Mon amendement SPE654 rectifié traite de plusieurs sujets en un seul, sur un thème qui a fait couler un peu d'encre.
Dans notre pays, comme dans beaucoup d'autres, un certain nombre d'enseignes essaiment des magasins ou des lieux qui se ressemblent. Cela vaut pour tous les types d'activité et pas seulement pour la grande distribution, l'hôtellerie ou à la vente de chocolats. Ces établissements fonctionnent au sein d'un réseau et reproduisent des critères communs en termes de marketing, d'achat, de formation, de compétence ou de qualité de produit. Ces réseaux sont toutefois de natures très différentes : on trouve des entreprises intégrées qui gèrent un ensemble de sites, des coopératives, des franchises avec, parfois, des entités qui sont actionnaires du franchiseur… Bref, la diversité et la complexité des modes d'organisation rendent difficile d'imposer à tous un modèle unique conformément à l'exigence constitutionnelle d'égalité de traitement. Cet obstacle ne doit néanmoins pas nous dissuader de nous intéresser au sujet.
Que constatons-nous ? Certains franchisés semblent avoir signé pour une durée qui ressemble bien à l'éternité, parfois pour vingt-cinq ans ou même pour une durée indéterminée au prétexte, évidemment, qu'il faut faire leur bonheur. Permettez-moi de m'amuser du nombre de franchiseurs qui m'ont dit que la bonne solution était le contrat à durée indéterminée ; disons que le regard sur le CDI n'est pas toujours le même selon la population à laquelle il s'applique ou le business concerné !
Le nombre et le cumul des contrats qui lient le réseau à chacun de ses membres posent aussi un problème. Certains contrats portent sur la marque, d'autres sur le magasin, d'autres sur l'achat, d'autres sur les services rendus. Il s'agit souvent de documents différents dont les dates d'échéance ne sont pas identiques, ce qui signifie que l'un ou l'autre des engagements pris est toujours à tout moment en vigueur et qu'il est difficile de sortir de « l'éternité » que j'évoquais.
Enfin, des clauses dites de non-concurrence un peu extravagantes s'appliquent en cas de sortie du réseau, qui vous interdisent par exemple d'exercer une activité similaire avec une autre enseigne où que ce soit en Europe pendant un an : si j'ai vendu du chocolat chez l'un, je n'ai plus le droit d'en vendre ailleurs…
J'ai réfléchi à ces questions avec le Gouvernement et les services compétents que je remercie.
Pour mettre un terme à « l'éternité » qui caractérise parfois le lien entre le réseau et ses membres, je pense que nous devons nous donner le temps de la réflexion. En raison de l'hétérogénéité à laquelle nous avons affaire, nous prendrions un risque constitutionnel si nous visions certaines structures et pas d'autres, comme l'a fait le Sénat. Je sais d'expérience qu'il vaut mieux rester prudent : le Conseil constitutionnel n'a pas toujours goûté la constitutionnalité de mes amendements – même si sa récente décision sur l'eau a conforté mes positions et m'a ravi. Je propose que nous demandions au Gouvernement d'effectuer un travail d'expertise de l'ensemble des situations pour que soit évité tout engagement ad vitam aeternam. Le monde économique va à une telle vitesse qu'il est impensable aujourd'hui de signer des contrats de ce type pour vingt-cinq ans.
Je propose en revanche d'harmoniser dès aujourd'hui les échéances de l'ensemble des contrats qui lient un commerçant avec un réseau, afin de mettre un terme à ce chevauchement.
En matière de clauses de non-concurrence, l'amendement vise à appliquer strictement la directive européenne qui prévoit qu'elles ne peuvent être mises en oeuvre que si sont remplies quatre conditions cumulatives. Aucune autre contrainte ne pourra donc être imposée.
J'ai bien conscience de n'avoir traversé que la moitié du gué, mais nous n'étions pas à maturité pour aller au-delà aujourd'hui.