une démocratie directe en moins bien, mais un système différent.

Plus récemment, dans le cadre d'un entretien avec Nadia Urbinati, vous avez estimé qu'il n'y avait pas aujourd'hui de crise du système représentatif mais plutôt une transformation des modalités de l'engagement politique.

Il nous intéresse vivement de vous entendre plus en détail sur cette question, ainsi que sur celle de la participation des citoyens, à laquelle vous avez également beaucoup réfléchi.

1 commentaire :

Le 20/12/2016 à 09:48, Laïc1 a dit :

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"ainsi que sur celle de la participation des citoyens, à laquelle vous avez également beaucoup réfléchi."

Pour l'instant, je suis le seul citoyen à participer à ce groupe de réflexion. Les citoyens sont en fait tellement habitués à être dans le demande individuelle qu'ils en perdent le goût de la réflexion collective, qui est pourtant le meilleur moyen de remédier à leur demande individuelle.

Je me suis souvent questionné : pourquoi suis-je le seul à participer ainsi ? Dans les forums de journaux, il y a de nombreux citoyens qui donnent leur avis, sans complexe, sans tabou, et là, face aux députés, plus rien, ou très très peu : pourquoi ? Pourtant les députés ont beaucoup plus de pouvoirs que les journalistes, les internautes devraient bondir sur l'occasion d'un site comme "nos députés" pour exprimer directement leur point de vue à leurs représentants, à ceux qui peuvent quelque chose, plutôt qu'aux journalistes et autres citoyens qui sont dénués de réels pouvoirs.

J'ai pensé alors qu'en fait le citoyen était tétanisé devant le député, l'homme politique : le citoyen est tellement habitué à vénérer le député, le ministre, qu'il n'ose même plus lui dire directement par écrit et de manière publique ce qu'il pense, il se sent écrasé par le poids social de son interlocuteur, et au lieu de libérer sa parole, cela l'inhibe, la paralyse.

On peut penser également que le système représentatif lui a ôté l'habitude de réfléchir : constatant qu'à partir du moment où il a donné sa voix à un député, il n'a plus le droit à la parole, il perd le goût de la réflexion, puisqu'il sait qu'après l'élection la réflexion suivie d'action est du ressort exclusif du député, et ainsi, comme un muscle qui n'a plus d'utilité, la parole publique s'affaiblit pour disparaître peu à peu. Elle ne resurgit que par rapport aux "alter ego", car il n'y a plus de peur hiérarchique à exprimer son point de vue. Ou alors dans les journaux, car les journaux représentent la société spectacle : un spectacle, ce n'est pas politiquement important, c'est divertissant, cela ne prête pas à conséquence, et là le citoyen retrouve la parole, il pense participer à ce spectacle, il n'y a pas de gravité intellectuelle, cela ne le déstabilise donc pas.

Fort heureusement, j'ai échappé à tous ces complexes, et ce qui paralyse le citoyen habituel aurait quant à moi plutôt tendance à me dynamiser.

Mais, avec l'instauration des référendums, ce complexe inhibant devrait disparaître, car le citoyen sera bien obligé de prendre la parole au niveau politique s'il veut vraiment défendre ses intérêts : s'il se tait publiquement, alors sa cause sera perdue, et il ne pourra pas l'accepter. Le citoyen sera ainsi redevenu l"animal politique" cher à Aristote, pour le bien de la démocratie et de la civilisation.

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