Pour préciser le dernier propos de M. Bigorgne, je rappellerai qu'un professeur d'école gagne 2 500 euros en fin de carrière.
Une mise au point, pour commencer : nous ne traitons ce matin que du premier degré et de la petite enfance, mais la refondation de l'école sera une réforme d'ensemble, qui ne se limitera pas à ces sujets. En outre, toutes les mesures ne seront pas comprises dans le projet de loi à venir : il y en aura bien d'autres, comme vous le verrez lorsque le ministre présentera l'agenda de cette refondation, dans quelques jours.
Comme cela a été dit, la réforme de la formation des professeurs s'inscrit dans le temps long. Les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE) ont vocation à réintroduire dans notre pays une formation professionnelle des maîtres. Elles dispenseront une formation commune à tous les futurs enseignants : qu'ils soient appelés à exercer en maternelle, à l'école élémentaire, au collège, au lycée ou dans le supérieur, des modules communs leur donneront l'occasion d'apprendre à se connaître et leur permettront d'acquérir une vision d'ensemble du système éducatif. C'est dans ce cadre qu'ils seront formés, par exemple, à l'accueil des enfants en situation de handicap. Cet accueil est actuellement très insuffisant, en dépit de beaucoup de bonne volonté : c'est qu'il s'agit de situations professionnelles particulières, qu'il faut savoir gérer. C'est également dans ce cadre que sera dispensée une formation à l'évaluation, jusqu'ici absente de la formation des enseignants alors qu'il s'agit d'une composante essentielle de leur métier.
Ces ESPE auront un budget propre, intégré au budget de l'université, et les ministres compétents, c'est-à-dire le ministre de l'éducation nationale et le ministre en charge de l'enseignement supérieur, pourront leur affecter directement des crédits ou des emplois. Les moyens seront donc au rendez-vous.
Après moult discussions, ouvrir le concours de recrutement aux étudiants en fin de première année de master est apparu comme la moins mauvaise solution. Refusant une formation « séquentielle », où la professionnalisation viendrait après l'acquisition des connaissances académiques, nous voulons faire en sorte que ce concours s'inscrive dans une entrée progressive dans le métier. Il est certes légitime qu'on s'assure que des connaissances de base sont acquises, en particulier par les futurs professeurs des écoles, nécessairement polyvalents, mais le concours devra également être un élément du parcours de professionnalisation. Celui-ci comprendra, dès les emplois d'avenir « professeur » et à chaque étape du cursus universitaire, des éléments permettant d'acquérir progressivement cette professionnalisation, par des contacts de plus en plus importants avec le « terrain », écoles, collèges et lycées, sous formes de stages – d'abord d'observation, puis en pratique accompagnée, enfin en responsabilité.
Nous voulons également renforcer la professionnalisation des 850 000 enseignants déjà en poste, pour lesquels la formation continue est aujourd'hui très déficiente. À ce propos, ce n'est pas tant le nombre des conseillers pédagogiques qui a diminué que le réseau des maîtres formateurs, qui a été en partie abîmé ces dernières années. Il y a un gros travail à faire pour le reconstituer dans le premier degré et le constituer dans le second degré, où il n'existe pas.
En ce qui concerne les rythmes de l'enfant, l'objectif de la réforme est bien d'instaurer un temps éducatif global, qui intègre, à côté du temps scolaire, le temps périscolaire. Le projet éducatif territorial sera l'outil majeur en la matière. La loi n'en fera pas une obligation, mais incitera fortement les collectivités locales à en élaborer un. Il englobera, à côté de la dimension scolaire, le travail avec les familles et avec le réseau associatif, notamment avec le réseau d'éducation populaire.
Cette réforme des rythmes est en cours pour l'école primaire. Elle sera engagée à la rentrée 2013, certaines communes ayant la possibilité de la reporter à 2014. Comme certains d'entre vous l'ont observé, l'organisation de l'année scolaire n'a pas été touchée. Cependant, comme le rapport annexé à la loi le précisera, il n'est pas exclu que, dans une deuxième étape, la réforme s'étende à ce point. De la même manière, la réflexion sur les rythmes scolaires s'étendra au collège et au lycée. On ne peut pas en effet se limiter à constater, après comparaison avec les pays équivalents au nôtre, que les lycéens français sont ceux qui ont les horaires les plus chargés. Il ne s'agira pas de réduire leur temps de présence dans leur établissement, mais modifier la répartition de ce temps entre travail personnel, éventuellement accompagné, et heures de cours. Ce sera donc une réforme à visée pédagogique, même si nous courons le risque d'être suspectés de chercher sous ce prétexte une réduction des moyens.
Je confirme que nous allons repenser le socle commun de connaissances et de compétences, même si beaucoup de ses éléments méritent d'être conservés. Il ne serait pas anormal, par exemple, d'y intégrer l'éducation physique et sportive, qui n'y figure pas en tant que telle.
Nous comptons également repréciser les étapes de la scolarité où les élèves doivent être évalués. Il n'est pas question de se priver des évaluations nationales en CE1 et en CM2. Il ne sera cependant pas nécessaire de faire remonter systématiquement toutes les données de l'ensemble des écoles, les pilotages national et académique pouvant s'appuyer sur des synthèses par échantillons. De plus, nous fournirons aux écoles les outils de ce que nous appelons « évaluations-diagnostics », afin de permettre aux enseignants de construire leur progression pédagogique.
Nous partageons votre souci d'une vision globale de l'accueil de la petite enfance. Vous avez évoqué les classes passerelles : nous suivons avec beaucoup d'attention cette expérimentation d'un mode d'accueil des enfants de moins de trois ans, et cette formule pourra faire partie des solutions locales de scolarisation précoce. Dans les zones où nous estimons que la scolarisation des moins de trois ans est prioritaire, ces enfants seront évidemment comptabilisés dans les effectifs. Enfin, la question de la scolarisation en zone rurale particulièrement défavorisée retiendra particulièrement notre attention.
Je vous confirme que nous allons travailler sur les cycles scolaires. Il y aura bien un cycle CM2-sixième, en vue d'une meilleure articulation entre école et collège. Par ce moyen, par la constitution d'un conseil école-collège et par les retouches que nous apporterons au socle commun, nous nous attachons à établir une cohérence entre ces deux niveaux sur le plan pédagogique. Et si nous y parvenons, soyez assurés que la nécessité de traduire cette cohérence dans les structures s'imposera alors comme une évidence.
L'utilité et l'importance des RASED ne font pas de doute pour nous. Ces réseaux jouent un rôle majeur dans l'aide aux élèves en difficulté. Le nombre des maîtres E et des maîtres G a été réduit de 45 % ces dernières années. Nous comptons recréer progressivement des postes, mais aussi évaluer le dispositif. Le ministre a d'ailleurs déjà demandé à l'Inspection générale de l'éducation nationale de dresser un bilan de son fonctionnement et les personnels concernés sont disposés à participer à ce travail. La réflexion pourrait par exemple porter sur les modalités de leur intervention : celle-ci doit-elle systématiquement conduire à extraire l'élève de sa classe, plutôt que d'être conduite en collaboration avec le maître habituel ?
Vous avez évoqué la nécessité de la confiance. Les personnels de l'éducation ne sont pas des exécutants, mais des cadres capables d'initiative. Il faut en conséquence leur confier des responsabilités et ne pas hésiter à laisser des marges de manoeuvre aux établissements. La difficulté, c'est que les écoles ne sont pas des établissements autonomes sur le plan administratif et budgétaire. On voit donc que s'ouvre devant nous tous un vaste champ à défricher : des questions comme celle de l'autonomie des écoles ou des missions de leurs directeurs devront nécessairement être traitées dans les prochaines années.
Enfin, nous devons, avec les élus, avec les parents et avec les personnels enseignants, travailler à ce que la scolarité soit de la même qualité qu'ailleurs dans les zones rurales. Il est probable que, dans certaines, l'époque des regroupements pédagogiques dispersés est désormais révolue et qu'il faut – très progressivement et après concertation – aller vers la constitution de pôles éducatifs, susceptibles d'améliorer le service rendu aux populations. Cela étant, nous ne saurions en faire une règle.
Quant aux inégalités dont souffrent nos zones urbaines, j'inverserai les termes de la question : comment imaginer que l'école pourrait à elle seule assurer la mixité sociale en son sein, dans un territoire national de plus en plus compartimenté et où l'écart entre les différentes catégories de la population ne fait que se creuser ? Dans notre pays, où le collège est théoriquement unique, environ 6 % des collèges comptent dans leurs effectifs plus de 60 % d'élèves issus de milieux défavorisés, cependant que d'autres, exactement dans la même proportion, accueillent 60 % d'enfants de milieux favorisés : quand on visite ces établissements, on n'a pas forcément le sentiment qu'ils appartiennent à la même République ! Comment demander à nos enseignants d'obtenir les mêmes performances d'élèves dont les origines sont aussi disparates ? Cependant, l'école prendra toute sa part dans la réduction de ces disparités ; nous avons beaucoup à faire pour améliorer le fonctionnement de nos établissements et notre offre de formation. Mais, je le répète, l'éducation nationale seule ne pourra évidemment pas tout faire.