Intervention de Farhad Khosrokhavar

Réunion du 10 février 2015 à 11h00
Commission d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes

Farhad Khosrokhavar, directeur de recherche à l'école des hautes études en sciences sociales :

Nous terminons actuellement une étude sur les classes moyennes qui se réclament de l'islam, en particulier sur les Maghrébins et sur les Turcs, qui constituent la grande majorité des musulmans de France. Elle montre que le discrédit qui frappe le CFCM est quasi unanime : sur la cinquantaine de personnes avec lesquelles nous avons mené un entretien de deux à trois heures, une ou deux seulement ont exprimé une forme de neutralité bienveillante à son égard. Cette désaffection tient non seulement à la nature de l'institution et au fait qu'elle a été créée « par le haut », mais aussi à l'incapacité des musulmans de s'associer « par le bas » pour construire une forme de représentation, ne serait-ce qu'en raison de la diversité de leurs origines. Il faudra trouver, à terme, une formule qui fasse consensus parmi ces groupes hétérogènes. Dans la mesure où nous ne disposons pas d'autre instance représentative, cela me paraît une bonne idée d'utiliser le CFCM, mais nous devons être conscients des limites de l'exercice.

J'ai établi une relation non pas entre emploi et délinquance, mais entre délinquance et radicalisation. Je reconnais volontiers le bien-fondé de vos propos, monsieur Fenech : il n'y a pas de relation de cause à effet entre chômage et délinquance. En revanche, je maintiens ce que j'ai dit : il y a une relation quasi linéaire, une concaténation forte entre délinquance et radicalisation. Jusqu'à ce jour, la quasi-totalité de ceux qui ont commis des actes violents au nom du djihad étaient issus des banlieues et avaient été des délinquants : Khaled Kelkal en 1995 ; Mohammed Merah en 2012 ; Mehdi Nemmouche à Bruxelles en 2014 ; les frères Kouachi et Amedy Coulibaly en janvier 2015. Cela étant, avec l'afflux des jeunes des classes moyennes vers le djihadisme, nous risquons d'avoir quelques surprises à l'avenir.

S'agissant de la surpopulation carcérale, je ne me prononcerai pas sur l'opportunité d'utiliser telle expression plutôt que telle autre. Pour ma part, je ne vois aucune objection à parler de « sous-équipement carcéral » ou de « sous-effectif ». Je voulais simplement dire qu'il y a trop de prisonniers par rapport au nombre de places disponibles au sein de l'institution carcérale.

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