Avant l'installation de cette commission parlementaire, notre organisation avait créé une cellule chargée de réfléchir sur la manière dont le renseignement doit fonctionner, une question très importante pour les syndicats de la police, quel que soit leur niveau. Sur la voie publique, les primo-intervenants sont essentiellement des gradés et des gardiens du corps d'encadrement et d'application. Par manque d'effectifs ou de stratégie policière, ils sont souvent accompagnés par des adjoints de sécurité qui se retrouvent exposés en première ligne dans ces situations de danger.
Nous avons rédigé un petit livret d'une cinquantaine de pages que nous allons vous remettre, qui résume nos réflexions et nos analyses et contient quelques propositions ; il reproduit aussi la circulaire du ministre de l'intérieur sur les cellules de suivi dans les préfectures. M.Bernard Cazeneuve, que je considère comme un homme honnête et compétent, a pu constater qu'il était très difficile de mobiliser ses propres services : en février dernier, il a rappelé à l'ordre les nombreuses préfectures qui n'avaient toujours pas créé de cellule de suivi pour la prévention de la radicalisation et l'accompagnement des familles, conformément à la circulaire du 19 mai 2014.
S'agissant des effectifs, nous nous réjouissons que le Premier ministre ait décidé de débloquer des postes budgétaires sur trois ans, afin de renforcer les services de renseignement. Cela étant, nous ne sommes qu'à moitié satisfaits car, en attendant que les recrues sortent des écoles, au bout d'un an au minimum, ces fonctionnaires affectés au renseignement vont être pris dans d'autres services. Ces transferts vont donc dégarnir les services de sécurité publique ou de police aux frontières, c'est-à-dire les premiers à intervenir sur la voie publique.
Pour compenser les transferts pendant cette période de recrutement exceptionnel de quelque 1 100 fonctionnaires dans le renseignement, nous avons proposé d'utiliser un important vivier : des milliers d'adjoints de sécurité connaissent le terrain car, pour la plupart, ils ont passé plus de trois ans dans la police nationale où ils ont accompagné des gradés et des gardiens. Il semble que le ministre ait demandé à l'inspection générale de l'administration (IGA) ou à l'inspection générale de la police nationale (IGPN) d'étudier notre proposition. Ce pourrait être une solution temporaire au manque d'effectifs lié aux transferts vers les services de renseignement. N'oublions pas que les personnels transférés n'ont pas forcément une connaissance du domaine du renseignement, même s'il s'agit de policiers aguerris, et que nombre d'entre eux devront être formés avant d'être totalement opérationnels.
Monsieur le président, vous connaissez parfaitement les questions de sécurité sur lesquelles vous travaillez depuis de nombreuses années. Monsieur le rapporteur, vous êtes élu d'une ville, qui est aussi la mienne, où les questions de radicalisation sont prégnantes. D'ailleurs, même des villages peuvent être touchés par des formes de radicalisation et de fondamentalisme. Comme l'a dit Patrice Ribeiro, ces voyous qui assassinent sont souvent sans foi en plus d'être sans loi : ils se servent de l'islam – dont la vocation naturelle ne me semble pas être de prôner le djihad – comme d'un prétexte. Cependant, si les djihadistes n'ont souvent pas grand-chose à voir avec la foi et avec le prophète, cette radicalisation existe.
Depuis une vingtaine d'années, nous avons l'habitude d'être traités d'affreux réactionnaires par certains, toujours les mêmes. Au préalable, je précise donc que nous sommes des policiers républicains et non pas des extrémistes factieux qui pensent à déstabiliser la République, en défendant des idées attentatoires aux libertés.
Néanmoins, nous sommes des syndicalistes policiers. Dans les médias, j'ai pu aller assez loin, disant qu'il faudrait peut-être imaginer un Patriot Act à la française ou la création d'une base de données communautaire rassemblant des informations personnelles sur les passagers des compagnies aériennes, sur le modèle du Passenger Name Record (PNR). Peut-être faudrait-il que les parlementaires, de quelque bord qu'ils soient, s'interrogent sur ces questions ? En tant que policiers et citoyens, nous attendons des réponses efficaces à la guerre déclarée aux gens de ce pays qui veulent vivre en paix – qu'ils soient athées ou membre d'une religion ou d'une autre – par ceux qui ont décidé d'attaquer l'État de droit.
Ces propositions syndicales nous attirent des critiques, venant la plupart du temps de la gauche, au motif que ces mesures seraient attentatoires aux libertés. Assumant la position d'Alliance, je pense que, face à des situations exceptionnelles, il faut adopter des mesures exceptionnelles voire d'exception. Il appartient aux élus de la nation de faire preuve d'imagination pour empêcher l'extrémisme sous toutes ses formes dans la République.
Pour en revenir à vos travaux, je trouve que la création de cette commission d'enquête – qui n'a pas dû être facile – est une bonne chose, mais je regrette que son intitulé, un peu limité, suggère une surveillance des filières en amont alors qu'il faut aussi surveiller après, notamment en prison.