Intervention de Christian Lajoux

Réunion du 5 décembre 2012 à 16h00
Commission des affaires sociales

Christian Lajoux, président de Sanofi-Aventis France :

Je vous remercie, madame la présidente, de nous donner l'occasion de présenter le projet d'adaptation des activités de Sanofi en France à l'horizon 2015. Nous resterons d'ailleurs à votre disposition après cette réunion, comme nous l'avons déjà été pour tous les élus et parlementaires qui nous ont sollicités. Nous mesurons pleinement ce que représente Sanofi en termes d'indépendance stratégique sanitaire pour notre pays : l'ensemble des actions que nous menons en tient compte.

J'organiserai mon exposé liminaire en quatre points. Qu'est-ce que le groupe Sanofi ? Pourquoi ce plan d'adaptation ? Quels sont ses objectifs ? Comment proposons-nous de le mettre en oeuvre ?

Sanofi est un grand groupe international, présent dans cent pays, tant sur le terrain de la santé humaine – les vaccins, les traitements pour le diabète, le cancer, la sclérose en plaques ou les maladies rares – que sur celui de la santé animale.

Notre ancrage en France est important : 28 000 emplois – sur 110 000 dans le monde et 100 000 pour l'industrie pharmaceutique en France –, 50 % des effectifs mondiaux en R&D, quarante-neuf sites dans vingt-cinq départements – dont vingt-six sites de production chimique, biotechnologique et pharmaceutique.

Nous avons deux pôles importants sur le territoire : l'un en région parisienne, avec quatorze sites, dont le siège social, et plus de 9 000 collaborateurs ; l'autre en région lyonnaise, avec 7 000 collaborateurs – nous sommes le premier employeur privé du Grand Lyon.

Je précise que 80 % de l'activité des collaborateurs de Sanofi en France sont destinés à l'exportation ou tournés vers l'international. La France est donc la base internationale du groupe, alors même que le chiffre d'affaires de nos médicaments fabriqués et remboursés dans notre pays est en forte régression depuis 2006 et ne représente que 7 % du chiffre d'affaires total. Au total, la moitié de notre recherche et le tiers de notre production industrielle sont réalisés sur le territoire national.

Pourquoi ce plan d'adaptation de nos activités, dont je précise qu'il est à l'échéance de 2015 – il n'y a eu aucune précipitation. Nous avons trois objectifs : découvrir de nouveaux produits, faire face à la nouvelle concurrence sur les vaccins et simplifier notre fonctionnement interne.

Sanofi est la seule entreprise de cette taille en France dans l'univers de la santé. Or, la santé, comme du reste l'informatique, le numérique ou les télécommunications, est confrontée à des changements considérables.

Nous opérons dans un environnement de plus en plus concurrentiel – notamment au regard des pays émergents – et dans un contexte scientifique en évolution rapide et constante. La complexité de la recherche fondamentale et des nouvelles technologies, telles que les biotechnologies, soulève de nouveaux défis et de nouveaux enjeux : il faut y faire face pour assurer le progrès thérapeutique aux patients, qui constitue notre finalité.

Face à ces bouleversements, les dirigeants de Sanofi ont une double responsabilité : une responsabilité managériale, anticiper le changement et prendre des décisions d'investissements rapides, pour développer des innovations thérapeutiques et maintenir l'activité industrielle ; une responsabilité sociale, indissociable de la première, afin d'accompagner ces adaptations dans les meilleures conditions pour chacun de nos collaborateurs, en ligne avec nos pratiques et nos valeurs.

Les résultats et la performance actuelle de l'entreprise permettent d'exercer pleinement cette double responsabilité.

Le plan, exclusivement basé sur le volontariat, s'articule autour de trois axes : la dynamisation de la R&D, en particulier pour la recherche amont ; la compétitivité des unités industrielles du groupe pour les vaccins, notamment en termes de prix ; la simplification de l'organisation des fonctions de support, pour nous permettre de réagir plus vite.

Cette nécessaire adaptation se place d'ailleurs dans la continuité des évolutions du groupe depuis plusieurs décennies. Je suis au service de Sanofi depuis plus de vingt ans : j'ai travaillé auprès de M. Jean-François Dehecq, puis auprès de M. Christopher Viehbacher, l'actuel directeur général. Nous agissons comme nous l'avons toujours fait : dans le respect de nos collaborateurs et avec le souci permanent d'assurer la pérennité de l'emploi.

Au cours des trois dernières années, l'entreprise a opéré des changements stratégiques pour faire face à la perte des brevets de six de nos sept premiers médicaments, c'est-à-dire plus de 30 % de notre chiffre d'affaires, dans un marché mondial particulièrement difficile.

Sanofi a toujours privilégié son ancrage français en protégeant ses 26 sites industriels et en rapatriant régulièrement de l'activité industrielle sur le territoire national, que ce soit des États-Unis, de Grande-Bretagne, de Hongrie, d'Italie ou d'Espagne.

Le groupe pilote l'ensemble de ses activités mondiales depuis la France, notamment celles relatives aux vaccins et à la santé animale, dont les directions internationales ont été transférées des États-Unis à Lyon en 2011. Il n'y aura, dans le cadre du plan, ni délocalisation, ni réduction du nombre de sites industriels. Connaissez-vous beaucoup de groupes maintenant une telle présence industrielle sur notre territoire ?

Nous conduisons d'ailleurs plusieurs chantiers témoignant de cette volonté d'implantation en France, notamment la construction de deux sites tertiaires : l'un, à Gentilly – d'une superficie de 50 000 mètres carrés, destinés à accueillir plus de 3 000 personnes – dont nous avons posé la première pierre la semaine dernière ; l'autre à Lyon, qui pourrait rassembler 1 600 personnes.

Sur le plan industriel, les investissements du groupe en France se sont élevés au cours des cinq dernières années à plus de 3,5 milliards d'euros, soit la moitié de ses investissements totaux. Ils ont servi en particulier à la reconversion de sites de production chimiques : 200 millions d'euros ont été consacrés à celui de Vitry-sur-Seine – classé Seveso et dont la proximité posait beaucoup de difficultés aux collectivités locales – pour qu'il devienne un site de biotechnologies ; 350 millions d'euros ont été investis à Neuville-sur-Saône dans le cadre d'une démarche volontariste pour préserver l'emploi et adapter le groupe aux nouvelles technologies.

Le premier axe du projet vise à restaurer le taux de succès de notre recherche : aucun médicament significatif n'a été mis au point par Sanofi au cours des dix dernières années ! Sur dix-huit produits en développement avancé, trois seulement sont issus de notre recherche interne ; les autres projets proviennent de nos acquisitions de produits ou de sociétés.

La qualité de nos collaborateurs n'est pas en cause, mais il faut restructurer notre organisation en France : le succès de la recherche mondiale du groupe passe par une simplification et un changement de modèle.

La recherche amont doit être plus ouverte – c'est ce qu'on appelle « l'open innovation » – et coopérative, avec les équipes académiques et les petites entreprises de biotechnologies et de recherche. Nos sites doivent être plus spécialisés, moins redondants, il faut cesser de faire « de tout partout ». Ils doivent aussi intégrer les modes de travail de la médecine translationnelle – de la paillasse ou de l'ordinateur du chercheur au lit du malade – pour accélérer la mise au point des nouveaux médicaments.

Je rappelle que nous avons neuf sites de recherche en France – ce qui est un record –, travaillant souvent à distance sur les mêmes choses.

La spécialisation des activités de recherche à l'horizon 2015 entraînera un recentrage sur Paris, Lyon et Strasbourg. Certaines des activités des sites de Toulouse et Montpellier seraient regroupées à Vitry-sur-Seine, Chilly-Mazarin et Lyon.

Le site de Montpellier évoluera pour devenir un centre stratégique mondial de développement, après la fermeture de nos infrastructures de Bridgewater et Great Valley aux États-Unis.

Lyon deviendra le pôle mondial d'excellence du groupe dans les domaines des maladies infectieuses, des vaccins et de l'antibiothérapie, aux côtés du pôle de compétitivité Lyon Biopole et du nouvel institut de recherche technologique (IRT) Bioaster.

