Intervention de Benoît Leguet

Réunion du 27 mai 2015 à 9h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Benoît Leguet, directeur de la recherche à CDC Climat :

Je commencerai par quelques précisions complémentaires sur les énergies fossiles.

D'abord, le chiffre de 5 000 milliards de dollars a été cité. Mais attention, ce n'est pas un coût budgétaire : c'est le coût des externalités liées aux subventions aux énergies fossiles. Le coût budgétaire pour les États est d'un autre ordre de grandeur : 500 milliards de dollars.

Ensuite, bien évidemment, une subvention aux énergies fossiles, c'est un prix négatif du carbone. Donc, si l'on veut un prix du carbone, il faut commencer par enlever les prix négatifs. Cela dit, si ces subventions sont mises en place, c'est aussi pour de bonnes raisons, et notamment pour gérer un certain nombre de conséquences sociales.

Maintenant, je vais essayer de faire l'impossible synthèse entre les différentes contributions et questions qui ont été apportées au débat, que je résumerai entre contraintes et innovation, recherche et développement.

Je partirai d'une métaphore. Si l'on est sorti de l'âge de pierre, ce n'est pas parce que l'on était à court de pierres ; il y en a encore beaucoup. On en est sorti grâce à la recherche et à l'innovation, qui nous ont permis de mettre au point d'autres technologies. C'était il y a quelques centaines de milliers d'années. Aujourd'hui, la situation est légèrement différente. Certes, on peut espérer que des technologies vont arriver – technologies « miracles » ou amélioration des technologies existantes. Mais il faudra de toutes les façons sortir du pétrole avant d'en avoir épuisé la dernière goutte. Pour y parvenir, on peut supposer qu'un certain nombre de contraintes seront tout de même nécessaires. Donc ce n'est pas technologie « ou » contraintes, c'est technologie « et » contraintes. Il faut les deux.

J'en viens au Climate Finance Day, évoqué par un certain nombre d'entre vous.

Je tiens tout d'abord à faire une rectification : la Caisse des dépôts n'a pas annoncé qu'elle désinvestissait du charbon ou du fossile. Nous avons pris des engagements qui sont de nature différente, mais qui sont, selon moi, beaucoup plus efficaces.

Nous avons annoncé que nous allions mesurer l'empreinte carbone de notre portefeuille, et rendre public le chiffre avant la fin 2015. Une fois cette empreinte carbone mesurée, nous allons la réduire d'ici à 2020 : de l'ordre de 30 % à 35 % sur le secteur immobilier, et de 15 % sur les infrastructures.

Pour réduire les émissions d'un portefeuille, il y a plusieurs façons de faire. Vous pouvez évidemment vendre des participations carbonées et racheter des participations moins carbonées. Mais si vous travaillez sur le long terme, vous pouvez engager un dialogue actionnarial avec les entreprises dont vous détenez une part du capital et leur demander d'adopter des résolutions climatiques. C'est plutôt cette voie que nous allons privilégier, en engageant un dialogue actionnarial bien compris dans l'intérêt de nos participations et de la gestion du risque. Évidemment, si l'on n'arrive pas à instituer un dialogue actionnarial fructueux, d'autres voies seront sans doute envisagées, comme le désinvestissement ou l'allègement du portefeuille sur certains segments de l'économie. Les engagements qui ont été pris par la Caisse des dépôts visent donc plutôt le long terme. Mais cela commence maintenant.

Par ailleurs, l'un de vous a demandé si la mobilisation des acteurs était suffisante, et comment s'assurer que les engagements seront respectés.

La mobilisation des acteurs est-elle suffisante ? Oui et non. À l'occasion du Climate Finance Day, un certain nombre d'acteurs ont pris des engagements. Est-ce suffisant ? Non, mais c'est un très bon premier pas.

J'observe qu'il y a un an, on n'aurait pas imaginé d'organiser ce genre de manifestation avec les investisseurs, les banquiers, les assureurs et les régulateurs. Mais cette année, la communauté financière est venue, non pas pour parler d'une seule voix car il y a encore beaucoup de discussions d'ordre technique en son sein, mais pour parler de la même chose : climat et carbone.

Il faudra suivre les engagements qui ont été pris. Cela peut demander un peu de matière grise et un peu de technique. Mais je suis confiant sur le fait que les députés, la société civile et de nombreux acteurs nous y aideront.

Enfin, est-ce que l'objectif de 100 milliards de dollars par an est tenable ? Oui, ça l'est tout à fait – reportez-vous aux chiffres que nous vous avons donnés. Ils sont d'ailleurs déjà là. Ou plus exactement, si on veut les trouver, on les trouvera. Reste à savoir où l'on mettra le curseur. Mais encore une fois, ce n'est pas la question posée sur le long terme. Les 100 milliards par an, c'est un geste, un engagement politique. Comme au patinage artistique, c'est une figure imposée. Si l'on rate cette étape, on ne pourra pas continuer. La vraie question est celle des 1 000 milliards ou, en d'autres termes : comment réallouer le capital vers du bas carbone ? Ne nous trompons pas d'objectif.

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