N'étant pas de ceux qui pratiquent le catastrophisme en matière scolaire, je reste persuadé, comme M. Yves Durand, que notre école ne va pas si mal. De là à affirmer que tout va bien, il y a un pas que je ne franchirai pas.
La priorité donnée à l'école primaire, maternelle et élémentaire fait consensus. J'ai d'ailleurs remis en 2010 un rapport au Premier ministre – « Quelle direction pour l'école du XXIe siècle ? » – dont les préconisations me semblent toujours d'actualité.
L'histoire récente de l'école a été rythmée par l'adoption, tous les quinze ans environ, de grandes lois d'orientation et de programmation : loi Jospin de 1989, qui organisait les cycles d'enseignement dans le primaire, loi Fillon de 2005, qui instituait le socle commun de connaissances et de compétences et qui n'est aujourd'hui appliquée qu'à moitié – comme vous l'avez noté, monsieur Delahaye, il faut du temps pour que les enseignants s'approprient de telles réformes, pour que tous en comprennent bien le sens.
Selon moi, le seul enjeu qui vaille est de réduire significativement la proportion des élèves – 15 % aujourd'hui – qui sortent du système scolaire sans aucune qualification, ces « enfants en grande détresse scolaire », comme les qualifie M. Peillon. Nous en avons l'obligation. M. Bigorgne a parlé de « réussite pour tous » : c'était justement l'objectif, très ambitieux et très difficile à atteindre, affiché dans la loi Fillon. À cet égard, le socle de connaissances et de compétences est un outil primordial.
On a beaucoup discouru sur les aides individualisées, notamment sur les RASED – réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté –, mais sans qu'aucune véritable évaluation de ces dispositifs soit jamais réalisée pour en vérifier l'efficacité auprès des élèves. On se contente d'affirmer que les redoublements ne servent pas à grand-chose, ce que je suis tout à fait prêt à admettre. Mais il faut aussi avouer qu'une évaluation portant sur le socle de connaissances et de compétences constituait une tâche complexe, qui a découragé de nombreux enseignants.
Je ne crois pas que la réforme des rythmes scolaires constitue la réponse aux problèmes que rencontre notre système d'éducation. Pour autant, il faudra bien s'y attaquer.
Je tiens à évoquer le programme PARLER – Parler, apprendre, réfléchir, lire ensemble pour réussir – mené par Michel Zorman à Grenoble. Cette expérience, réalisée sur trois ans, de la grande section de maternelle au CE1, a permis de diviser par deux la grande difficulté scolaire. Dans un tel cadre, le principe « plus de maîtres que de classes » me semblerait prendre tout son sens, d'autant que les bons élèves bénéficient tout autant de ce programme que les moins bons.
La capacité pour les écoles de s'organiser de façon autonome, sujet abordé par M. Benoist Apparu, est selon moi une question très importante, d'ailleurs liée à celle du statut des directeurs d'école, qui appelle des réponses rapides. Et dans la mesure, monsieur Delahaye, où la plupart des écoles comptent moins de dix classes, il faudra sans doute poser également le problème du regroupement scolaire.
Quant à la formation des maîtres, elle est évidemment une des clés de la réussite de la réforme. En dépendent aussi pour une bonne part aussi bien l'accueil en maternelle que l'accueil des enfants handicapés dans les écoles.
Enfin, les projets d'école doivent s'articuler avec ceux des collectivités territoriales. Cette question devra donc être abordée en concertation avec elles, dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires.