Intervention de Lucie Commeureuc

Réunion du 11 février 2015 à 18h15
Commission d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes

Lucie Commeureuc, membre du bureau national du Syndicat national pénitentiaire FO-personnels de direction :

J'ai pu étudier pendant deux semaines l'application de l'article 41 bis dans les centres de détention italiens – j'en profite pour regretter que, pour des raisons budgétaires, ce stage ait été supprimé de la scolarité des directeurs d'établissements pénitentiaires. L'article 41 bis permet de prendre en charge des personnes dont la dangerosité est avérée et non, contrairement à certains détenus en France, susceptibles de se radicaliser. Il convient d'adopter une approche objective vis-à-vis de ceux qui pourraient entrer dans une spirale les conduisant au djihad : un terroriste, ce n'est pas avant tout un musulman, mais quelqu'un qui peut tuer des gens. Dans cette optique, l'article 41 bis peut être intéressant.

Cette procédure, renforcée à plusieurs reprises, permet d'isoler un détenu des réseaux mafieux. Les communications et les parloirs sont très strictement contrôlés ; les détenus qui servent les repas sont sélectionnés parce qu'ils ne parlent pas la même langue, et ils ne restent pas très longtemps pour éviter tout contact. Les personnels qui s'occupent de ces détenus sont formés et appartiennent à une brigade appartenant à une unité spécifique de la police, le gruppo operativo mobile (GOM), placée sous le commandement d'un général ; ils travaillent cagoulés et font l'objet de rotations très régulières pour leur sécurité. Sans adopter de mesures aussi extrêmes, l'exemple italien peut nous fournir une source d'inspiration, à condition que l'on retienne le critère de la dangerosité sociale.

Notre syndicat se bat depuis des années pour une prise en charge différenciée de tous les détenus et est favorable à la spécialisation des établissements. En revanche, il nous paraît peu opportun de créer un quartier unique regroupant toutes les personnes présentant un risque de dérive. Il y a lieu de trier et de réserver les quartiers de type 41 bis aux détenus les plus dangereux, qui sont très minoritaires. Les établissements de Condé-sur-Sarthe et de Vendin-le-Vieil ont été conçus pour que des détenus quasiment placés à l'isolement puissent bénéficier d'activités et d'une vie en détention. Ces quartiers constituent une piste intéressante, que nous avons présentée à la garde des sceaux, pour empêcher la constitution de bandes.

Toutes les politiques publiques ont échoué pour les personnes les plus fragiles qui arrivent dans les établissements pénitentiaires. Quels moyens accorde-t-on à une administration sous-dotée depuis des années pour réussir là où l'éducation nationale, la politique de la ville et les dispositifs sociaux ont échoué ? Prendre en charge correctement les personnes vulnérables pour éviter leur radicalisation en prison exige de réfléchir aux perspectives d'insertion que l'on peut offrir à ces personnes.

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