Intervention de Marie-Anne Cohendet

Réunion du 29 mai 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Marie-Anne Cohendet :

Il est vrai que l'abstention varie en fonction de l'intérêt de la question posée, mais l'on n'en assiste pas moins, dans la plupart des pays, à un phénomène d'érosion des votes – ce fut particulièrement le cas en France ces dernières années, à la plupart des élections. Si nous nous posons ce type de questions, c'est que nous sommes tous très inquiets devant le discrédit profond de la classe politique et son rejet par les citoyens.

Quant au choix des catégories à représenter, des techniques ont été mises au point dans l'exercice de la démocratie participative pour faire émerger des catégories importantes de la population. Nous devrions donc pouvoir y arriver en dehors de ce cadre. Je vous accorde que l'on ne pourra obtenir un Parlement miroir mais entre le miroir et le gouffre, peut-être pourrions-nous trouver un intermédiaire raisonnable. Nous nous accordons aussi sur les dangers d'une extrême division de la représentation, d'autant que nous avons, à ce sujet, évoqué l'Inde l'autre jour.

Vous affirmez que les catégories diverses ne représenteraient qu'elles-mêmes : pourquoi serait-ce davantage le cas de catégories populaires que des vieux mâles blancs bourgeois qui siègent majoritairement dans nos assemblées ? Les parlementaires actuels sont censés représenter tout le peuple, mais l'expérience prouve qu'ils ne le représentent guère car, malgré toute la bonne volonté du monde, il est des problèmes dont ils n'ont pas conscience. On a d'ailleurs constaté que la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de protection des chômeurs s'était infléchie : longtemps, les membres de la Cour, plutôt préservés du risque de perdre leur emploi, n'ont guère été bienveillants vis-à-vis des chômeurs – jusqu'au jour où leurs propres enfants ont été au chômage… Des études sociologiques menées dans tous les domaines ont montré que le fait d'être confronté à certaines difficultés sociales conduisait à aborder les problèmes différemment. Que des catégories telles que les ouvriers ou les personnes issues de l'immigration soient en plus grand nombre dans nos assemblées n'aura pas pour effet qu'elles ne représenteront qu'elles-mêmes : elles auront toutes une vision de l'intérêt général. Lorsque l'on participe à des débats de démocratie participative, on s'aperçoit en pratique que les personnes consultées, quel que soit leur âge et leur catégorie sociale, loin de ne s'intéresser qu'à elles-mêmes, ont une telle vision. Mais je suis convaincue que celle-ci est tout autre chez les personnes qui ont un parcours sociologique radicalement différent, même lorsqu'elles ont reçu la formation dont vous avez parlé.

La diversité sociologique des représentants me semble donc très importante, tant du point de vue du contenu des décisions prises – les lois en faveur des femmes s'étant développées avec la parité – que de celui de l'image. Car je suis tout à fait d'accord avec vous quant à l'importance de la dimension symbolique. Pour apprécier l'indépendance de la justice, la Cour européenne des droits de l'homme ne se soucie pas seulement de savoir si un juge est réellement indépendant : elle vérifie aussi s'il donne une image d'indépendance. De même, ce qui nous importe, ce n'est pas seulement que les membres des assemblées se soucient réellement de représenter tout le monde ; il faut aussi que notre classe politique donne une image d'ouverture à la société et de réelle représentation de tous ses membres.

S'agissant du cumul des mandats, je vous accorde que la responsabilité des élus est cruciale en démocratie. Mais elle peut très bien être mise en cause si les élus ont la possibilité d'exercer d'autres mandats électifs par la suite, les partis politiques jouant alors un rôle majeur. On peut donc très bien préserver une forme de responsabilité tout en limitant le cumul d'un même mandat dans le temps.

Et, puisque vous avez parlé de la formation à la démocratie participative, ne pourrait-on également réfléchir à la formation des élus ?

Parmi les solutions juridiques envisageables, outre la limitation du cumul des mandats dans le temps, on pourrait également opter pour un scrutin de liste, ce qui favoriserait la diversité. En ce qui concerne la composition des assemblées, étant donné vos réticences importantes à l'instauration de quotas, ne pourrait-on envisager le tirage au sort d'un tiers des sénateurs ? Cela permettrait d'avoir une démocratie participative pendant un mandat. Une autre solution consisterait à recourir plus régulièrement à des mécanismes de démocratie participative au niveau national pour consulter, sur certains projets de loi, un groupe de citoyens. Ne pourrait-on enfin favoriser d'autres lieux de démocratie – sachant que certains outils, comme les blogs, existent déjà ? Bref, quelle liste de remèdes nous conseillez-vous concrètement pour faire en sorte que notre démocratie représentative soit entre le miroir et le gouffre ?

1 commentaire :

Le 20/12/2016 à 16:52, Laïc1 a dit :

Avatar par défaut

"Il est vrai que l'abstention varie en fonction de l'intérêt de la question posée, mais l'on n'en assiste pas moins, dans la plupart des pays, à un phénomène d'érosion des votes"

En général, et même tout le temps, il n'y a justement pas de question posée, c'est : votez pour tel parti, ou pour tel bonhomme, où est la réflexion, où est la démocratie ? C'est pourquoi je réclame, avec insistance, des référendums, afin que l'on ne prenne plus les citoyens pour des moutons stupides, devant gober toutes les sornettes d'un pouvoir qui joue la comédie et qui n'a aucune sincérité.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Inscription
ou
Connexion