Intervention de Christopher Dorangeville

Réunion du 17 mars 2015 à 8h00
Commission d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes

Christopher Dorangeville, secrétaire national de l'Union générale des syndicats pénitentiaires, UGSP-CGT :

Avec tous les Français, nous avons été profondément choqués et meurtris par les terribles événements survenus à Charlie Hebdo ainsi qu'au magasin Hyper Casher de la Porte de Vincennes. Avec tous les républicains, les laïcs, nous nous interrogeons sur l'intolérance religieuse et sa place de plus en plus prégnante dans notre démocratie. Avec tous les pénitentiaires, nous voulons témoigner notre solidarité envers toutes les victimes de ces attentats : les salariés et dirigeants du journal, les clients et les personnels de l'Hyper Casher, nos collègues policiers, les communautés juive et musulmane.

Mais être pénitentiaire, c'est aussi avoir une responsabilité et se questionner sur la manière dont quelques individus ont pu se radicaliser en passant par la case prison. En tant que syndicalistes, nous devons aider le pays à détecter et prévenir les risques touchant à la radicalisation. Nous avons quelques idées, mais être syndicaliste ce n'est pas avoir un avis éclairé et certain sur toute chose, particulièrement sur cette question qui n'a suscité que peu d'échanges avant que la réalité ne nous rattrape.

Permettez-moi une parenthèse. Il existe en prison d'autres radicalismes dont il faudrait se préoccuper à l'occasion d'un futur projet de loi, notamment celui des Témoins de Jéhovah qui sont pourtant identifiés comme un culte banal, ce qui est grave.

Pour circonscrire mon propos à l'objet de cette table ronde, je ne commenterai pas forcément les crédits budgétaires de fonctionnement et d'emplois accordés à l'administration pénitentiaire. On nous a dit qu'ils étaient des moyens nouveaux. Dont acte. Cependant, je ferai quelques remarques.

Pour lutter efficacement contre le radicalisme religieux, islamiste en l'espèce, il faut être capable de détecter les radicaux à leur arrivée en prison – quand ils ne nous ont pas été signalés au préalable – et il faut pouvoir les suivre ensuite. Chacun doit se rendre compte que la surpopulation pénale est un frein considérable à la détection, enjeu majeur pour le service public pénitentiaire. Nos collègues, au coeur des détentions, sont déjà sur tous les fronts et trop peu nombreux pour assurer convenablement les autres missions de prévention, la surveillance et le suivi individualisé.

Comment ne pas s'interroger sur la politique pénale et ses effets sur le nombre de personnes incarcérées ? Comment ne pas poser la question du nombre d'emplois à créer au coeur des détentions ? Pour la CGT, ces deux enjeux essentiels conditionnent la capacité à former nos collègues à la détection des risques islamiques radicaux. Actuellement, ils ne sont pas armés pour le faire. Il faut former l'ensemble des collègues et non pas quelques-uns comme le sous-entend le plan ; et il faut bien les former pour leur éviter de tomber dans l'amalgame ou d'ignorer les bons signes de radicalisation.

Il faut également repenser le travail pluridisciplinaire en interne et l'harmonisation des différents services de renseignement de l'État, l'administration pénitentiaire n'étant pas suffisamment prise en compte par les autres services.

Voilà, d'une manière condensée, quelques pistes de travail. Pour réussir une action publique pénitentiaire digne de ce nom, il faut améliorer les rôles et les missions des personnels de surveillance et de commandement, et leur redonner la capacité de travailler. Il ne suffira pas d'ajouter des agents de renseignements ici ou là, de créer des quartiers ou des équipes nouvelles. Tout ceci sera peu de chose sans la participation des agents qui se trouvent au coeur des détentions.

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