Intervention de Pascal Jan

Réunion du 29 mai 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Pascal Jan :

Je vous remercie de soulever au fond le problème du contrôle, que je n'ai guère eu le temps d'évoquer, ainsi que la question du temps long. Si l'on veut que la seconde chambre soit celle du temps long, de la réflexion, alors il faut fusionner le Sénat et le CESE. Mais la logique du bicamérisme est celle de l'action. Il me semble illusoire d'espérer conserver une seconde chambre politiquement influente – du moins dans les domaines que l'on reconnaît comme les siens – si l'on veut qu'elle se consacre au temps long, quelque intérêt que cela puisse avoir. En revanche, le CESE pourrait très bien endosser la fonction que vous proposez d'attribuer au Sénat.

De deux choses l'une. Si l'on est favorable au bicamérisme, il faut une assemblée politique, qui agisse politiquement et qui représente quelque chose du point de vue politique, non qui se consacre à la réflexion. Aujourd'hui, le Sénat contrôle, sur place et sur pièces, il produit des rapports – sur le temps long, d'ailleurs, et les rapports sénatoriaux sont très intéressants ; mais ce n'est pas sa vocation première. Si en revanche on ne veut plus du bicamérisme, gage de pondération et de représentation d'intérêts très divers mais qui comptent dans la société, on peut s'orienter vers la fusion ou vers une modification des fonctions, sachant que cela débouchera sur une chambre consultative, car il est inconcevable de donner un pouvoir de décision en matière législative à une assemblée dont une partie des membres ne seraient pas élus.

Voilà pourquoi je privilégierais un moyen dérivatif de parvenir au même résultat. Encore sa mise en oeuvre suppose-t-elle que le Parlement se dote une fois pour toutes d'organismes à sa disposition. Aujourd'hui, isolé, il ne peut pas combattre ; il ne peut que proposer, et c'est ce que font les parlementaires, relayant les partis politiques. Mais il est privé de l'expertise indépendante qui fait la force du Parlement anglais ou du Congrès américain, lesquels peuvent s'appuyer sur des organes consultatifs et d'évaluation – sans compétence décisionnelle – pour discuter avec l'exécutif. Ainsi, les chiffres que présentent le Gouvernement lors de l'examen de la loi de finances sont tributaires de la méthode de calcul adoptée ; pourtant, les parlementaires n'ont pas les moyens de les contrôler.

Ce qui nous renvoie, au-delà du bicamérisme, à l'objectif de renforcement du Parlement. Renforcer le Parlement, en effet, c'est moins lui donner des pouvoirs supplémentaires – les parlementaires ont déjà beaucoup à faire, compte tenu de l'étendue du domaine de la loi et de l'existence des procédures de contrôle – que lui fournir une expertise qui lui permette de combattre l'exécutif à armes égales.

C'est donc, à mon avis, plutôt à ce niveau d'intervention extérieure au Parlement, mais liée à lui, que pourrait faire sens la contribution que vous évoquez.

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