Intervention de Laurent Fabius

Réunion du 14 avril 2015 à 8h30
Commission d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes

Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international :

Le fait que des diplomates turcs soient retenus à Mossoul interdisait à la Turquie, aussi longtemps qu'ils n'étaient pas libérés, de s'associer à certaines déclarations très fermes de certains pays dont la France, mais elle a accompagné certaines actions menées contre ceux qui détenaient ces otages. Les accusations de double langage sont portées de manière récurrente contre la Turquie et d'autres pays. Les ministres des affaires étrangères successifs devant avoir pour vertu première de ne pas pécher par naïveté, nous demandons fréquemment à nos services de procéder aux vérifications nécessaires ; il va sans dire que si nous avons ou si nous avions le sentiment d'un double langage avéré, nous réagissons ou réagirions. Il est vrai aussi que la doctrine d'un pays peut évoluer, ou qu'il veuille défendre ses intérêts de la manière qu'il pense la meilleure. Rien de tout cela n'est simple, mais il ne me paraît pas justifié d'accuser ce pays en particulier, même si la prudence s'impose.

La question du financement du terrorisme est un sujet capital. Daech est une organisation qui se prend pour un État. Incidemment, si la diplomatie westphalienne est en difficulté, c'est que des groupes revendiquent les attributs des États au moment où ceux-ci s'affaiblissent. C'est bien au portefeuille qu'il faut frapper Daech et consorts, et nous nous y employons. Des réunions ont déjà eu lieu à ce sujet à Bahreïn, des travaux sont menés sous l'égide de l'ONU, et d'autres encore. Nous y participons. La question du financement doit sans cesse être remise sur le métier. Aux ressources tirées de la vente du pétrole s'ajoutent le produit d'autres financements et des prélèvements qui sont en quelque sorte l'impôt du califat.

Le même travail s'impose à propos des filières d'immigration clandestine en provenance de la Lybie, qu'il faut démanteler. On peut s'attendre que le phénomène prenne des proportions d'une ampleur inédite dans les mois qui viennent, et l'Italie vient de recueillir 4 000 personnes en deux jours seulement. Or, la communauté internationale ne fait pas assez pour le démantèlement de ces filières. A-t-on arrêté le moindre trafiquant, en Lybie ou ailleurs ? Pourtant, les bateaux qui servent à ces transports ont des propriétaires, et ces passages ont des organisateurs. Les questions, du reste liées, du financement du terrorisme et du financement de l'immigration illégale sont des sujets très importants. Sous Mouammar Kadhafi, 90 % des Libyens vivaient des revenus du pétrole. Ces ressources existent toujours, et elles continuent d'être distribuées.

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