S'agissant de Toulouse, je comprends l'émotion que suscite son avenir. Mais sa vocation n'est pas déterminée à ce jour : afin d'approfondir les différentes options, nous avons proposé que soit constitué un groupe de travail réunissant les représentants de Sanofi – de la direction comme des salariés – et des acteurs publics nationaux et locaux. Les solutions qu'il suggérera seront précisées en marge du projet en cours de discussion. Ces réflexions ne remettent du reste pas en cause la collaboration en cours avec l'Institut Claudius Regaud de Toulouse.

Le second axe du projet vise à améliorer la compétitivité industrielle de Sanofi Pasteur. 97 % des vaccins produits en France sont destinés aux marchés étrangers. Or, les prix pratiqués sur les marchés émergents, où se trouve le potentiel de croissance de nos ventes de vaccins, sont très bas, et les marges s'en trouvent sensiblement dégradées. Certains produits sont même vendus par nos concurrents – qu'ils soient européens ou provenant de pays émergents – à des prix proches de nos coûts de revient industriels.

Enfin, le troisième axe du projet concerne nos activités de ressources humaines et de finances – paye, comptabilité, achats… Celles-ci ne seront ni délocalisées ni externalisées, mais regroupées en deux pôles géographiques, à Paris et à Lyon.

Comment mettons-nous en oeuvre ce plan ? Par le recours exclusif au volontariat, dans la lignée de ce que le groupe a toujours proposé à ses salariés – à leur plus grande satisfaction. Nous proposerons trois types de dispositions : des cessations anticipées d'activité, qui seront offertes à 1 300 collaborateurs ; un dispositif de mobilité externe volontaire, qui pourrait se traduire par le départ de 300 à 400 personnes ; des mobilités géographiques entre bassins d'emploi, prévues à hauteur de 800 postes, dont 500 dans la même région et 300 entre des régions différentes. Des mesures incitatives spécifiques sont prévues. L'expérience montre que le taux d'adhésion à ces dispositifs est de l'ordre de 90 %. D'ailleurs, les salariés de Sanofi les réclament.

Ces dispositifs seront mis en oeuvre dans la transparence, en respectant la volonté des collaborateurs et en concertation avec les partenaires sociaux – auxquels je rends d'ailleurs hommage, car ils nous ont souvent aidés à trouver des solutions à des cas difficiles ou particuliers. Des comités de suivi paritaires seront instaurés à cet effet.

Le solde net des suppressions de postes à l'horizon 2015 serait de 914 en France, soit chaque année d'ici là, 1 % de l'effectif du groupe, ce qui reste très en deçà du taux d'attrition naturelle de la plupart des grandes entreprises du CAC 40.

Étalées sur trois ans, ces mesures seront appliquées avec la volonté de maintenir notre ancrage dans le pays, dans la mesure où nous y trouvons les structures adaptées, l'excellence scientifique et la compétence professionnelle dont nous avons besoin.

En conclusion, je voudrais insister sur trois points.

D'abord, je confirme que Sanofi restera fortement implanté en France, comme en témoigne l'importance des investissements en cours pour la consolidation de notre outil industriel et notre place de premier investisseur de l'hexagone dans les sciences du vivant. Aucune entreprise n'y investit autant dans le domaine de la recherche.

Deuxièmement, le groupe sera un partenaire actif dans la mise en oeuvre du pacte national pour la compétitivité, la croissance et l'emploi, annoncé par le Gouvernement, afin de participer au développement d'une filière d'avenir.

Il restera aussi le partenaire d'une politique dynamique du commerce extérieur – Sanofi a généré plus de 7 milliards d'euros d'excédent commercial en 2011 – et un véritable atelier de recherche et de production dans le domaine de la santé pour le monde entier depuis sa base française. Il a également l'ambition d'être un catalyseur en matière de recherche biopharmaceutique.

Enfin, si le plan a suscité beaucoup de commentaires et d'émotion, il est important de poursuivre le dialogue social pour répondre à l'attente de nos collaborateurs. J'inviterai bientôt l'intersyndicale à une rencontre à ce sujet.

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