Intervention de Ferdinand Mélin-Soucramanien

Réunion du 29 mai 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Ferdinand Mélin-Soucramanien :

Pour ma part, je suis favorable à l'existence d'une seconde chambre, mais résolument hostile à la création d'une troisième chambre politique.

En ce qui concerne la seconde chambre, puisqu'il s'agit ici de repenser le bicamérisme, nous devrions nous intéresser comme l'a fait Pascal Jan aux fonctions qui lui sont dévolues. Pourquoi l'a-t-on créée ? Pour faire pièce à la chambre qui représente directement les intérêts de la nation ; pour s'inscrire dans le temps long, ce qui implique de sa part une forme de conservatisme ; et à une certaine période, qui n'est pas si éloignée, pour contrôler la loi – une tradition historique dont l'opposition du Sénat à l'exception d'inconstitutionnalité, en 1990, était une survivance. Ces fonctions initiales ont varié avec le temps, tandis que la structure de l'État comme de la société française se modifiait profondément, mais la seconde chambre elle-même, à force de négocier au centime près toute réforme la concernant, a très peu changé.

Aujourd'hui, bien que le Sénat soit déjà chargé par la Constitution de représenter les intérêts de la nation – ce qui le met en concurrence directe avec l'Assemblée – et, à l'article 24, les collectivités territoriales, on se propose d'ajouter les intérêts catégoriels et la diversité. C'est beaucoup ! Qui trop embrasse mal étreint. Sans doute faut-il choisir : veut-on, pour améliorer la discussion de la loi, attribuer à la seconde chambre les mêmes fonctions que l'Assemblée nationale, qui conserverait naturellement le dernier mot, ou rompre entièrement avec cette logique, ce à quoi je suis plutôt favorable ?

Veut-on alors confier au Sénat la représentation des intérêts catégoriels, ce qui supposerait à mon sens de supprimer le CESE ? Dans cette hypothèse, il resterait alors certaines variables à préciser – mode de scrutin, représentation des associations, etc. Une autre solution proposée par Pascal Jan – et qui avait été évoquée au sein de la commission dite Jospin, pour être ensuite repoussée car elle correspondait à une opinion minoritaire – consiste en une représentation réelle des intérêts territoriaux. Il me semble que cette fonction pourrait en effet être dévolue à la seconde chambre dans le contexte de l'évolution actuelle de l'État. Car la France est en effet un État unitaire décentralisé, je dirais même fédéral dans ses rapports avec la Nouvelle-Calédonie. Parmi les évolutions possibles de ce territoire figure d'ailleurs l'accentuation de ce caractère fédéral. Dans ce contexte, tôt ou tard se posera la question de la représentation de la Nouvelle-Calédonie, et, plus généralement, des outremer français.

Quant aux modalités, on pourrait imaginer, comme cela a été suggéré, que les conseils départementaux soient représentés directement, sans conséquences du point de vue du cumul des mandats puisqu'il s'agirait d'une représentation ès qualités. Cette proposition est elle aussi d'actualité, dans la perspective de l'entrée en vigueur du non-cumul, qui risque de priver d'écho les revendications des territoires de la République française.

Bref, il importe d'identifier les fonctions auxquelles la seconde chambre est destinée, sachant qu'elle ne pourra, sous peine d'échec, représenter tous les intérêts – territoriaux, nationaux, catégoriels. Or la piste d'une représentation réelle et efficace des intérêts territoriaux est sans doute la plus intéressante dans la perspective des réformes en cours, qu'il s'agisse de la réforme territoriale ou du non-cumul.

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