Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi pour l’instauration d’une action de groupe en matière de discrimination est une réaffirmation du principe d’égalité. Il ne s’agit pas d’une déclaration de principe, mais bien de donner aux Français l’assurance qu’ils vivent dans une société de droit régie par de grands principes que sont la liberté, l’égalité et la fraternité. Cette proposition de loi donne aux Français des moyens pour faire respecter l’égalité.
Dans ma circonscription de Saint-Denis, Pierrefitte et Villetaneuse, de trop nombreux habitants subissent régulièrement des discriminations du fait de leur origine, de leur couleur de peau, de leur nom ou de leur confession.
Permettez-moi, à ce propos, de revenir sur les affirmations de M. Collard. Ces discriminations identiques ou similaires dont il conteste la réalité, ce sont précisément celles-ci. Elles se constatent lorsque les mêmes personnes subissent les mêmes choses dans une entreprise, face à un organisme HLM, etc. Cela peut tenir à un prénom : Mohamed, Moussa, Djamila, Fatimata… Les prénoms ne sont pas les mêmes, mais nous avons là une discrimination similaire.
Quant à la discrimination identique, c’est celle à laquelle on risque d’assister si demain, dans une ville du sud-est de la France par exemple, on dressait des listes destinées à établir des quotas de personnes de telle ou telle religion pour telle ou telle catégorie de logement.
L’action de groupe, monsieur le rapporteur, permettra de dépasser le seul aspect individuel. Elle montrera qu’il existe aussi de mauvaises pratiques collectives. Elle est donc tout à fait bienvenue.
Mon département, plus pauvre que la moyenne, est habité par une population jeune qui ne demande qu’à faire ses preuves. Les discriminations sont trop souvent un obstacle au dynamisme de ces citoyens. La crise, qui a frappé ici plus qu’ailleurs, a exacerbé ces inégalités. La situation n’est plus supportable.
Toutes les études, mais aussi le testing pratiqué par les associations, montrent qu’à diplôme égal, les enfants issus de l’immigration ont des taux d’emploi et des salaires inférieurs à ceux dont les deux parents sont français. Les chiffres montrent l’urgence qu’il y a à agir. Plus de 65 % des immigrés et fils d’immigrés affirment être régulièrement victimes d’actes de racisme.
Les discriminations sont aussi territoriales. La situation des habitants de mon département est aggravée par les inégalités en matière de transports ou même d’accès à la connaissance et à la culture. Trop souvent, et je le déplore, le nom de « Seine-Saint-Denis » continue d’effrayer les employeurs.
Les avancées des années 2000 en matière de pénalisation des discriminations étaient indispensables. Cependant, force est de constater que les discriminations perdurent. Comment expliquer que les femmes d’une grande entreprise soient, à poste égal, payées 20 % de moins que leurs collègues hommes ? Comment expliquer que, malgré la loi, les entreprises rechignent à engager des handicapés tout à fait capables d’exercer les emplois auxquels ils se portent candidats ?
Si la loi existe et protège les victimes de discriminations, elle n’est manifestement pas complètement appliquée. Plus de 50 % des victimes se taisent. Comment expliquer ce silence ?
Les causes sont multiples. Il y a évidemment la peur : peur de se retrouver au chômage alors que la crise sévit, peur de parler… Mais il y a aussi des explications plus objectives : les délais de traitement, qui peuvent atteindre cinq à six ans, ou encore l’opacité des procédures et leur coût. Il est temps de donner à la justice les moyens de faire appliquer la loi !
Depuis plusieurs années, des associations et des syndicats demandent à pouvoir exercer des actions de groupe. Il s’agit de moderniser la justice française, de l’adapter aux enjeux sociaux contemporains, comme l’ont fait certains pays voisins.
Il est intolérable que ceux qui se livrent à des pratiques discriminatoires restent impunis. Si de nombreuses personnes respectent les droits, d’autres continuent à piétiner le principe d’égalité.
S’il était difficile pour des victimes isolées de se faire entendre, la constitution d’un groupe de victimes permettra de faire le poids face aux auteurs de discriminations. C’est là l’avancée majeure proposée par ce texte.
Si cette loi doit avoir un important effet dissuasif et forcer à une généralisation des bonnes pratiques, elle ne doit pas mener à des débordements. Un tribunal n’est pas une tribune politique. L’objectif de cette procédure est bien l’indemnisation juste des victimes.
Je salue la possibilité future de faciliter la constitution d’un groupe de victimes. Les associations et les syndicats constituent le filtre essentiel pour que la procédure reste sérieuse. Je m’étonne cependant, monsieur le rapporteur, que le Défenseur des droits ne figure pas à l’article 1er de cette proposition de loi. Cela fera sans doute l’objet de discussions futures et d’aménagements ultérieurs.
L’introduction de cette procédure d’action de groupe est salutaire et répond à une demande de longue date de nombreux citoyens et associations. Mais nous devons être attentifs à ce que la justice ait tous les moyens de trancher ces litiges. Dans mon département de Seine-Saint-Denis, les magistrats font face à un manque de personnel et à un allongement des règlements des litiges. Cette nouvelle procédure devrait faciliter le traitement des affaires en regroupant les cas similaires, mais elle doit impérativement s’accompagner de nouveaux moyens. Cela est d’autant plus important que les affaires de discrimination placent les victimes dans une situation d’urgence intolérable.
Chers collègues, je suis très fier d’apporter mon soutien à cette proposition de loi tant attendue. Ce texte est ambitieux, responsable ; en réaffirmant la nécessité de faire respecter le principe d’égalité, il contribuera, j’en suis convaincu, au renforcement du vivre ensemble, si essentiel.