Si nous apportons la preuve qu'un individu a rejoint en Syrie Jabhat Al-Nosra ou l'État islamique, l'infraction est constituée, qu'il ait fait la vaisselle ou tenu un fusil, puisque ce sont des groupes terroristes. Ensuite, pour évaluer la dangerosité des personnes, comme le demandera le tribunal, il existe des critères objectifs. Les éléments que je demande à connaître dans le dossier judiciaire d'un individu arrêté pour activités terroristes en Syrie sont les suivants : l'ancienneté et le degré de radicalisation ; la volonté ou la tentative de départ pour le djihad précédemment ; l'expérience du djihad précédemment ; le groupe rejoint ; la durée du séjour ; enfin, ce qu'il a fait là-bas – entraînement, combat, participation à des atrocités.
Il se trouve qu'à ce dernier sujet, certains parlent, et parlent beaucoup des autres, pour se dédouaner eux-mêmes. Nous leur montrons des planches-photos ; souvent, ils disent avoir rencontré en Syrie tel individu ou tel autre, qui aurait par exemple participé à telle exécution publique. En outre, certains se vantent de leurs faits d'arme sur Facebook, et la DGSI fait des notes. La présomption de culpabilité est, dans les faits, évidente quand une personne part pour la Syrie, même si elle a été arrêtée par les Turcs avant de franchir la frontière. Certains ont menti à leur famille en prétendant partir en Tunisie, d'autres écrivent à leur employeur en expliquant qu'ils ne reviendront pas … tout cela permet de constituer un dossier. Pour l'instant, au terme d'un long travail, nous parvenons tant bien que mal à réunir les preuves. Le problème, je l'ai dit, sera beaucoup plus compliqué lorsqu'ils seront retournés à la clandestinité, quand nous n'aurons plus d'informations ouvertes.