Intervention de Olivier Mousson

Réunion du 6 mai 2015 à 16h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Olivier Mousson, conseiller maître à la deuxième chambre de la Cour des comptes :

Le relevé d'observations définitives sur l'APCMA porte sur les exercices 2006 à 2012. De ce fait, il apporte un éclairage sur les effets de la réforme de 2010, notamment sur la réorganisation du réseau et les efforts de mutualisation, mais il n'analyse pas les résultats des années 2013 et 2014 et la dégradation due au plafonnement des ressources fiscales et aux prélèvements de l'État sur le fonds de roulement.

Ce relevé d'observations définitives a donné lieu à quatre recommandations principales ; les trois premières s'adressent à la fois à l'APCMA et à la tutelle, la dernière exclusivement à la tête de réseau.

En premier lieu, la Cour recommande, et ce depuis le précédent rapport datant de 2007, qu'un contrat d'objectifs et de performance (COP) soit signé rapidement entre l'APCMA et la tutelle et décliné, dans l'ensemble des régions, dans des conventions d'objectifs et de moyens (COM). Ce contrat existe et a été voté par l'APCMA, mais il n'est pas signé et fait toujours l'objet de négociations. En effet, l'APCMA ne veut pas s'engager sur des résultats précis tant qu'elle n'est pas certaine de pouvoir disposer des ressources nécessaires pour son application.

La deuxième recommandation porte sur les économies qui seraient rendues possibles par un rapprochement entre les réseaux consulaires des CCI et des CMA, rapprochement qui a été envisagé dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques (RGPP). Le Premier ministre a exclu, par lettre du 4 mars 2014 adressée à chacun des présidents des têtes de réseau, toute perspective de fusion des deux réseaux. Néanmoins, la Cour considère qu'il existe des sources d'économies, sinon dans la fusion, du moins dans un rapprochement des deux réseaux en simplifiant les formalités demandées aux entreprises, notamment par la dématérialisation des procédures. Dès lors que les craintes des CMA d'être absorbées par les CCI sont apaisées, les unes et les autres pourraient collaborer et échanger des informations, et ce pour le bien des entrepreneurs puisque les artisans cumulent les formalités dans la mesure où ils sont inscrits à la fois au registre des métiers et au registre du commerce.

Les deux dernières recommandations sont directement liées à l'application de la loi du 23 juillet 2010, qui, dans le cadre du processus de réorganisation des CMA, place la chambre régionale au centre du réseau. La Cour recommande que ce processus s'accélère et qu'il soit notamment mis un terme à l'existence des chambres de région partielles. L'APCMA y est prête, incontestablement. Du reste, en 2015, les chambres de région devraient remplacer les chambres de région partielles dans six régions sur treize, mais il faut que les autres s'engagent dans le même processus.

Ensuite, la mutualisation des fonctions support, également prévue dans la loi de 2010, a commencé à être mise en oeuvre par l'APCMA au sein du réseau. La Cour recommande à cette dernière de dresser le bilan annuel, en termes d'efficience et d'économies, de la politique de mutualisation informatique, de la gestion des moyens comptables et des ressources humaines ainsi que du traitement de la paie. Nous considérons que L'APCMA est fondée à réaliser un tel bilan et a les moyens de le faire. Si elle commence à mettre en place les outils nécessaires, elle n'en est pas encore à mesurer les économies, même si elle a, dans ce domaine, des espérances, fondées sur la suppression des sections comptables locales dans le cadre d'un regroupement régional.

En ce qui concerne le réseau des CCI, la Cour dispose de moins d'éléments précis. L'ACFCI avait fait l'objet d'un référé en 2006, d'une insertion au rapport public de 2009 et d'un contrôle portant sur les exercices 2005 à 2009, qui n'a donc pu mesurer l'impact de la réforme de juillet 2010. Un nouveau contrôle de CCI France portant sur les exercices 2010 à 2014 est prévu cette année.

Dans ses observations concernant l'ACFCI, devenue CCI France, la Cour a souligné que cette dernière ne disposait pas des moyens nécessaires pour exercer ses missions de tête de réseau, en raison de son absence d'autonomie financière mais aussi du poids de la CCI Ile-de-France. Le fait que la présidence des deux organismes ne soit plus assumée par la même personne, comme cela a souvent été le cas par le passé, crée en effet un blocage et un problème d'autorité. La question du pilotage stratégique du réseau par CCI France reste d'actualité ; elle se pose moins pour l'APCMA. Cela renvoie à la question plus générale de savoir qui doit piloter le réseau et quel doit être le rôle de la tutelle.

Par ailleurs, d'autres rapports de la Cour, élaborés le plus souvent avec les chambres régionales des comptes, portent sur les missions des réseaux. Nous disposons ainsi d'un rapport sur les dispositifs de soutien à la création d'entreprise, d'une insertion au rapport public sur les écoles de commerce qui dépendent du réseau des CCI, ainsi que d'observations provisoires sur Ubifrance.

Dans son rapport sur les dispositifs de soutien à la création d'entreprise, la Cour recommande de préciser les missions des chambres consulaires, en particulier des CCI, en matière d'orientation et d'accompagnement des porteurs de projet et de déterminer des conditions financières cohérentes avec la définition du rôle des CCI par rapport aux autres acteurs. Depuis la publication du rapport, un contrat d'objectifs et de performance a été signé avec l'État, qui comporte des indicateurs de résultats de l'action du réseau en matière de création d'entreprises. Toutefois, ce contrat doit maintenant être décliné dans des conventions d'objectifs et de moyens régionales. Or, le rapport de la Cour souligne la diversité des situations selon les régions.

Dans son insertion au rapport public de 2013 sur les écoles supérieures de commerce et de gestion, la Cour souligne, comme elle l'avait fait en 2002, l'absence de cohérence et de détermination de la fonction de pilotage et de contrôle des écoles en raison de la double tutelle des ministères de l'économie et de l'enseignement supérieur. Par ailleurs, la baisse notable du financement des écoles par les CCI implique que ces écoles changent de modèle économique. Ainsi la Cour recommande-t-elle que leur statut soit adapté au nouveau contexte. Peut-être faut-il envisager la suppression, la fusion, voire le rachat par des acteurs privés, de certaines écoles. Nous sommes là au coeur du sujet de la baisse des ressources.

Enfin, dans le relevé d'observations provisoires sur Ubifrance, la Cour fait deux recommandations qui concernent directement le réseau des CCI : Ubifrance doit clarifier et organiser le travail en commun avec les CCI afin de limiter les actions concurrentes et calibrer ses modalités d'intervention à l'étranger en fonction de la place occupée par les Chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger (CCIFE). Il est vrai qu'Ubifrance ne fait guère d'efforts pour travailler avec les CCI, et la situation ne semble pas s'améliorer. Il est intéressant de noter que la continuité du réseau consulaire, entre les chambres territoriales et les CCIFE, a été renforcée, ce qui a tendance à solidifier ce réseau par rapport à celui de l'État et à celui des régions. Il faut donc qu'ils se répartissent le travail. Les forces vives se trouvent dans les territoires et nulle part ailleurs ; une liaison avec l'appui à l'international est donc nécessaire. Par ailleurs, dans les pays où il n'a pas les moyens d'être présent, l'État doit dire clairement aux CCIFE : « A vous de jouer ! » L'État est prêt à accorder une délégation de service public à des CCIFE. Encore faut-il que les coûts soient transparents, ce qui est rarement le cas. Alors qu'Ubifrance est subventionnée à 80 %, les CCIFE ne disposent d'aucune subvention.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion