Intervention de éric Charbonnier

Réunion du 5 décembre 2012 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

éric Charbonnier, analyste à l'Organisation de coopération et de développement économiques, OCDE :

Il est agréable d'entendre que la nécessité de donner la priorité à l'enseignement primaire fait consensus. Cela n'était pas vrai il y a une dizaine d'années.

L'étude PISA – Programme for international student assessment – de l'OCDE montre que le système d'éducation français est non seulement de niveau moyen, mais surtout de plus en plus dichotomique : si un tiers des enfants de quinze ans sont de bons élèves, 20 % sont en échec scolaire. De surcroît, cette dernière proportion tend à croître, puisqu'elle n'était que de 15 % il y a dix ans – une augmentation d'un tiers. Enfin, la France est le pays dans lequel les inégalités sociales constituent le premier facteur d'échec scolaire.

Il est vrai que l'étude PISA est menée auprès d'élèves scolarisés au collège ou dans les premières classes de lycée. Mais ce que l'on observe dans cette tranche d'âge est le fruit d'inégalités sociales présentes dès l'école primaire – comme le montrent d'ailleurs les études internationales consacrées à l'évaluation de cet enseignement.

Il est donc vraiment nécessaire d'investir dans le premier degré. Certes, les sommes que la France dépense en faveur des enseignements primaire et secondaire, pris ensemble, se situent dans la moyenne des pays de l'OCDE. Mais si l'on distingue les deux niveaux, on observe une grande différence, qui peut expliquer une partie des difficultés : dans le primaire, la dépense par élève est inférieure de 17 % à la moyenne de l'OCDE, tandis que dans le secondaire, elle est supérieure de 15 %.

Étant acquis que le système d'éducation français n'est pas dépourvu de moyens, il faut certes investir davantage en faveur du primaire, mais il faut également réfléchir à l'efficacité de la dépense. À cet égard, les comparaisons internationales effectuées par l'OCDE peuvent encore apporter des éléments utiles.

Elles montrent ainsi que le réseau des écoles maternelles fonctionne bien : à l'âge de trois ans, quasiment tous les enfants de France y sont inscrits, de sorte que notre pays connaît l'un des meilleurs taux de scolarisation précoce de l'OCDE. C'est un élément positif à porter au crédit de notre système d'éducation – même si le taux de scolarisation à deux ans a légèrement baissé ces dernières années.

En revanche, une réflexion doit être menée sur certains points fondamentaux : les rythmes scolaires, la formation des enseignants, les méthodes pédagogiques – en particulier la pratique du redoublement.

La formation des enseignants est, selon moi, un des aspects les plus importants de la refondation de l'école primaire – mais aussi, d'ailleurs, de celle du secondaire. Dans ce domaine, la France est dans une situation assez atypique par rapport aux autres pays de l'OCDE, non pas à cause du niveau de diplôme exigé de ses enseignants – avec un master, ils n'ont rien à envier, en termes de qualification, à leurs collègues étrangers –, mais en raison du contenu de la formation, trop académique. Il faudrait donner plus de place à la formation pédagogique qui, aujourd'hui, n'intervient qu'après les épreuves du concours. Nos enseignants sont sélectionnés sur leur connaissance des matières et ce n'est qu'ensuite qu'ils abordent la pédagogie tandis que, dans la plupart des autres pays, celle-ci est enseignée dès le début de la formation et fait partie des critères de sélection pour accéder au métier.

À cet égard, la Finlande, qui a réformé son système éducatif dans les années 1970, constitue un modèle de juste équilibre entre compétences académiques et pédagogiques.

La réflexion doit également porter sur l'affectation, car les jeunes enseignants sont souvent parachutés dans les établissements les plus difficiles. L'âge moyen du personnel enseignant en zone d'éducation prioritaire (ZEP) est statistiquement beaucoup moins élevé que celui des enseignants exerçant ailleurs. Il faut donc trouver les moyens d'aider ces nouveaux professeurs à exercer leur métier, grâce au tutorat ou à la formation continue.

Quant au redoublement, toutes les études internationales démontrent son inefficacité. En général, il ne faut en effet que deux ou trois mois pour qu'un élève sache qu'il va redoubler son année scolaire. Dès lors, incapable de rattraper son retard, il va très vite décrocher. Or, même si la pratique tend à diminuer depuis trente ans, 38 % des élèves français âgés de quinze ans ont redoublé au moins une fois au cours de leur scolarité. Dans les pays de l'OCDE, la moyenne est de 13 %. Les pays les mieux placés dans les résultats de l'enquête PISA sont d'ailleurs, en général, ceux qui ont adopté des méthodes destinées à réduire le redoublement, méthodes fondées sur l'individualisation de l'enseignement, sur le soutien scolaire et sur la prise en compte des difficultés des élèves.

Enfin, les rythmes scolaires, dont on parle beaucoup ces temps-ci, sont aussi un élément de la réforme à conduire, même si ce n'est sans doute pas le plus important. Il faut dire que la France présente, dans ce domaine également, un profil atypique : dans l'enseignement primaire, l'année scolaire comprend 35 semaines de cours et la semaine de classe y est de quatre jours, contre 38 semaines et quatre jours et demi ou cinq jours dans la plupart des pays de l'OCDE. Une réflexion sur les rythmes scolaires est donc justifiée, mais elle ne peut suffire. Plus généralement d'ailleurs, on peut douter de l'efficacité d'une réforme qui ne s'attaquerait pas à tous les points que je viens d'évoquer.

Pour résumer, tout n'est pas noir dans notre système d'éducation, qui compte de bons élèves et des ressources utiles comme l'école maternelle. Mais il n'a pas fait l'objet de réformes suffisantes, notamment s'agissant de combattre l'échec scolaire et les inégalités sociales.

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