Intervention de Bernard Manin

Réunion du 29 mai 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Bernard Manin :

Non, en effet, je ne crois pas que nous vivions aujourd'hui une crise de la représentation. Je l'ai écrit, et je n'ai pas changé d'avis sur ce point : ce système est en crise depuis qu'il existe, et sa capacité à s'adapter aux circonstances ne me paraît pas particulièrement remise en cause aujourd'hui. « Aujourd'hui, l'opposé de la représentation, ce n'est pas la participation directe, c'est l'exclusion » : cette formule, que j'emprunte au politiste David Plotke, témoigne de l'ascension de la représentation dans notre système de valeurs ; elle décrit un état important de l'idéal de représentation.

En revanche, on peut à juste titre s'inquiéter de la très mauvaise opinion qu'ont les citoyens du personnel politique.

S'agissant enfin de la notion de responsabilité, le fait d'utiliser le terme anglais d'accountability ne change pas grand-chose : être responsable, c'est s'expliquer, se justifier. Cette activité, j'en suis bien d'accord, est essentielle à la démocratie, comme à la perception de la légitimité. Il faudrait arriver à la combiner avec un certain renouvellement.

Madame Duflot, la similarité sociologique, c'est finalement ce sur quoi nous nous rabattons en espérant produire une amélioration. Je suggère, compte tenu des risques et des défauts de cette opération, que nous fassions preuve de plus d'imagination : il faut trouver d'autres moyens de produire de la légitimité, du crédit, de la confiance.

Sur la continuité du métier, de la carrière, je vous rejoins : c'est un point crucial. Il est tout à fait désirable que les élus connaissent leur métier, et j'ajoute que la qualité du renouvellement dépend de la continuité : ce sont les anciens qui apprennent aux nouveaux comment fonctionne une assemblée, qui les socialisent et leur permettent de gravir des échelons. C'est comme cela que l'on apprend le métier, une fois élu ! La continuité est donc essentielle pour de multiples raisons.

Les décisions les plus importantes n'auront d'effet que dans des décennies, dites-vous. Bien sûr. Et l'un des problèmes de la démocratie, c'est la myopie structurelle des élus, qui ont une propension naturelle à se focaliser sur le court terme. C'est pourquoi nous avons besoin d'instances durables : il y a d'autres agents que les personnes particulières – qui ont, par nature, la tentation de se désintéresser des conséquences lointaines de leurs décisions. « Advienne que pourra », voilà une attitude tout à fait indésirable. Il faut donc faire tout ce qui est possible pour favoriser la constitution de partis politiques sur la très longue durée, sur des décennies : c'est le seul outil dont nous disposions qui favorise la responsabilité pour l'avenir.

3 commentaires :

Le 23/12/2016 à 15:02, Laïc1 a dit :

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" Il faut donc faire tout ce qui est possible pour favoriser la constitution de partis politiques sur la très longue durée, sur des décennies : c'est le seul outil dont nous disposions qui favorise la responsabilité pour l'avenir."

Vous voulez en finir définitivement avec la voie du peuple ?

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Le 23/12/2016 à 15:03, Laïc1 a dit :

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la voix du peuple...quoique voie du peuple ça ait un sens aussi.

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Le 23/12/2016 à 15:04, Laïc1 a dit :

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Autrement dit : ras le bol des partis politiques, moins on en verra, mieux le peuple se portera, c'est la sangsue qui suce le sang de la vraie démocratie.

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