Je suis assez d'accord avec vos remarques, monsieur Fenech.
Au cours de l'histoire, les prisons françaises ont déjà accueilli des terroristes, notamment basques ou corses. Mais il existait alors une frontière entre cette catégorie de détenus et la délinquance de droit commun. Or, avec les phénomènes que nous observons depuis quelques années et que vous avez très justement décrits, cette frontière a complètement disparu : certains délinquants deviennent djihadistes, se radicalisent ou entendent pratiquer un islam très dur dans les prisons.
Il est également exact que ces jeunes délinquants n'éprouvent pas de choc à leur entrée en prison. Cependant, il faut voir que très peu d'entre eux sont des primo-entrants : beaucoup ont déjà été condamnés plusieurs fois à des peines de prison avec sursis – sursis simple ou sursis avec mise à l'épreuve – ou ont été suivis par un service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) avant qu'un tribunal ne prononce finalement une peine de prison ferme à leur encontre. Ils s'attendent donc à aller en prison ou bien connaissent d'autres jeunes qui y ont déjà séjourné.
Vous vous êtes montré circonspect en ce qui concerne la détention séparée des profils radicaux. Actuellement, très peu de détenus sont placés à l'isolement, c'est-à-dire seuls tant dans les cours de promenade que dans leur cellule. Pour ma part, j'estime qu'il faut écarter du reste des détenus ceux qui sont les plus radicaux et qui peuvent exercer une influence sur les plus vulnérables. Je me prononce donc pour les quartiers d'isolement.
S'agissant des détenus les plus fragiles qui se sont radicalisés, je suis favorable à une expérimentation. Il convient d'évaluer celle qui est en cours à la maison d'arrêt de Fresnes. Le Gouvernement a prévu de créer cinq quartiers dédiés sur ce modèle en France. À cet égard, vous avez soulevé le problème de fond : sur quels critères allons-nous nous appuyer pour orienter les détenus vers ces quartiers ?
Enfin, vous avez souligné avec raison le rôle majeur des surveillants. Ceux-ci disposent d'outils intéressants, notamment de cahiers électroniques de liaison qui permettent de suivre, de manière très précise, la vie quotidienne de chaque détenu. Vous avez aussi évoqué la surpopulation et le sous-équipement carcéral. L'administration pénitentiaire maîtrise de moins en moins la situation dans les établissements pénitentiaires, notamment dans les grandes maisons d'arrêt. Au fil du temps, une sorte de laxisme s'est installé. Aujourd'hui, les surveillants ont beaucoup de difficultés à faire respecter les règles. Il faut que nous parvenions à l'encellulement individuel, ce qui implique de créer de nouvelles places de prison. D'autre part, cette situation soulève la question de l'exécution des peines : les magistrats doivent exiger que les peines qu'ils prononcent soient exécutées. Dans une démocratie, il n'est pas acceptable que tel ne soit pas le cas.