Intervention de Philippe Capon

Réunion du 10 mars 2015 à 10h00
Commission d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes

Philippe Capon, secrétaire général de l'UNSA Police :

Nous vous ferons parvenir des contributions au titre de l'UNSA Police mais également au titre de la Fédération autonome des syndicats du ministère de l'intérieur (FASMI), ainsi que le travail réalisé avec nos collègues du SCPN.

La police estime qu'il est nécessaire de se doter de moyens humains comme matériels. À l'occasion des différentes réformes engagées ces dernières années, nous nous sommes rendu compte qu'on avait perdu un certain nombre de « sachants », de collègues qui travaillaient dans la filière du renseignement, en particulier aux renseignements généraux. Nous estimons, sans vouloir nous faire critiques au-delà du raisonnable, qu'en créant la sous-direction de l'information générale (SDIG), on a fait des collègues issus des RG les « concierges » du renseignement, auxquels ne sont pas forcément confiées les missions les plus intéressantes… Beaucoup ont quitté ces filières du renseignement, lesquelles constituent vraiment un métier qui doit offrir un vrai déroulement de carrière – ce qui n'est pas forcément le cas actuellement : pour obtenir de l'avancement, on est parfois obligé de quitter le renseignement.

Nous sommes par ailleurs préoccupés par le manque d'effectifs et par le fait que le recrutement annoncé par le Premier ministre et le ministre de l'intérieur aura pour effet de diminuer le nombre de primo-intervenants sur la voie publique. En effet, à chaque fois que nous allons récupérer un fonctionnaire dans le renseignement, on va en enlever un sur la voie publique pendant un an ou un an et demi. On va ainsi perdre 1 100 fonctionnaires primo-intervenants alors que la voie publique est déjà quasiment exsangue en la matière.

Nous sommes favorables à une doctrine du renseignement englobant l'ensemble des services. Nous plaidons également pour une coopération interservices et pour la coordination du renseignement, qui peut faire défaut tant elle se révèle compliquée, entre, notamment, la DGSI – dont il faut d'urgence renforcer les groupes de surveillance –, le SCRT, qui dépend de la DGPN, l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT), sans oublier la DRPP qui jouit d'une certaine autonomie. Du fait de cette complexité, les échanges d'informations entre les différents services ne vont pas de soi.

Nous demandons en outre que le secret défense soit la règle pour tous les agents travaillant dans le renseignement avec l'octroi, pour eux, de moyens sécurisés, d'une protection, la distinction entre l'intervention et la surveillance étant bien opérée – notons que nous ne disposons pas, en province, de groupes de filature spécialisés.

En matière de filature et de surveillance, nos collègues prennent de nombreux risques personnels – le cas de la sonorisation a déjà été évoqué. Ils manquent d'une protection juridique. Le travail avec les opérateurs– le problème que nous rencontrons avec EDF a été mentionné tout à l'heure – est parfois impossible, comme avec Numéricâble.

Un grand nombre de collègues policiers affectés dans le renseignement totalisent entre 1 000 et 4 000 heures supplémentaires ; elles ne sont pas payées et ne sont quasiment plus récupérables vu l'intensité du travail en ce moment, ce qui conduit à une certaine démotivation, renforcée par de longues missions au cours desquelles les policiers en sont parfois de leur poche pour l'hébergement et les repas.

Nous souhaitons qu'une formation spécifique soit donnée au sein d'une académie du renseignement que pourrait intégrer l'ensemble des policiers travaillant dans le renseignement, qu'ils viennent de la DGSI, du SCRT ou autres.

Il convient en outre d'améliorer l'interconnexion des fichiers car, aujourd'hui, le policier est obligé de consulter tous les fichiers pour obtenir des renseignements – c'est à la fois inefficace et chronophage.

La coopération avec les services pénitentiaires doit elle aussi être renforcée.

Je ne reviens pas sur internet, partageant tout ce qu'ont dit mes collègues.

J'insiste, reprenant le début de mon intervention, sur la fidélisation du savoir et des collègues dans le renseignement. En effet, la présence de policiers qui ont la mémoire du renseignement fait cruellement défaut aujourd'hui – absence qui pourrait en partie expliquer certains problèmes survenus ces derniers mois ou ces dernières semaines.

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