Intervention de Christine Noiville

Réunion du 20 mai 2015 à 17h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Christine Noiville, présidente du Haut Conseil des biotechnologies :

– Merci beaucoup Monsieur le Président. Mesdames et messieurs les députés, Mesdames et Messieurs les sénateurs, je suis ravie de me retrouver à nouveau devant vous, avec mes collègues Jean-Christophe Pagès, Claude Gilbert et Jean-Christophe Gouache, dont vous avez cité les fonctions au sein du HCB, pour échanger sur le fonctionnement du Haut Conseil, et plus généralement sur les questions liées aux biotechnologies.

Je vais commencer par présenter le HCB, ses missions et les grandes caractéristiques qui marquent cette institution. Ensuite, je dirai quelques mots du deuxième mandat qui s'ouvre et des auspices sous lesquels il débute. Après quoi je laisserai la parole aux deux présidents pour que chacun expose les activités de son propre comité.

Je rappelle que le HCB a été mis en place en 2009 en application de la loi du 25 juin 2008 sur les OGM. Sa mission première est d'éclairer le Gouvernement sur toutes biotechnologies, ce qui lui donne un champ extrêmement large. Entre autres, le HCB est invité à donner un avis au Gouvernement sur toutes les demandes qui sont formulées par des pétitionnaires, chercheurs, industriels ; toutes les demandes d'utilisation confinée d'OGM, d'essais, qu'il s'agisse d'essais de plantes en champ, d'essais de thérapies géniques, de médicaments ou autres ; et toutes les demandes d'autorisations de mises sur le marché, qu'il s'agisse d'importations de plantes transgéniques, de mises en culture, de commercialisations de médicaments vétérinaires issus des biotechnologies, etc.

En plus de ces missions règlementaires, le HCB peut se saisir ou être saisi de toutes questions relatives aux biotechnologies.

Par ailleurs, le HCB est aussi un modèle très original comparé aux instances d'expertise classique (en France ou à l'étranger), puisque précisément il ne s'agit pas que d'une instance d'experts. Le législateur a voulu que le HCB compte non seulement un comité scientifique (CS), mais aussi un comité économique, éthique et social (CEES), composé de personnalités qualifiées (juristes, économistes, sociologues) et également de parties prenantes. Certaines questions d'impact environnemental et sanitaire relèvent du comité scientifique mais d'autres questions sont au centre des débats sur les biotechnologies : quels bénéfices ces produits peuvent-ils apporter aux consommateurs, quel intérêt pour les agriculteurs, quel apport en termes de compétitivité, les questions relatives à la protection des innovations, etc. ?

Deux comités coexistent, l'un composé de quarante scientifiques de différentes disciplines, l'autre de trente-trois personnalités qualifiées et parties prenantes, dont vingt-sept parties prenantes ; cela rend l'exercice délicat, comme vous l'avez dit tout à l'heure, mais c'est aussi ce qui fait la richesse du Haut Conseil.

Nous sommes généralement saisis par les cinq ministères auprès desquels nous sommes placés mais nous pouvons également être saisis par des associations agréées, des groupements professionnels ou de salariés, mais aussi des parlementaires – c'est déjà arrivé à deux reprises. Il est également prévu que l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques puisse nous saisir, et nous serions évidemment ravis de pouvoir répondre à vos éventuelles demandes si le cas se présentait. Le HCB peut également s'autosaisir, comme cela a été fait à plusieurs reprises durant son premier mandat.

Pour terminer cette présentation générale, voici quelques chiffres que vous retrouverez dans le document que nous vous avons transmis.

D'abord, en termes de ressources humaines, outre les membres des comités et les présidents, le HCB est une équipe de neuf permanents, dont six chargés de missions et trois administratifs, avec un budget d'un million d'euros par an.

6 000 avis ont été rendus pendant le premier mandat, donc entre mai 2009 et mai 2014. Ce chiffre peut sembler colossal, mais une immense majorité de ces 6 000 avis sont des « avis de classement » d'utilisation confinée, soit pour la recherche, soit pour la production industrielle. En réalité, environ 80 avis concernent les essais de thérapie génique, les essais en champ de plantes transgéniques, les mises sur le marché de plantes transgéniques et des sujets plus globaux, sur lesquels je reviendrai dans un instant.

Je voudrais maintenant dire quelques mots de ce deuxième mandat qui débute. Comme vous l'avez dit, les choses ont mis du temps à se mettre en place, puisqu'il s'est précisément écoulé huit mois et demi entre la fin du premier mandat et le début du deuxième. Durant ces neuf mois, le HCB a été mis en sommeil ou entre parenthèses. Cela nous a posé un certain nombre de difficultés, notamment au regard de pétitionnaires, pour lesquels l'avis du HCB est absolument requis, notamment lorsqu'ils veulent expérimenter au plan français. C'est ainsi qu'un certain nombre de pétitionnaires qui nous ont proposé des projets de thérapies géniques ont été bloqués pendant plusieurs mois.

