Intervention de Bruno Le Roux

Séance en hémicycle du 10 juin 2015 à 15h00
Action de groupe en matière de discrimination et de lutte contre les inégalités — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Le Roux :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, je ne sais pas s’il y a une hiérarchie dans l’injustice, mais la discrimination fait certainement partie de ces injustices les plus pénibles à vivre, en ce sens qu’elle peut être lancinante, répétée, et qu’elle laisse souvent celles et ceux qui en sont victimes humiliés, stigmatisés, impuissants, démunis et surtout esseulés.

Il n’est que d’écouter leurs témoignages : le plus souvent, ils se sentent salis, mis en cause dans leur identité, ne comprenant pas et peinant à réagir.

La discrimination laisse non seulement un sentiment amer chez celles et ceux qui en sont victimes, mais, au-delà des victimes, elle entame dans la société toute entière la promesse de l’égalité républicaine.

Au final, chaque acte discriminant fait deux victimes : la personne discriminée, qui voit sa propre estime d’elle-même entamée, et la société toute entière, qui voit s’éroder la cohésion sociale et monter les rancoeurs collectives.

De la refondation de l’école, qui vise à donner les mêmes chances aux enfants, à la parité hommes-femmes, en passant par les nouveaux droits sociaux – le compte pénibilité par exemple –, l’action que nous conduisons depuis maintenant trois ans suit la même orientation : concrétiser les lois qui renforcent l’égalité dans la vie réelle.

L’action de groupe que nous vous proposons est une étape importante dans ce combat. Créée avec la loi consommation, puis élargie au secteur de la santé, elle donne aux citoyens la possibilité de saisir collectivement la justice pour faire respecter les lois qui interdisent les discriminations liées à l’emploi, au logement et aux services. Elle vise à briser l’esseulement des victimes pour les conduire à faire valoir leurs droits.

Aujourd’hui, une victime sur deux n’engage aucune action en justice. C’est trop long, trop compliqué, trop cher. Le plus souvent, elles abandonnent les poursuites, « laissent tomber » et essayent de vivre avec – seules.

Ce n’est pas satisfaisant, car l’injustice, alors, n’est pas reconnue ; elle n’est pas réparée, elle n’est pas condamnée. La victime reste victime, y compris à ses propres yeux, et la société ne progresse pas. Celle-ci conserve ses stéréotypes, ses préjugés, ses archaïsmes. De facto, elle admet cette violence faite à certains individus, mais également aux principes et au droit. C’est ce que nous voulons éviter à travers cette proposition de loi.

Vous le savez, mes chers collègues, les textes ne manquent pas qui interdisent et répriment les discriminations. Pourtant, celles-ci demeurent importantes, particulièrement dans les domaines qui nous intéressent aujourd’hui. Il importe donc non pas de prévoir de nouvelles incriminations, mais d’assurer une pleine effectivité à celles qui existent, afin de faire progresser le respect du principe constitutionnel d’égalité.

L’action de groupe élargie au domaine de la lutte contre les discriminations y contribuera. Les exemples étrangers montrent l’efficacité de la mesure et son impact sur le niveau des discriminations. Elle peut constituer une arme de réparation massive, mais surtout, nous l’espérons, une arme de dissuasion massive. Car c’est ce que nous voulons avant tout : que les discriminations diminuent jusqu’à cesser définitivement dans notre pays.

Que l’on gagne autant lorsque l’on est une femme, à compétence égale. Que l’on obtienne un logement, à revenu égal, que l’on soit blanc ou noir de peau. Que l’on dispose des mêmes droits, des mêmes services, que l’on soit homosexuel ou hétérosexuel. Et je pourrais continuer la liste…

Lors de la campagne présidentielle, le candidat François Hollande avait pris un autre engagement, qui portait le numéro 30. Il était ainsi formulé : « Je lutterai contre le délit de faciès dans les contrôles d’identité par une procédure respectueuse des citoyens et contre toute discrimination à l’embauche et au logement ». Avec cette proposition de loi, nous répondons à une partie de cet engagement. Mais nous devons nous interroger sur la façon dont nous pourrions compléter cet engagement, notamment en menant une réelle politique de prévention des contrôles dits au faciès.

Mes chers collègues, je suis un élu de la Seine-Saint-Denis. Je vois beaucoup de jeunes et je rencontre de nombreux responsables associatifs. Les contrôles d’identité multiples, que l’on appelle les contrôles au faciès, constituent une réalité que nous ne pouvons nier. Il ne s’agit pas ici de stigmatiser certaines équipes de police, mais ne nous voilons pas la face devant une réalité qui discrimine des jeunes et nuit à l’égalité et à la cohésion républicaine.

Je souhaite que nous avancions collectivement sur cette question, afin de mettre fin à ces pratiques et de restaurer un lien de confiance si essentiel dans notre République.

J’ai le sentiment, mais peut-être ne sommes-nous pas si difficiles à convaincre les uns et les autres, que tout ce qui peut demain permettre à la République de s’affirmer, à travers la lutte contre les discriminations, ne coûte pas cher à notre pays et a de surcroît une vertu d’exemple. Cela montre en effet que nous sommes capables de nous rassembler autour de l’essentiel : faire en sorte que la devise de la République ne soit pas uniquement une proclamation, mais se traduise par des actes concrets du quotidien. Et je serai fier, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, si dans quelques heures, nous pouvons inscrire dans la loi un acte concret en votant cette proposition de loi.

1 commentaire :

Le 11/06/2015 à 09:38, laïc a dit :

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Dans la lutte contre les discriminations, il faudrait penser aussi aux oraux des concours : le candidat reçoit souvent des notes qui ne sont pas en rapport avec sa prestation, sans que des explications sérieuses soient apportées à ces mauvais notes injustifiées, de nombreux candidats recalés pourront en témoigner. Face à cette discrimination sournoise et silencieuse, ne serait-il pas possible de diminuer le coefficient des oraux dans la fonction publique ? Car nous vivons dans une société où l'écrit à autant d'importance que l'oral, nous sommes dans une société de droit écrit et non pas de tradition orale, et il n'est pas normal que l'oral ait un coefficient de beaucoup supérieur à l'écrit, car cela favorise les jugements subjectifs et discriminants d'un jury plus prompt à juger le candidat sur l'apparence que sur ses réelles capacités intellectuelles, et sans que le candidat recalé puisse faire appel de ces jugements subjectifs qui lui ont plombé sa note et l'ont éliminé.

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