Après une CMP infructueuse, nous voici réunis à nouveau pour la nouvelle lecture de ce projet de loi très controversé, qui prétend moderniser l'économie pour renouer avec une croissance durable. Le Sénat a pour l'essentiel aggravé la dérégulation sociale et environnementale mise en oeuvre par ce texte, tout en accentuant son caractère fourre-tout. Le groupe Écologiste n'est pas opposé à la simplification ; mais celle-ci ne doit pas constituer un prétexte à une régression en matière d'environnement, de droit du travail, de transport public ou de logement social.
Ainsi, nous restons attachés au principe d'un service public du rail, mode de transport le moins polluant et qui favorise le maillage ferroviaire de tous nos territoires : l'ouverture de lignes d'autocar ne doit pas marquer la mort de liaisons ferroviaires, alors que celles-ci sont déjà fragilisées, comme l'a montré le rapport Duron. L'adoption par le Sénat du relèvement à 200 kilomètres du seuil au-delà duquel les lignes de car pourront être librement ouvertes et la revalorisation du rôle des autorités organisatrices de transport (AOT) pour l'aménagement des gares vont dans le bon sens ; en revanche, nous regrettons la disparition de l'amendement écologiste qui prévoyait une modulation des tarifs autoroutiers en faveur du covoiturage et des véhicules sobres.
Dans le domaine du logement, l'esprit et les intentions de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, avaient déjà été dénaturés, notamment par le soutien apporté au logement intermédiaire au détriment du logement social et par l'affaiblissement des droits des locataires confrontés aux ventes à la découpe. Le Sénat est allé plus loin encore en favorisant les locations de courte durée, ce qui complique l'accès à des locations pérennes.
En matière de droit de l'environnement, la Haute assemblée s'est en revanche montrée plus mesurée et plus protectrice que l'Assemblée nationale, en limitant le recours aux ordonnances et en supprimant l'article 29, relatif à la limitation des recours en démolition. Le Sénat a toutefois atténué la portée de la loi défendue par notre collègue Laurence Abeille, relative aux ondes électromagnétiques. Il nous paraît important d'assurer la protection des populations, particulièrement celle des enfants. Nous tenons donc à revenir sur ces dispositions.
Le projet Cigéo d'enfouissement des déchets nucléaires est totalement hors sujet : son introduction dans le texte est inacceptable, alors que la loi de 2006 prévoit un large débat, notamment sur la question de la réversibilité.
Au chapitre social, le sillon de la déréglementation et de la précarisation des salariés a été creusé par le passage au Sénat. L'extension du travail du dimanche et du travail de nuit ne fera selon nous que transférer une activité commerciale qui, de toute façon, restera contrainte par la stagnation, voire la baisse, du pouvoir d'achat des ménages. Le Sénat a demandé que les PME de moins de onze salariés soient exonérées des contreparties au travail du dimanche ; il a supprimé la concertation annuelle pour les dimanches du maire, et a étendu à l'ensemble des zones touristiques, et non aux seules zones touristiques internationales, la reconnaissance du travail de nuit à partir de minuit seulement. Nous regrettons également les reculs sur les seuils sociaux, sur la prise en considération de la pénibilité, sur les trente-cinq heures…
Notre philosophie est la suivante : à l'heure du développement durable, être moderne ne peut se résumer à faire primer la logique du marché et de la déréglementation sur toutes les autres considérations. Nous ferons donc des propositions, dans un esprit tout à la fois constructif et vigilant. Il ne s'agira pas seulement pour nous de corriger la copie du Sénat. N'oublions pas le passage en force du Gouvernement en première lecture : la question est aussi de savoir si le Gouvernement sera, cette fois, capable de construire une majorité.