Intervention de Denis Baranger

Réunion du 29 mai 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Denis Baranger :

Nos débats sur le Parlement du non-cumul ne dévient pas du postulat implicite selon lequel notre régime démocratique s'inscrit dans le cadre représentatif, dont vous êtes le grand théoricien et que personne ne songe réellement à remettre en question.

À cet égard, le mandat impératif n'est qu'un dragon de papier que personne ne songe à rétablir, pas même les mouvements les plus populistes, qui ont assez peu à faire de la démocratie directe, et le refus des citoyens de participer à la vie politique ne peut surprendre qui se souvient de Benjamin Constant et de sa « jouissance paisible de l'indépendance privée ». En d'autres termes, le citoyen moderne entend poursuivre tranquillement ses activités privées et délègue pour cela la politique.

J'irai jusqu'à dire que, dans toute son horreur et son atrocité, le terrorisme qui nous frappe aujourd'hui n'est qu'une validation de la logique représentative, puisqu'il agit en représailles contre les citoyens, avec cette idée sous-jacente que ce sont eux qui ont donné mandat à leurs gouvernants pour mener les politiques que ces derniers mettent en oeuvre.

J'interprète donc les recommandations que vous nous livrez aujourd'hui comme des tentatives d'ajustement du système représentatif. C'est une nécessité vitale pour un système ancien – il remonte peu ou prou au xviiie siècle – voué à évoluer sous la contrainte démocratique.

Or cette contrainte démocratique qu'on ne peut esquiver n'est pour autant pas facile à institutionnaliser, et nombre de ceux qui ont réfléchi au sujet ont calé sur cette question : comment institutionnaliser la démocratie ? Les institutions doivent-elles prendre en compte la pression démocratique, dont Mme Buffet donnait tout à l'heure un exemple avec ces jeunes enrôlés dans des comités citoyens, et qu'en d'autres temps on aurait qualifié de « spontanéité démocratique » ? Doit-on multiplier les référendums, comme au Royaume-Uni, régime représentatif par excellence, qui, ces derniers temps, multiplie les référendums à vraie portée politique ? Plutôt que d'accroître la représentativité-miroir, hypothèse à laquelle vous n'êtes pas favorable, que pensez-vous des mécanismes de responsabilité, recall ou reddition de comptes des élus devant les électeurs ?

Ma dernière question concerne le tirage au sort et sa plus-value. Celle-ci se mesure-t-elle en termes de démocratisation ou de rationalisation de la représentation ? Et ne doit-on pas s'inquiéter que les individus tirés au sort, en passant de l'autre côté du miroir, subissent le même discrédit que les professionnels de la politique ?

Ce qui m'inquiète, c'est que la préconisation du tirage au sort s'appuie souvent sur cette doctrine hyper-rationaliste dont le grand représentant est Jon Elster et qui, de manière assez curieuse, considère qu'une décision dépendant d'un coup de dés sera aussi bonne qu'une décision d'expert, ce qui selon moi peut aboutir à produire de l'irrationalité politique et à nous ramener à notre point de départ.

2 commentaires :

Le 20/12/2016 à 12:43, Laïc1 a dit :

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"En d'autres termes, le citoyen moderne entend poursuivre tranquillement ses activités privées et délègue pour cela la politique."

Franchement, le citoyen moderne a-t-il d'autre choix que de déléguer ses responsabilités publiques ? Les référendums comme en Suisse existent-ils en France ? Lui demande-t-on jamais son avis en dehors des élections présidentielle et législative, une fois tous les 5 ans, et des communales, une fois tous les 6 ans ? (et encore sur des programmes fourre-tout...) Il y a de quoi écœurer les plus intéressés à la chose publique, et après, on va dire qu'ils sont vraiment plus intéressés par la chose privée, c'est pour cela qu'ils se détournent de la chose publique. On frôle le cynisme...

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 20/12/2016 à 12:54, Laïc1 a dit :

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"Ce qui m'inquiète, c'est que la préconisation du tirage au sort s'appuie souvent sur cette doctrine hyper-rationaliste dont le grand représentant est Jon Elster et qui, de manière assez curieuse, considère qu'une décision dépendant d'un coup de dés sera aussi bonne qu'une décision d'expert, ce qui selon moi peut aboutir à produire de l'irrationalité politique et à nous ramener à notre point de départ."

D'abord les tirés au sort ne prennent pas leur décision au hasard, ils vont quand même réfléchir avant de prendre leur décision. C'est juste leur nomination qui est due au hasard, il ne faut pas confondre nomination et décision.

Ensuite, avec ce processus de prise de décision, on revient à ce qui est reproché à l'oligarchie, à savoir qu'une ultra-minorité va décider pour toutes et tous, et cela n'est pas acceptable. C'est le peuple qui doit décider, mais décider utilement et avec le plus de renseignements possibles.

Aussi, pour aider le peuple à prendre ses décisions, il faudrait plutôt que ce soit des experts confirmés qui préparent les lois, les discutent entre eux, avec tous les arguments du pour et du contre, indépendamment des pressions des lobbies bien sûr, (il faudrait d'ailleurs que leurs discussions soient surveillées pour être bien sûr qu'ils ne soient pas sous influence) et qu'ils soumettent ensuite le produit de leurs travaux scientifiquement argumentés et neutres à l'avis du peuple.

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