Comme M.Jean-François Dhainaut n'a pas souhaité se représenter à la présidence du HCB, il a fallu que le Gouvernement sélectionne un nouveau candidat pour l'auditionner, ce qui explique une partie du délai. Ce délai est, par ailleurs, lié à deux raisons principales.

La première est que le Gouvernement a souhaité – en partie à l'initiative de l'ancienne équipe dirigeante du HCB – procéder à un certain nombre de modifications quant au fonctionnement et à la composition du Haut Conseil. Ces modifications ont pris un certain temps, puisque le décret modificatif a été signé le 1er septembre 2014.

La seconde raison tient au fait que, sur la base de ce décret, chaque organisme a été invité à nommer ses représentants au HCB, ce qui a pris un peu de temps, notamment en ce qui concerne le comité économique éthique et social. L'un des éléments clés pour nous était de faire en sorte que les cinq importantes organisations qui avaient démissionné du comité économique, éthique et social durant le premier mandat reviennent à la table des discussions. Nous pensions que le deuxième mandat n'aurait pas grand intérêt si l'ensemble des opinions et des intérêts en jeu dans ces questions n'étaient pas présents pour participer aux débats. Nous y sommes parvenus – et j'en suis assez ravie – mais cela a pris du temps, comme vous pouvez l'imaginer. Les membres et les présidents ont finalement été nommés le 30 décembre 2014, ce qui nous a permis d'organiser une réunion plénière le 6 février 2015, d'adopter un nouveau règlement intérieur et de commencer nos travaux avec un équipe assez renouvelée, puisque Jean-Christophe Pagès reste président du conseil scientifique, mais Claude Gilbert, que je laisserai se présenter, devient président du comité économique, éthique et social.

Quant aux grandes orientations du HCB pour ce deuxième mandat, certaines sont induites par le décret du 1er septembre 2014 déjà évoqué et qui vient apporter toute une série de modifications au fonctionnement. Je propose de m'arrêter sur les deux principales modifications, mais, si vous le souhaitez, nous pourrions aller davantage dans les détails durant la discussion.

Ces deux grandes modifications tiennent d'abord à la composition du bureau du HCB. Le bureau est l'organe politique qui décide des grandes orientations et qui, notamment, se prononce sur les suites à donner aux saisines ou aux propositions d'auto-saisine. Ce bureau était auparavant composé de cinq personnes : le président, les deux présidents de comité, et deux vice-présidents, l'un pour le comité scientifique (CS) et l'autre pour le comité économique, éthique et social (CEES). Cela a posé des problèmes durant le premier mandat : le vice-président du comité économique, éthique et social pouvait être une partie prenante, donc le représentant d'un intérêt donné. Il était symboliquement et factuellement compliqué de travailler au bureau dans ce contexte. C'est la raison pour laquelle nous avons considéré qu'il serait intéressant d'avoir un bureau plus représentatif des différentes sensibilités représentées au sein du CEES, et qu'il serait meilleur d'élire deux vice-présidents pour le CEES ; en conséquence de quoi, nous avons proposé d'élire également deux vice-présidents pour le CS pour une question d'équilibre.

Après quelques mois de fonctionnement, je trouve cette évolution assez positive, même si j'ai bien conscience qu'elle tient beaucoup à la personnalité des présidents et des vice-présidents qui ont envie de travailler dans un esprit très constructif.

La seconde modification tient à la composition des comités. D'abord, l'autorité publique a voulu renforcer le poids d'un certain nombre de disciplines scientifiques au sein du comité scientifique. Au sein du comité économique, éthique et social, on a voulu, d'une part, intégrer davantage d'économistes, de juristes et de sociologues, et, d'autre part, mieux représenter un certain nombre de segments de filières par rapport au premier mandat : en particulier, entrent de nouveau représentants des semenciers, de nouveaux représentants des agriculteurs, et des représentants de la distribution qui n'étaient pas représentés au CEES pendant le premier mandat. Cette nouvelle composition est-elle de nature à faciliter la concertation ? Je laisserai à Claude Gilbert le soin de répondre à cette question ; il est mieux placé que moi pour vous répondre. On peut dire, au moins, que la diversité des intérêts et des points de vue est plus finement représentée au sein du CEES, ce qui me semble positif.

Au-delà de ces évolutions fonctionnelles, les orientations nouvelles tiennent aussi à la feuille de route que j'ai proposée au Gouvernement, et qu'on s'attelle désormais à mettre en oeuvre avec mes collègues du bureau. Je n'en détaillerais pas tous les éléments, mais je retiendrai deux grands points qui me paraissent être les plus saillants.

Tout d'abord, il faut travailler à un repositionnement du HCB pour en faire non seulement une instance qui réponde aux demandes d'avis émanant du Gouvernement sur des dossiers règlementaires mais aussi pour être un organisme de veille et de réflexion sur les grands sujets transversaux au coeur des grands débats sur les biotechnologies.

La mission première du HCB est de rendre des avis au cas par cas sur des dossiers pétitionnaires. Il s'agit des dossiers de chercheurs ou d'industriels, qui, encore une fois, demandent à pouvoir expérimenter, produire, commercialiser. Le HCB doit assumer ce rôle. Vous lirez la liste que nous vous avons remise : nous ne chômons pas, puisque de nombreux avis sont régulièrement rendus depuis le début du deuxième mandat, sur des demandes d'essais de thérapies géniques, ou sur des utilisations confinées. Nous sommes néanmoins convaincus que le HCB doit, parallèlement, mieux se positionner, d'abord en organisme de veille au service des pouvoirs publics, mais aussi en organisme de réflexion, sur des questions plus globales, qui ne peuvent pas être correctement abordées au cas par cas via les demandes des pétitionnaires. Je pense en particulier à des questions comme celles abordées en fin de premier mandat, sur les questions d'accès aux données brutes, aux données d'évaluation des pétitionnaires, et de transparence de ces données ; sur des questions de propriété industrielle, par exemple, quelle place faut-il accorder au brevet d'invention dans le domaine de la protection des innovations végétales ? Toutes ces questions-là sont des questions clés dans le débat sur les biotechnologies, et elles ne peuvent pas être correctement abordées par le prisme des dossiers, au cas par cas. Nous avons choisi de dire que le HCB devait être un lieu de réflexion, d'échange et de conseil sur ces sujets.

C'est la perspective dans laquelle nous, bureau du HCB, nous sommes situés lorsque nous avons demandé à M.François Houllier de contribuer au travail qui lui a été demandé sur le sujet des biotechnologies. Je rappelle que François Houllier est en charge d'une mission « Agriculture Innovation 2025 », comme vous l'avez mentionné. Nous engageons à cet égard deux réflexions, d'une part, sur la question des nouvelles technologies – et je suis ravie d'apprendre que vous allez travailler aussi sur cette question – d'autre part, sur la question des essais en champ, la question étant : y-a-t-il une reprise possible des essais de plantes génétiquement modifiées en champ en France ou non ? Si oui, à quelles conditions ?

Le second point de la feuille de route qui nous paraît très important est de monter en puissance dans les domaines d'expertise nouveaux, en particulier sur l'expertise des impacts socio-économiques des OGM. Chacun comprend à quel point il est important de mieux étudier cette question. Le CEES compte toute une série de personnalités qualifiées et de parties prenantes qui apportent des éléments extrêmement utiles et intéressants à cet égard, mais il faut quand même monter en puissance sur ce plan et notamment si on prend en compte la dynamique qui est en cours au plan européen depuis maintenant environ deux ans. Cette dynamique est double.

D'une part, la Commission européenne a mis en place un bureau socio-économique, dont l'objectif est précisément d'évaluer, en plus des impacts environnementaux et sanitaires, les impacts socio-économiques des OGM : quels sont leurs bénéfices sociétaux, quels sont leurs impacts sociétaux moins bénéfiques, et pour qui ?

D'autre part, le corps règlementaire européen vient d'être modifié par une directive du 11 mars 2015, qui prévoit que les États membres de l'Union européenne, s'ils le souhaitent, pourront désormais interdire ou limiter la mise en culture de plantes génétiquement modifiées sur leur territoire, pour des raisons autres qu'environnementales ou sanitaires ; parmi ces autres raisons figurent notamment les impacts économiques et sociaux des plantes génétiquement modifiées.

Toutes ces raisons nous conduisent à penser que le HCB, dont la mission est de conseiller le Gouvernement, doit être plus robuste sur cette question des évaluations socio-économiques. Nous y travaillons beaucoup et nous sommes en passe d'être saisis par le Gouvernement d'une demande dans le cadre de la transposition de la directive européenne que j'ai citée. Cette demande vise à expliciter le rôle que nous aurons dans ce cadre, comment nous travaillerons et quelle sera notre méthodologie.

J'en ai terminé avec le panorama général ; vous avez également posé la question des travaux qui avaient eu lieu jusqu'à la fin du premier mandat, pendant les six mois qui ne sont pas couverts par le dernier rapport d'activité. Nous en avons dressé une liste, qui se trouve sur les deux pages qui accompagnent la présentation. Si vous avez des questions, nous sommes bien évidemment à votre écoute. Quant aux doutes sur l'utilité du HCB, je laisse d'abord mes collègues prendre la parole, et nous pourrons ensuite en discuter lors d'un débat tous ensemble.

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