Intervention de Guy Piolé

Réunion du 6 mai 2015 à 16h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Guy Piolé, président de la deuxième chambre de la Cour des comptes :

La Cour des comptes est toujours honorée de venir s'exprimer devant la Mission d'évaluation et de contrôle mais je précise qu'il nous sera difficile de vous donner une vision panoramique et synthétique de ces deux réseaux. En effet, si les CCI et CMA, établissements publics nationaux, relèvent juridiquement du domaine de compétence de la Cour des comptes, ces organismes n'étant pas dotés d'un comptable public, leur contrôle était et demeure facultatif. Ces contrôles ont été, jusqu'à la fin des années 1990, assez peu fréquents. Ce constat ainsi que la proximité des CCI et des CMA avec la vie locale ont incité la Cour des comptes à déléguer ces contrôles aux chambres régionales des comptes, ce qui est devenu possible avec la loi du 21 septembre 2001. Contrairement à ce qui s'est passé pour les chambres d'agriculture ou les universités, la Cour n'a jamais repris cette compétence, non seulement parce que ces organismes sont, par construction, davantage liés au monde local qu'à l'échelon national, mais aussi parce qu'ils ne sont pas de véritables opérateurs des politiques de l'État.

La Cour des comptes a néanmoins conservé le contrôle direct des entités fédératives nationales – l'APCMA pour les chambres de métiers et l'Assemblée française des chambres de commerce et d'industrie (ACFCI), devenue CCI France, pour les chambres de commerce – ainsi que de leur administration de tutelle, la Direction générale des entreprises (DGE). Nous vous présenterons le contrôle effectué sur l'APCMA en 2014. Le contrôle de CCI France ainsi que de la DGE est programmé pour 2015.

Les vingt-cinq chambres régionales et territoriales des comptes ont donc compétence pour contrôler quelque 260 CCI et CMA. Compte tenu du caractère organique et facultatif de ces contrôles effectués chambre par chambre, il nous est difficile de nous situer au coeur de votre démarche synthétique, dans la mesure où les constats et appréciations que nous pourrons formuler au cours de cette audition sont issus d'une collection de rapports individuels et non d'une synthèse nationale, absente du catalogue des juridictions financières.

En outre, les chambres régionales des comptes ont la maîtrise de la programmation de leurs contrôles qui sont décidés en fonction d'un certain nombre de critères, notamment les enjeux financiers de chaque compte. Or, ceux des chambres de commerce et de métiers ne sont pas les plus importants. Les chambres régionales des comptes ont ainsi tendance à procéder pour le contrôle de ces organismes un peu comme pour les contrôles d'associations subventionnées ou de sociétés d'économie mixte, c'est-à-dire des organismes qu'elles ont la capacité de contrôler mais qui ne représentent pas les enjeux les plus élevés en termes de risques. Elles se consacrent dans la limite de leurs moyens à ces contrôles, facultatifs dans la mesure où ces organismes ne déposent pas leurs comptes chaque année à leurs greffes. La production des CRC concernant les chambres de commerce et de métiers est donc ponctuelle.

Par ailleurs, même si elles ont un statut d'établissement public, les CCI et les CMA sont soumises, sur le plan comptable, à des règles qui les rapprochent des entreprises privées. Ainsi, elles ne sont pas soumises à une instruction comptable de type M 9 mais aux principes du plan comptable général et leurs comptes sont certifiés par un commissaire aux comptes. Dès lors, les chambres régionales des comptes apprécient les facteurs de risque en fonction des réserves émises par ces derniers. Or, il ressort du dernier rapport sur la qualité des comptes des administrations publiques d'octobre 2014, que des réserves n'ont été émises que dans 2 % des rapports des commissaires aux comptes portant sur les CCI et dans 12 des 133 rapports de certification concernant les CMA. Encore faut-il préciser, s'agissant de ces dernières, que les réserves sont liées pour l'essentiel, non pas à des irrégularités manifestes, mais au fait que les Centres de formation d'apprentis (CFA), qui doivent tenir une comptabilité spécifique, ne le font pas toujours dans les règles. Globalement, les CCI et CMA ne se signalent donc pas par une qualité comptable dégradée qui justifierait que l'on relève l'échelle de risque.

En outre, le dispositif juridique actuel ne prévoit pas, pour les CCI et les CMA, de mécanismes de signalement analogues à ceux existant pour les collectivités territoriales, dont les préfets, voire les élus, peuvent signaler la situation financière dégradée et demander le contrôle à la Chambre régionale des comptes. L'absence de telles procédures et de sinistres importants explique que les productions récentes des chambres régionales des comptes sur les CCI et les CMA soient assez peu nombreuses.

Les juridictions financières sont toutefois conscientes de l'intérêt qu'il y aurait à dépasser les approches en termes de contrôle organique, assimilables à des monographies organisme par organisme, pour produire des travaux de synthèse. Aussi la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes ont-elles convenu, pour les années à venir – l'arrêté de délégation actuel expirant fin 2015 – de renforcer leur coordination en créant un système de pilotage afin d'orienter la programmation des thèmes de contrôle et, le cas échéant, de produire des études de synthèse.

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