Vos questions confirment la nécessité de refonder l'école.
Il faut cependant bien voir que les effets de certaines réformes ne se font sentir qu'à long terme quand d'autres donnent des résultats immédiats. Les investissements considérables que le Portugal a consacrés à la lutte contre l'échec scolaire lui ont permis d'améliorer la situation en cinq ans ; en revanche, la réforme de la formation des enseignants finlandais, préparée depuis 1971 mais décidée formellement en 1979, n'a conduit aux performances aujourd'hui unanimement saluées qu'au bout de vingt ans. Les bienfaits qu'un système d'éducation peut attendre d'une réforme aussi fondamentale que celle de la formation des enseignants ne sauraient en effet se faire sentir que progressivement.
Dans ce domaine, d'ailleurs, il ne faut pas parler d'un modèle scandinave, mais uniquement d'un modèle finlandais, les autres pays nordiques ne pouvant faire état de succès aussi exceptionnels. En Finlande, les enseignants sont recrutés, en partie sur les résultats qu'ils ont obtenus à l'équivalent du baccalauréat – le matriculation exam –, mais également sur la base d'entretiens individuels destinés à détecter les candidats qui ont la vocation. Ils sont en outre mis en situation, afin de tester leurs capacités pédagogiques. On voit combien ce système de recrutement se différencie du concours français, où seules les compétences académiques sont évaluées pour décider de l'admissibilité. Ces connaissances sont certes importantes, mais il faut absolument que nos enseignants soient formés à la pédagogie. Leurs collègues finlandais sont, eux, formés à créer leurs propres supports de cours, à évaluer les difficultés des élèves et à y remédier, et à mesurer leur progression au cours de l'année scolaire. Ils travaillent en équipe et échangent de façon très régulière avec le chef d'établissement et avec les autres enseignants.
Une réforme de la formation des enseignants ne saurait faire l'économie d'une réflexion sur le rôle du directeur d'école dans le primaire et des chefs d'établissement dans le secondaire. Dans ce domaine, la Finlande a fait le choix de la décentralisation : le rôle des municipalités y est beaucoup plus important que chez nous et les chefs d'établissement y sont à la fois des enseignants et des managers responsables des résultats de leur école. Un tel choix est cependant beaucoup plus difficile à faire en France.
Il est clair que l'investissement doit se concentrer sur le premier degré, si on veut combler son retard sur le secondaire en termes de moyens. Cela ne signifie pas qu'il faut enlever à l'un pour donner à l'autre : une réforme du primaire réussie permettra des économies dans le secondaire, en réduisant par exemple le nombre des redoublements qui nous coûtent quelque deux milliards d'euros par an. C'est la raison pour laquelle je crois que la réforme peut être réalisée à budget constant.
Je crois également que, sans aller jusqu'à la décentralisation, la réforme ne doit pas être uniforme, certains établissements ayant besoin de plus de moyens que d'autres. Cela vaut notamment pour la taille des classes. Les études de l'OCDE montrent que le système scolaire tire plus de bénéfice de l'amélioration de la formation des enseignants que de la réduction du nombre d'élèves par classe. En effet, une meilleure formation des enseignants bénéficie à tous les établissements du pays, alors qu'une réduction de la taille des classes ne s'impose que dans certains, les autres étant à même d'assurer sans cela le succès de leurs élèves. Et ce qui ressort de toutes les interventions, c'est que ce sont les établissements les plus défavorisés qui ont besoin de moyens supplémentaires, d'enseignants expérimentés, voire d'un directeur aux compétences renforcées.